La parole est à Jean-Maxime Moris, directeur créatif du jeu.
Qu’apporte Remember Me au genre action/aventure, un genre où la concurrence est très rude (Assassin’s Creed, Batman: Arkham) ? Comment Remember Me va-t-il trouver sa place face à ces ténors qui se vendent à des millions d’exemplaires ?
J-M. M. : nous, nous sommes une nouvelle IP, créée à partir de zéro. Batman, c’est une franchise qui existe depuis les années 30 ou 40 et Assassin’s Creed, pareil, les années 30 ou 40 (rires), vu qu'il commence à y en avoir quelques-uns. Nous, déjà, c’est nouveau. Alors, cela ne fait pas un bon jeu, la nouveauté, mais il faut le souligner, c’est nouveau. Nous avons une recette d’action/aventure que nous avons voulue très facile, très accessible pour les gens. Il y a beaucoup de combats, il y a beaucoup de narration, il y a des puzzles… Puis au-delà de ça, nous avons un personnage fort et un univers fort, très fort. Et puis, nous avons des innovations en terme de gameplay. Nous avons le Combo Lab, le Memory Remix. Pour englober tout ça, nous posons des questions éthiques, sur les réseaux sociaux. Si vous n’avez pas envie de vous les poser, vous ne vous les posez pas, mais nous, nous proposons aussi d’y réfléchir. C’est tout un tas de choses qui nous différencie des autres. Alors, nous ne sommes pas 800 ou 1000 à bosser sur Assassin’s Creed, il faut quand même remettre les choses dans leur contexte, nous, nous sommes 70, sur Assassin‘s Creed, ils sont des centaines. Mais, en tout cas, moi j’ai autant de plaisir, parfois, à jouer à un jeu AAA, open-world, open-bar, happy hour (rires), avec tout le contenu possible et imaginable que jouer à des jeux plus linéaires comme Uncharted, et qui offrent une expérience très dense, très ramassée, dont nous ne tirons pas les mêmes choses. Je ne m’en fais pas. Bien sûr, il y a des considérations commerciales, mais ce qui était important c’était de faire un jeu dont nous serions fiers, en terme d’œuvre collective. Et ça, j’en suis extrêmement fier.
Nous savons ce que nous voulons faire, dans Remember Me 2.
Comment avez-vous agencé les éléments narration, action et plateforme ?
J-M. M. : c’est un processus itératif, d’écriture du jeu, de faire des niveaux, voir où il y a des longueurs, les couper, continuer, voir comment tel mécanisme impacte le scénario, etc. C’est très itératif. À un moment donné, nous disons stop et nous produisons le jeu en pré-production. Mais, comme je le disais, avant tout, c’était toujours cette idée d’avoir du rythme, d’être accessible, avec le trio combat/narration/puzzle, en renouvelant à chaque fois, dans les mécanismes. Avec des points d’orgue au sein de l’expérience puisque les niveaux se terminent soit par un boss fight, soit par un Memory Remix. Et voilà.
Justement, vous n’avez pas peur que le Memory Remix et le Combo Lab cassent le rythme ?
J-M. M. : je pense que le Combo Lab, c’est vraiment quelque chose qui… je vous ai tous observé jouer ce matin et les gens s’en servent de manière totalement différente. Il y a vraiment moyen de s’en servir, si nous avons à l’esprit, si nous nous investissons dedans, que nous nous disons : « ok, quels sont les ennemis que je rencontre ? Où est-ce que j’ai galéré au dernier combat ? », nous rentrons dedans et après, disons, tous les deux combats, nous faisons quelques modifications et ça va très vitre. Après, il y en a qui voudront y passer plus de temps et pour qui cela ne va pas forcément casser le rythme parce qu'ils aiment jouer avec les nombres et les statistiques. Il y a les gens qui ne vont pas avoir envie d’y aller du tout, dans ce cas-là, cela va se remplir, pas automatiquement, mais quasiment. Ils mettront peut-être plus de temps à sortir des combats, mais ils y arriveront aussi. Donc, je pense que c’est vraiment selon la façon de jouer de chacun. Et puis, le Memory Remix, je trouve au contraire que ça ne casse pas le rythme parce que là où nous avons des cinématiques dans les autres jeux, celles-là sont interactives et il y a du gameplay, cela veut dire quelque chose et elles rentrent complètement dans le concept du jeu. Je trouve que c’est tout sauf une cassure de rythme.
