Le Métavers : Quand les enfants prennent le pouvoir en VR (et harcèlent les adultes !)
par Eric de BrocartDifficile, aujourd'hui, d'aller dans le Métavers ou un jeu en ligne en VR sans être en contact avec de jeunes, voire trop jeunes, enfants qui sont souvent en roue libre dans ces espaces de liberté sans réeel contrôles.
Dans l'univers de la réalité virtuelle, une révolution inattendue est en cours : les enfants s’imposent comme les principaux occupants des métavers sociaux, ou des jeux en ligne, transformant ces espaces en véritables cours de récréation numériques. Si des plateformes comme Horizon Worlds de Meta ou Roblox étaient initialement pensées pour attirer un public varié, elles sont aujourd’hui dominées par une population jeune, avec toutes les implications que cela entraîne. Mais cette montée en puissance soulève une question clé : comment concilier sécurité, créativité et coexistence entre générations dans ces nouveaux espaces sociaux ?
Un Métavers conquis par les jeunes
La popularité croissante de la VR auprès des enfants n’est pas une surprise. La baisse des prix des casques VR, comme le Meta Quest 3 à seulement 300 €, a rendu cette technologie accessible à de nombreuses familles. En parallèle, les restrictions d’âge pour accéder à des plateformes comme Horizon Worlds ont été progressivement abaissées : 13 ans en 2023, puis 10 ans en 2024 pour les États-Unis et le Canada. Résultat : une armée de jeunes avatars envahit les espaces virtuels, bouleversant leurs dynamiques sociales.
Un Chaos Créatif ?
Les enfants apportent une énergie débordante aux métavers. Courses-poursuites, jeux improvisés, hurlements de joie (ou de frustration), et échanges incessants transforment ces environnements en véritables terrains de jeu. Ce chaos peut parfois être fascinant : des enfants recréent des parties de floor-is-lava, interagissent avec des objets interactifs ou explorent des univers comme des aventuriers numériques. Pour eux, la VR devient une extension de leur imagination débordante. Cependant, ce dynamisme a un revers. Les comportements toxiques ne sont pas rares, que ce soit des insultes, du harcèlement ou des interactions inappropriées. Paradoxalement, ce sont parfois les adultes qui se sentent harcelés, dépassés par cette cacophonie juvénile. À bien des égards, les métavers ressemblent de plus en plus à une version digitale de Sa Majesté des Mouches.
Petit rappel sur les risques de la VR chez les plus jeunes :
- Vision : Les yeux des jeunes enfants sont encore en pleine maturation. Les écrans placés très près du visage, comme dans les casques VR, peuvent provoquer une fatigue oculaire, une sécheresse, ou même, à long terme, favoriser une myopie précoce.
- Cerveau : Les expériences immersives proposées par la VR sollicitent fortement les sens et le cerveau. Chez les enfants, cela peut entraîner une surstimulation qui pourrait perturber leur capacité à se concentrer, altérer leur perception de l’espace et compliquer la régulation de leurs émotions.
- Équilibre et coordination : La VR interagit avec le système vestibulaire, qui contrôle l’équilibre et les mouvements. Chez les enfants, encore en plein développement physique, cette stimulation peut provoquer des vertiges, des troubles de la coordination, voire des nausées.
Un Défi de Modération pour Meta
Face à cette nouvelle donne, Meta et d’autres plateformes doivent relever un défi de taille. Bien que des outils comme le contrôle parental, les modérateurs en ligne, ou des options pour limiter les interactions soient en place, leur efficacité est souvent remise en question. Peut-on réellement surveiller des millions d’interactions dans un espace aussi ouvert et anonyme que le métavers ? Meta a récemment pris des mesures pour orienter certains espaces vers un public plus adulte, comme des clubs de comédie ou des cafés à thème. Mais ces initiatives se heurtent à la réalité d’un métavers où les frontières entre générations sont floues : un enfant peut se retrouver « par accident » dans une salle de projection d’un film d’horreur gore. Ce mélange des publics rend la coexistence parfois difficile, voire risquée.
Une Nouvelle « Cour des Miracles » Digitale
Malgré ses problèmes, la présence massive des enfants dans la VR peut aussi être vue sous un jour positif. La VR agit comme un « espace sauvage » moderne, un équivalent numérique des bois où les enfants pouvaient autrefois construire des cabanes et explorer leur créativité sans surveillance constante. Ces espaces offrent une liberté rare dans un monde où les enfants passent de plus en plus de temps enfermés ou encadrés par des écrans. Les experts soulignent également le potentiel éducatif et social de la VR. Des moments de connexion authentiques sont possibles, comme observer ensemble une aurore boréale numérique ou collaborer dans un jeu créatif. Ces interactions montrent que, malgré le chaos, ces espaces peuvent être enrichissants et porteurs de nouvelles expériences.
Jeremy Bailenson, chercheur à Stanford, note que les enfants ont une plasticité cérébrale élevée, ce qui peut les rendre plus vulnérables aux effets cognitifs et émotionnels de la VR.
L'Avenir des Métavers : Vers un Équilibre ?
Le succès des métavers dépendra de leur capacité à évoluer pour répondre aux attentes de tous leurs utilisateurs. Les enfants continueront de s’approprier ces espaces, mais les développeurs devront créer des environnements plus sécurisés et adaptés à chaque âge, tout en préservant la liberté créative qui attire les jeunes. Peut-être que l’avenir des métavers réside dans une segmentation claire : des espaces pour enfants, conçus spécifiquement pour eux, et des environnements pour adultes, mieux protégés contre les intrusions juvéniles. Ce qui est certain, c’est que ces mondes virtuels ne cessent de redéfinir les règles de la socialisation numérique. Et si, en fin de compte, la coexistence dans le chaos devenait l’une des grandes leçons du métavers ?
En conclusion ?
Le métavers n’est plus le terrain vague vide de ses débuts : il est aujourd’hui une jungle numérique dominée par une jeunesse pleine d’énergie et de créativité. Bien que cette dynamique pose des défis, elle illustre aussi le potentiel des technologies immersives comme outils de connexion et d’expression. Reste à savoir si les adultes et les enfants pourront trouver un terrain d’entente, ou si le métavers deviendra le royaume incontesté de la nouvelle génération.