Deux médias intimement liés depuis des années, avec leurs échecs, leurs succès, mais surtout leurs héritages. Un long dossier pour comprendre les nombreux liens entre les jeux vidéo et le cinéma.
L'industrie cinématographique américaine est connue depuis longtemps pour adapter toutes sortes de produits culturels sur grand écran, que ce soit des bandes dessinées, des comics, des livres ou même des chansons. Mais les jeux vidéo avaient pour l'instant échappé à cette règle, sûrement dû au fait de leur réputation de loisir éphémère et marginal. Bien qu'Hollywood utilise depuis longtemps les références du monde vidéoludique dans ses films dès les années 80, l'industrie cinématographique va passer un nouveau cap en 1993 en adaptant une des plus célèbres licences du jeu vidéo en un film aux prises de vues réelles.
Voulant utiliser la notoriété du personnage de Mario, le plombier moustachu, les réalisateurs Rocky Morton et Annabel Jankel décident de porter les aventures du héros populaire de Nintendo sur grand écran, mais avec cette fois-ci de vrais acteurs. Le défi est grand, notamment à cause de la trame narrative du jeu vidéo, très pauvre. Mario qui doit sauver sa princesse des griffes de l’infâme Bowser, en parcourant les huit niveaux que comporte le jeu pour qu'à la fin des sept premiers châteaux, Toad, son ami champignon, lui dise que sa princesse se trouve dans un autre château. Difficile donc d'adapter un jeu de plateforme en 2D très linéaire en un film d'une heure et demie.
Alors que le jeu fait voyager Mario aux quatres coins du monde, de l’Égypte à la Chine en passant par l'Île de Pâques, les réalisateurs décident d'installer le plombier et son ami Luigi en plein Brooklyn, car selon Parker Bennet, le scénariste, « dans le cinéma, le stéréotype de l'Italiano-américain vient forcément de Brooklyn ». Bien que le lieu du début du film soit pour le moins étonnant, ce qui suit n'en est que plus traumatisant pour les jeunes joueurs qui ont parcouru le jeu plusieurs fois sur NES. Les deux amis plombiers doivent en effet sauver la princesse Daisy, alors que dans le jeu vidéo, c'est bien la princesse Peach qui est sauvée. Daisy est une amie de Peach, mais pas la princesse originale du jeu. Les réalisateurs ont voulu choisir un autre personnage, plus dynamique. Dans le film, Peach est une jeune archéologue qui détient une pierre magique convoitée par Koopa, chef dictateur d'un peuple de dinosaures ayant évolué au fil des années en humains, et vivants dans une dimension parallèle.
Les liens avec le jeu de Nintendo se font de plus en plus rares. Incarné ici par Dennis Hopper, Koopa - le nom japonais de Bowser - ressemble davantage à un humain avec une langue de serpent qu'à un dragon ou un dinosaure. Si ces créatures préhistoriques sont au centre du film, c'est à cause de Super Mario World, qui introduit le personnage de Yoshi, un petit dinosaure que Mario peut monter au cours du jeu. Alors que le personnage rencontre un fort succès auprès des joueurs, le scénariste décide de placer l'univers du film dans un monde peuplé de dinosaures. Cependant, loin du design enfantin de Yoshi, les créatures du film sont dérangeantes, voire effrayantes pour le jeune public. Il en est de même pour l'univers du jeu, le Royaume Champignon, qui, dans le jeu, est composé de paysages verdoyants et de nuages souriants, se transforme dans le film en Dinohattan, une ville sombre, dangereuse, que l'on pourrait comparer à une ville cyberpunk sale, habitée par des hommes-dinosaures violents.
Le film tente tout de même de placer certains éléments du jeu vidéo dans sa trame narrative. Le passage du monde réel au monde alternatif de Dinohattan se fait en effet par un passage qui atomise en milliers de pixels les personnages pour les transporter dans l'autre dimension. Plusieurs fois dans le film, les plombiers traversent des tuyaux, référence directe au jeu où Mario peut passer dans des tuyaux verts pour découvrir des raccourcis. Le joueur remarquera aussi la présence d'un personnage récurrent, le Bob-omb, petite bombe, qui, dans le film n'a aucune utilité si ce n'est rappeler que nous sommes tout de même devant un film inspiré de Super Mario Bros..
Cependant, l'œuvre emprunte énormément aux clichés du cinéma américain et cela nuit donc à l'adaptation. En plaçant les deux plombiers italiens à Brooklyn, le scénariste joue sur les codes du cinéma hollywoodien. De plus, la princesse Peach ne tombe pas amoureuse du plombier bedonnant, pourtant personnage principal de jeu vidéo et du film, mais bien du jeune et séduisant Luigi.
Commenter 18 commentaires
Très bon jeu par ailleurs, et merveilleuse image du die&retry, massacré au cinéma, bien plus tard
Ce mec est un réalisateur tellement mauvais qu'il en est culte!
Je me ferai une pause lecture cette après-midi pour lire tout cela Clint008. J'ai parcouru les pages et j'ai repéré des films qui ont traumatisé mon enfance.
Merci
il me semble qu'il manque l'œuvre d'art " Double dragon " dans le dossier
Bravo !
Merci, j'ai tout corrigé en une soirée