Au final, vous avez une approche très didactique, aussi bien pour le Combo Lab que pour le Memory Remix. C’est quelque chose à laquelle vous avez pensé tout de suite ou est-ce venu après ?
J-M. M. : c’était une façon, dans une structure linéaire de jeu, que nous avons voulue comme telle parce que nous voulions avoir un maximum de contrôle sur les évènements, sur les émotions que le joueur va rencontrer dans le jeu… Néanmoins, nous voulions une vraie liberté. Cette liberté, elle s’exerce dans le Combo Lab, dans la façon dont nous allons toujours avoir la possibilité de personnaliser notre façon de jouer, en combat. Et puis, d’un coup, vous avez le Memory Remix. Même si dans le Memory Remix, il n’y a qu’une seule sortie possible, parce que nous voulons que le joueur raccroche tout de suite le wagon et se dise « ah oui, c’est pour ça que j’ai fait tel truc, je comprends tout », avec des chemins parallèles, ça devient très vite compliqué. En même temps, il y a moyen de combiner plein d’interactions, de faire d’autres embranchements, de déverrouiller des trophées parce que nous avons découvert tel embranchement dans tel Remix ou découvert un Memory Bug en tuant le mec quand nous remixions dans sa mémoire. En speed-run dans le Memory Remix, nous pouvons le faire en dix minutes, un quart d’heure. Mais si nous voulons nous approprier la mécanique de gameplay et pas simplement arriver le plus vite possible du point A au point B, alors nous pouvons y rester beaucoup plus longtemps et découvrir de l’épaisseur aux personnages.
Qu’attendez-vous de la Next-Gen ? Est-ce que la question se pose déjà pour vous ?
J-M. M. : ce que j’attends de la Next-Gen, c’est simple, nous voyons vers quoi ça se dirige. Nous n'allons pas forcément avoir des plateformes qui vont avoir un gap technologique aussi marqué qu’entre la PS2 et la PS3 à cette époque. Nous allons plutôt avoir des plateformes qui vont embrasser l’air du temps, avec des fonctionnalités sociales, la reconnaissance de mouvements, la caméra, etc. Moi, je trouve que c’est plutôt une très bonne chose, car nous suivons exactement le même cycle que le cinéma. À la fin des années 90, il faisait la course aux effets spéciaux et puis, à un moment donné, tout le monde a eu les mêmes et nous nous sommes repenchés sur le contenu et le sens, « quelles expériences avons-nous envie de vivre ? » Dans le jeu vidéo, c’est pareil, après la course vers le photoréalisme, c’est uniquement le contenu qui va faire juger si un jeu est bon ou pas, non seulement sur les consoles Next-Gen avec les AAA, mais aussi avec les myriades de plateformes qui se sont développées au fil des années pour les joueurs plus casuals, sur les tablettes, en F2P, via les jeux sociaux, etc. Tout ça nous amène à être drivés par le contenu et l’expérience de jeu. Il y a de plus en plus de gens qui jouent, de plus en plus d’expériences possibles, et c’est ça qui est fascinant dans le jeu vidéo.
Pourquoi n’y-a-t-il pas de Remember Me sur Wii U ?
J-M. M. : ça, c’est une question qu’il faut poser à Capcom. Nous, nous sommes tout à fait ouverts à faire Remember Me sur Wii U, mais ce n’est pas au programme pour l’instant.
Qui de Remember Me 2 ?
J-M. M. : nous, nous savons ce que nous voulons faire, dans Remember Me 2. Nous avons le concept, qui est posé et qui est réfléchi pour les fonctionnalités Next-Gen et qui est réfléchi par rapport au développement de l’univers de Remember Me, du Memory Remix. Mais nous ne travaillons pas encore officiellement dessus et les ventes seront clairement un facteur décisif pour Capcom.
Donc, aujourd’hui, Dontnod travaille sur d’autres projets…
J-M. M. : tout à fait.
Merci à Jean-Maxime Moris pour ses réponses et à Capcom pour l'invitation.
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