Deux médias intimement liés depuis des années, avec leurs échecs, leurs succès, mais surtout leurs héritages. Un long dossier pour comprendre les nombreux liens entre les jeux vidéo et le cinéma.
Inversement, le jeu vidéo peut reprendre les codes d'un genre cinématographique. C'est le cas de Mirror's Edge, qui s'inspire de la discipline sportive française, le Parkour. Ce sport peu connu a été popularisé avec des films comme Yamakasi ou encore Banlieue 13. Rapidement un phénomène de société chez les jeunes adultes et les sportifs avides de sensations fortes, EA Games décide d'en faire un jeu.
Située dans un futur proche, dans une société totalitaire, l'héroïne, Faith, doit parcourir la ville pour déjouer un complot menaçant sa sœur. Alors que, dans les films, la caméra se place loin des personnages pour accentuer leurs exploits physiques, le jeu prend ici place à la première personne. Les sensations sont donc beaucoup plus importantes à la manette/au clavier qu'en regardant le film. Si le spectateur est impressionné par les sauts de Leito dans Banlieue 13, il ne voit pas le danger qu'il évite, et donc ne s'attache pas autant à lui dans ces moments d'acrobaties. À travers Mirror' Edge, le joueur voit le vide sous les pieds de Faith, et donc prend peur pour elle. Bien que le jeu soit virtuel, la peur du vide est bien réelle, et la mort qui s'en suit si l'on rate un passage est d'autant plus traumatisante, car la caméra suit le personnage jusqu'à son contact avec le sol, une centaine de mètres plus bas.
Si cet effet d'identification au personnage est plus fort dans des jeux comme celui-ci, c'est notamment dû à la vue subjective. Ces FPS mettent le joueur directement dans la peau de son personnage, partageant ainsi sa vision du monde virtuel et parfois même ses pensées. Bien que Mirror's Edge soit un jeu pacifiste, les pionniers du genre sont des jeux de guerre, comme Doom ou Call of Duty et mettent en avant sur l'écran l'arme du personnage. Ce mode de jeu très nerveux et immersif a inspiré plusieurs films récents. Si une des dernières séquences de Doom est filmée en plan-séquence en vue subjective, c'est davantage pour satisfaire les joueurs que pour montrer une mise en scène recherchée, bien que l'aspect rigide des mouvements joue beaucoup sur cette phase de tir.
L'utilisation de la vue subjective est aussi très utilisée dans [REC]², où l'histoire nous est montrée à travers les caméras attachées sur les casques d'une unité spéciale intervenant dans un immeuble infesté de zombies. L'immersion est ici totale et le film d'horreur s'en retrouve meilleur avec cet effet de proximité avec le danger.
Un autre problème se pose lorsqu'on regarde un film adapté d'un jeu vidéo, c'est la notion de gameplay dans la trame narrative. On l'a vu, Silent Hill est une bonne adaptation, mais se retrouve pris au piège dans son propre jeu. En effet, l'histoire du jeu peut se résumer à la recherche de Cheryl par son père Harry. Le joueur va donc parcourir la ville pour trouver des indices, qui l’amèneront à un autre endroit où il découvrira un autre indice, ainsi de suite jusqu'à qu'il ait retrouvé sa fille. Le joueur se satisfait donc de sa découverte, qui par ailleurs dévoile peu à peu le scénario, lui permettant de découvrir de nouvelles facettes de la ville, relançant fréquemment l'exploration et donc l’intérêt du jeu. Si le mécanisme est efficace dans un jeu vidéo, il l'est beaucoup moins dans un film. La trame narrative du long-métrage n'est qu'un décalque de celle du jeu. Rose découvre un item dans la bouche d'un cadavre qui l’amènera dans un hôtel. Elle découvre au passage une carte de la ville, comme dans le jeu. Bien que l'intention soit louable, elle nuit sur la réalisation. En effet, le réalisateur préfère filmer constamment Rose dans son exploration des différents lieux de la ville plutôt que de les montrer grâce à des plans larges et esthétiques. Ainsi, la ville n'est jamais montrée dans son ensemble, on enchaîne les lieux clos comme les couloirs ou les chambres, mais impossible de situer ces endroits dans l'espace.
De plus, si le fait de trouver un item pour indiquer la suite de l'aventure est parfaitement accepté dans un jeu vidéo (c'est même la base du gameplay de Silent Hill), dans un film, le spectateur à plutôt l'impression d'avoir à faire à un deus ex machina, erreur du scénariste qui lui permet de sortir son personnage d'une situation dont une explication logique ne suffirait pas. Le souci du gameplay se fait aussi sentir dans la présentation de l'univers du jeu. Dans celui-ci, Harry peut trouver de nombreuses notes dans la ville, laissant imaginer au joueur ce qu'il s'est passé auparavant. Le joueur se crée alors son univers de Silent Hill, imaginant toutes sortes d'atrocités s'étant produites avant son arrivée, et donc renforce la tension quant à la suite de son aventure. Dans le film, tout est explicité, et bride l'imaginaire du spectateur. Devant les horreurs qui se déroulent sous les yeux de Rose, le réalisateur préfère expliquer toute l'histoire au travers d'un flashback maladroit lors de la séquence finale, plutôt que de laisser des indices aux spectateurs, qui auraient ainsi pu se créer eux-mêmes cet univers mental.
Commenter 18 commentaires
Très bon jeu par ailleurs, et merveilleuse image du die&retry, massacré au cinéma, bien plus tard
Ce mec est un réalisateur tellement mauvais qu'il en est culte!
Je me ferai une pause lecture cette après-midi pour lire tout cela Clint008. J'ai parcouru les pages et j'ai repéré des films qui ont traumatisé mon enfance.
Merci
il me semble qu'il manque l'œuvre d'art " Double dragon " dans le dossier
Bravo !
Merci, j'ai tout corrigé en une soirée