Deux médias intimement liés depuis des années, avec leurs échecs, leurs succès, mais surtout leurs héritages. Un long dossier pour comprendre les nombreux liens entre les jeux vidéo et le cinéma.
Depuis la popularisation des bornes d'arcades au début des années 70, l'industrie cinématographique a senti le potentiel qu'avaient les jeux vidéo auprès du public. Alors qu'Hollywood se dirigeait à l'époque vers un public d'adolescents, ceux-ci, plutôt que d'aller au cinéma, préféraient s'amuser sur ces nouveaux systèmes de divertissement électronique. Quand les classiques jeux de flippers et fléchettes ont fini par lasser, les lieux publics comme les bars, les centres commerciaux ou les bowlings ont accueilli à bras ouverts ces bornes d'arcades. Ces meubles verticaux, composés d'un écran, d'un joystick et de plusieurs boutons ont popularisé plusieurs jeux, très connus du grand public d'aujourd'hui, tels que Pong, Pac-Man, Space Invaders ou encore Asteroids.
Rapidement, Hollywood comprit que ces jeux pouvaient attirer les adolescents dans les salles de cinéma, et lança dès la fin des années 70 la production de plusieurs films abordant le thème du jeu vidéo. Alors que le Nouvel Hollywood battait son fort avec des films intimistes, des réalisateurs comme Steven Spielberg ou Georges Lucas relancent la mode des blockbusters grand public. Les deux hommes s'inspirent pour leurs films du livre de Joseph Campbell, Le Héros aux mille et un visages, abordant le concept du monomythe, qui consiste à dire que toutes les histoires sont basées sur le même schéma, à savoir un héros qui part à l'aventure, affronte diverses péripéties, en ressort grandi et utilise ses acquis pour améliorer son quotidien, voir le monde entier. Ce schéma a été utilisé pour Star Wars, Indiana Jones, Les Goonies, mais aussi dans un bon nombre de productions des années 80.
C'est le cas de Starfighter, réalisé par Nick Castle en 1984. Le film nous raconte la jeunesse d'Alex Rogan, adolescent vivant dans une communauté de mobiles homes, le Starlite Starbrite. Quand il n'aide pas ses voisins, il passe son temps sur une borne d'arcade à jouer à Starfighter, un shoot'em up spatial où le joueur doit sauver la planète contre l'invasion de Xur et de l'armada Ko-Dan. Reprenant le monomythe, Alex est jeune et part dans une aventure hors du commun, accompagné d'un mentor et d'un faire-valoir (le sidekick rigolo). Alors que l'avenir d'Alex le destine à enchaîner les petits boulots pour survivre, ici, le jeu d'arcade lui permet de s'extraire de son déterminisme social le temps d'une partie de jeu. Dans Starfighter, l'image du joueur est positive. Alex est un garçon stable, serviable, débrouillard, que toute la communauté apprécie. Une séquence met même en scène Alex battant haut la main le high score du jeu, sous les yeux admiratifs de ses voisins. La borne d'arcade devient alors un lieu de rassemblement, où la bonne humeur se fait sentir à chaque partie.
Mais pour Hollywood, il faut surenchérir. Les jeux d'arcades sont un simple divertissement sans réel objectif, si ce n'est la satisfaction personnelle de faire un bon score. Au cinéma, il faut augmenter les enjeux de la partie. Ainsi, les affiches des films traitant de jeux vidéo jouent beaucoup sur la comparaison entre les joueurs qui jouent pour le plaisir, pour de faux, et les personnages des films qui jouent « pour de vrai ». Ce phénomène est visible sur de nombreux posters de l'époque, comme celui de Videokid, réalisé par Todd Holland en 1989, où trône en haut de l'affiche la phrase « Certains jouent pour gagner. Jimmy joue pour changer sa vie », et sous le titre du film, « Les jeux vidéo, c'est sa vie ». C'est aussi le cas sur l'affiche de la comédie policière Coak & Dagger de Richard Franklin en 1984, qui affirme que « Davey Osborne is playing for keeps », pour de vrai. L'affiche sous-entend alors que le joueur/spectateur joue pour de faux, sans enjeu réel. Le cinéma dramatise donc l'action de jouer dans ces films, rendant ainsi l'activité de jouer aux jeux vidéo presque futile. Le cinéma de divertissement rappelle régulièrement sa supériorité dans le domaine de l'amusement en rabaissant les jeux grâce à des phrases d’accroches agressives. Sur l'affiche de l'adaptation live de Super Mario Bros., le spectateur peut lire « This Ain't No Game », qu'il est possible de traduire par « On ne joue plus ». Le divertissement serait donc supérieur en visionnant ce film qu'en jouant au titre de Nintendo.
Commenter 18 commentaires
Très bon jeu par ailleurs, et merveilleuse image du die&retry, massacré au cinéma, bien plus tard
Ce mec est un réalisateur tellement mauvais qu'il en est culte!
Je me ferai une pause lecture cette après-midi pour lire tout cela Clint008. J'ai parcouru les pages et j'ai repéré des films qui ont traumatisé mon enfance.
Merci
il me semble qu'il manque l'œuvre d'art " Double dragon " dans le dossier
Bravo !
Merci, j'ai tout corrigé en une soirée