DOSSIER - JAPAN EXPO 2017 : Quand GamerGen.com lâche une psy en totale immersion dans l'arène !
par Eric de BrocartQuelle vision a une psychologue clinicienne de tous ces cosplayeurs errant dans les couloirs de la Japan Expo ? Réponse dans son carnet de bord.
C’est donc comme un trait d’union entre le soi et l’extérieur, un endroit où, contre toute espérance, il n’y a pas de reconnaissance attendue, alors qu'ils passent leur temps à se montrer. Ce qui est recherché avant tout, c’est juste une connaissance de l’autre. Cela pourrait donner ce discours. « Connais-moi ! Je te montre ce que je suis au plus profond de moi, alors s’il te plait, connais-moi ! » La reconnaissance ! Laissons cela en dehors du cosplay et de nos costumes, parce que quand tu viens me rencontrer là, dans cet espace, tu es et je suis, cet autre inconnu qui fonctionne de la même manière que toi et que tu dois apprendre à déchiffrer.
C’est un peu ce que nous disent Ophélie et sa sœur qui ont attendu un peu plus que les autres pour rejoindre « la communauté » ! Je laisse les guillemets parce que beaucoup se défendent de ces aspects communautaires, mais la psy relève tout de même un nombre assez important de caractéristiques communes pour introduire cette notion de psycho sociale. Les deux sœurs avaient hâte de leur première convention et enfin, aujourd’hui, elles peuvent se connecter avec ce qui leur parait essentiel pour elles. Elles sont émues, et de cette émulsion, une douce euphorie les transporte. Elles exultent. Pour elle, le cosplay c’est une projection d’une grosse part d’elles, tout ce qu’elles n’osent pas être dans la vie. Ce que leur cadre de fonctionnement habituel de leur permet pas, elles le sont aujourd’hui. Elles se sentent autrement que banales, elles se sentent vivantes et un peu plus artistes.
Bon d'accord, la créativité, la fibre artistique de chacun, chaque cosplayer va m’en parler. Mais qu’est-ce qu’il y a d’artistique dans ce nouveau genre ? Que se passe-t-il au-delà de la dimension identificatoire que les personnages incarnés permettent ? Reprenons ce que j'ai appris à travers ces rencontres. Le cosplay serait un art complet, de la fabrication du support (par la création et l’élaboration des costumes) à la projection de ses névroses et contenus émotionnels. C’est une part de soi, un nom de scène, une activité créative, que nous exposons, que nous jouons et que nous faisons vivre un peu au-delà de tout ce que nous pensons être, pour être vraiment, réellement dans un espace temps contenu. Comme une toile que nous peignons, sauf que la toile s’est soi, son corps, son identité véhiculée.
Le cosplay serait un art complet, de la fabrication du support (par la création et l’élaboration des costumes) à la projection de ses névroses et contenus émotionnels.
En exprimant que le cosplay est un art, il l’est plus encore pour certains. Quand je rencontre Shiroku qui vient de Hambourg, en Allemagne, pour assister à la Japan Expo, tout cela prend son sens. Elle a 26 ans, est artiste, chanteuse japonaise. C’est depuis qu’elle s’est éloignée de son pays d’origine qu’elle vit avec entièreté son personnage. Il y a là quelque chose de bien plus compensatoire. Je me retrouve littéralement face à un personnage de dessin animé, je déréalise. Elle me tend, en bonne professionnelle, sa carte de visite, m’explique comment le costume est important, comment sur scène il lui permet d’être encore plus cette artiste complète, mais aussi comment, dans son quotidien, enfin elle se sent elle-même en le portant fièrement dans sa ville d’appartenance. Si elle a peur d'être moquée ? Non, pas vraiment. En fait, elle est même plutôt heureuse aujourd’hui d’être reconnue dans les rues hambourgeoises par ce biais-là.
Avant de quitter la convention, mon regard se pose sur un dernier aspect : l’intergénérationnel ! J’avais croyance que le cosplay devenait de plus en plus un lieu de clivage entre générations, mais c’est peut-être parce que trop souvent des parents m’ont amené leurs enfants au cabinet en me priant de bien vouloir les rendre normaux !?! À l’inverse, je constate un nombre incroyable de binômes parents-enfants. Les mamans cousent les fils et les discussions, les papas partagent avec leurs enfants leurs souvenirs animés. Parfois l’inverse est vrai aussi. Il y a un vrai partage, les yeux brillent et les regards parlent, quel que soit l’âge !
Enfin, je rejoins l’équipe de Gamergen.com qui immortalise avec surprise à quel point je me suis prise au jeu… Bon, OK, j’avoue, je me suis laissée embarquer avec plaisir. J’ai été quelqu’un d’autre pendant quelques heures, moi aussi, quelqu’un de plus fort et d’un peu plus féminine, peut être quelqu’un qui correspond plus à la réalité de qui je suis finalement, mais qui aurait juste besoin de s’affirmer un peu plus encore.
Et si l’an prochain j’osais plus encore, l’immersion serait alors totale. Peut-être aurais-je des choses à découvrir encore de moi ? Un côté artistique à dévoiler ? Une personnalité à affirmer ?
Commenter 5 commentaires
Super article ! Original ! Ecrit a la perfection !
Cette expérience de la psy qui rencontrent des gens différent est super intéressante. Très bon choix d'avoir opter pour le model de carnet de note. Elle s'exprime si bien que j'avais l'impression d'être sur son épaule et d'assister à cette visite fantastique ^^
Cette vision des personnes fragmentés et cette envie de les connaitre, ces sensations d'inconnu et de découverte, tout ça, c'est beau.
Encore un grand merci pour ce dossier
J'avais peur que ça tombe dans une sorte de caricature mais que nenni, a refaire pour pousser la chose un peu plus loin encore !
(sinon la tête que fait "la psy" sur les selfies et les implications psychologiques de ces expressions on en parle ?? )
Instructif et original, approche sincère et positive qui donne envie de connaitre les réponses acquises au fil des rencontres
J'ai adoré l'article, le questionnement effectué et les résultats obtenues pertinentes,
vivement d'autres articles ou dossiers de ce genre