GamerGen étale sa culture #02 : Interstellar, ou comment Matthew McConaughey est revenu de l'enfer
par Maxime ClaudelPortrait d'un acteur devenu incontournable.
Gamergen étale sa culture, c'est votre rendez-vous du week-end pour réagir à froid sur l'actualité "artistique" récente ou donner nos bons et mauvais points sur des œuvres marquantes. En plus de l’actualité régulière, nous vous proposerons donc régulièrement un billet culturel pour sortir un peu du monde du jeu vidéo. Chaque rédacteur participant à cette rubrique pourra apporter sa touche personnelle à celle-ci, pour balayer des sujets comme le cinéma, les séries, la littérature, la musique, le dessin… Bien évidemment, nous n’avons pas le monopole de la culture, alors libre à vous d’exprimer votre approbation ou votre aversion pour les thématiques évoquées, ou de nous partager vos coups de cœur du moment dans les commentaires.
Il y a des acteurs qui, en une scène de quelques minutes, sont capables de toucher les moins émotifs et faire naître des larmes sur les joues d'un spectateur sensible. Matthew McConaughey est de ceux-là et il suffit de le voir quitter sa famille les yeux embués dans Interstellar pour s'en convaincre. Dans le blockbuster intelligent signé Christopher Nolan, l'acteur incarne un ex-pilote de la NASA sur une Terre poussiéreuse et mourante qui ne regarde plus en l'air alors qu'elle le devrait, alors obligé d'abandonner les siens pour sauver l'Humanité de l'extinction. Un rôle de héros plus anti que super, terriblement profond et beau par son histoire, un pied sur Terre (son amour pour ses proches), la tête dans les étoiles (son destin, ses rêves). Mais ce n'est pas la première fois que Matthew McConaughey montre toute l'étendue de son talent. Pourtant, Dieu sait qu'il revient de loin, de très loin même.
Le hasard a ainsi voulu que Matthew McConaughey incarne un personnage condamné par la maladie (le sida, ndlr) pour renaître à Hollywood, un Oscar du meilleur acteur à la clef. Un paradoxe qui, après un rapide coup d'œil à sa filmographie, est loin d'être une surprise... Qu'à cela ne tienne, tout commence bien pour Matthew McConaughey, beau gosse remarqué dans Génération rebelle (1993), ce qui lui vaut une reconnaissance éclair, illustrée par des participations à des films comme Le Droit de tuer ? (Joel Schumacher, 1996), Contact (Robert Zemeckis, 1997) ou encore Amistad (Steven Spielberg, 1997). Forcément, il devient très vite la star montante du cinéma américain, que les plus grands commencent à s'arracher. Mais tandis qu'il devient une valeur sûre, il va se perdre en route...
Matthew McConaughey vit avec une malédiction : son physique le prédestine à des comédies romantiques et il a eu une fâcheuse tendance à en abuser, sans doute par facilité et souci de cachetonner. Alors, dans les années 2000, il les enchaîne : Un mariage trop parfait (2001), Comment se faire larguer en 10 leçons (2003), Playboy à saisir (2006) ou encore Hanté par ses ex (2009). Le voilà catalogué, affublé à des romcom que la ménagère va se faire un plaisir de regarder le dimanche soir sur TF1, se souvenant de sa silhouette parfaitement taillée plutôt que de sa propension à émouvoir, le propre de tout acteur qui se respecte. La promesse des débuts est partie en fumée, le génie s'est échappé, la flamme a disparu. Où est passé Matthew McConaughey ? Comment et pourquoi est-il devenu ce personnage insupportable avec son sourire Émail Diamant ? Avec une carrière aussi up and down, il est difficile de lui prêter une crédibilité aux côtés d'un Leonardo di Caprio ou d'un Brad Pitt qui ont, eux aussi, joué les bellâtres avant de devenir acteur. Des vrais pour leur part.
Et puis, vint la renaissance, autrement appelée McConnaissance pour mettre l'accent sur cette quête de reconnaissance en abandonnant, bon an mal an, cette étiquette qui lui collait beaucoup trop à la peau. Concrètement, Matthew McConaughey décide - enfin - de se faire mal, accepte de se mettre en danger pour se transcender. Finis les rôles faciles, bonjour les personnages complexes, quitte à se vautrer. Le rachat commence, en douceur, par La Défense Lincoln (2011), où il prête ses traits à un avocat, et, paradoxalement, Magic Mike (2012). Paradoxalement, car, sous la houlette de Steven Soderbergh, il n'hésite pas à monter ce qui lui a valu tant de critiques auparavant : ses abdos et ses pectoraux. Un peu comme s'il disait à tous, non sans provocation : "Je peux aussi rire de moi-même et en jouer". Ce strip-tease à l'écran est finalement devenu une réalité dans sa filmographie. Désormais, Matthew McConaughey veut des rôles risqués et n'a plus peur de dévoiler autre chose que ses biceps. Les louanges, il les obtient, pour le meilleur (Killer Joe et Mud : Sur les rives du Mississipi), comme pour le pire (le vulgaire Paberboy, mais il n'y est pour rien). Dans Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese, il fait une brève apparition devenue culte et vole la vedette - et l'Oscar - à Leonardo di Caprio. Grâce à Dallas Buyers Club et son incarnation parfaite de Ron Woodroof, un cowboy détestable séropositif, il abandonne ses tablettes pour les statuettes. Il s'offre surtout une consécration, par ailleurs transposée sur le petit écran via True Detective, où le duo d'enquêteurs extrêmes qu'il forme avec Woody Harrelson explose tout sur son passage.
Auparavant délaissé, sinon détesté, Matthew McConaughey s'est fait du mal avec des personnages ambivalents, pour lesquels la frontière entre le Bien et le Mal est ténue, afin de reconquérir la planète. Il faut le voir pleurer dans Interstellar, balancer des punchlines dans True Detective, s'adonner à un trip gay et maso dans Paperboy ou se détruire / se reconstruire dans Dallas Buyers Club. Ou, plutôt, il le fallait pour qu'il (re)devienne ce qu'il a toujours voulu être. Plus les combats sont durs, plus les victoires sont grandes et belles.