GamerGen.com étale sa culture #10 - Le Live in Leipzig de Mayhem, un condensé de True Black Metal ?
par Amaury M.« When it's cold, and when it's dark, the freezing moon can obsess you ».
GamerGen.com étale sa culture, c'est votre rendez-vous du week-end pour réagir à froid sur l'actualité "artistique" récente ou donner nos bons et mauvais points sur des œuvres marquantes. En plus de l’actualité régulière, nous vous proposerons donc régulièrement un billet culturel pour sortir un peu du monde du jeu vidéo. Chaque rédacteur participant à cette rubrique pourra apporter sa touche personnelle à celle-ci, pour balayer des sujets comme le cinéma, les séries, la littérature, la musique, le dessin… Bien évidemment, nous n’avons pas le monopole de la culture, alors libre à vous d’exprimer votre approbation ou votre aversion pour les thématiques évoquées, ou de nous partager vos coups de cœur du moment dans les commentaires.
Si le Black Metal est aussi impopulaire dans la culture générale, c'est qu'il n'a pas volé sa réputation de genre musical froid et violent, tout comme les membres qui ont lancé la seconde vague du Black Metal en Norvège, aussi appelé le True Black Metal. Fondé en 1984, le groupe Mayhem est un fervent représentant du genre, et leurs premiers albums sont encore aujourd'hui considérés par les fans comme les meilleurs, mais surtout les plus représentatifs de ce qu'est « l'esprit Black Metal ». Mais la réputation sulfureuse du groupe tient surtout à son line-up très instable, et à la mort violente de deux des membres clefs du groupe. Après quelques EP au son plus que douteux (voire complètement « crade »), Mayhem fait appel à Per Yngve Ohlin, alias Dead, alors chanteur du groupe Morbid, et enregistre avec lui un seul album officiel, le fameux Live in Leipzig, quelques mois seulement avant son suicide. Deux ans plus tard, Mayhem enregistre De Mysteriis Dom Sathanas avec Attila Csihar au chant, mais le guitariste et fondateur du groupe Øystein « Euronymous » Aarseth se fera assassiner par Varg Vikernes (Burzum) avant la sortie de l'album. Voilà pour les morts. À la sortie de l'album, les critiques sont unanimes pour affirmer qu'il s'agit d'un album de True Black Metal d'excellente facture, mais les fans regrettent déjà Dead, et parlent alors du True Mayhem, composé de Dead au chant, Euronymous à la guitare, Necrobutcher à la basse et Hellhammer à la batterie, qui n'a donc enregistré qu'un seul album : Live in Leipzig.
Neuf titres, un peu plus de 45 minutes de concert, voilà ce que propose Mayhem aux amateurs d'ambiance glaciale, de paroles misanthropiques et d'enregistrements réalisés à la va-vite. Le Black Metal est en effet caractérisé par un son sale, mal capté, et la performance live en cette année 1990 ne déroge pas à la règle. Le chant sature souvent, la guitare sature tout le temps, la batterie se mélange avec la basse, bref, l'ingénieur du son n'a pas passé des heures dessus, et cela s'entend. Mais soit, voilà « l'esprit Black Metal », les riffs ne s'entendent pas, mais se ressentent, tout comme les paroles. Mais bien que certains s'amusent à affirmer qu'il est impossible de distinguer le moindre mot, il suffit de tendre un peu l'oreille (et de comprendre l'anglais) pour entendre Dead hurler son mal-être, sa misanthropie et sa violence dans des titres comme Carnage, Pure Fucking Armageddon ou le cultissime Deathcrush qui ouvre le concert, en chantant « I'll send you to your maker, I'll send to your death, (…), the barbeque has just begun ». Difficile de faire mieux comme entrée en la matière.
Mais ce qui fait le Live in Leipzig un concert hors du commun, c'est aussi le fait que la majorité des chansons jouées ne seront enregistrées en studio que deux ans après pour De Mysteriis Dom Sathanas, notamment la mythique Freezing Moon. S'il ne fallait choisir qu'une seule chanson pour représenter le Black Metal, ce serait bien celle-ci, avec la voix emplie de Larsen de Dead en live, qui introduit le titre avec une phrase maintenant culte dans le milieu : « When it's cold, and when it's dark, the freezing moon can obsess you ». Un riff lent et froid pour introduire le morceau, enchaînant avec des accords barrés rapides, un solo encore une fois saturé, mais s'imbriquant parfaitement dans la chanson, mais surtout un chanteur complètement possédé et obsédé par le froid et la mort. Ici, pas de paroles démoniaques faisant « gloire à Satan », seulement la déambulation d'une âme perdue un soir de pleine lune, en hiver, en Scandinavie, avant de mourir, « en suivant la lune glacée ». Un titre tellement percutant que Dead lâche même un très ironique « Are you dead ? », avant d'enchaîner avec la piste suivante, Carnage.
Le titre Freezing Moon, avec la pochette de l'album
Live in Leipzig est donc bel et bien l'incarnation du True Black Metal et du True Mayhem, un live à réveiller les morts et à geler les vivants par sa violence musicale, son ambiance austère et son enregistrement impropre. La pochette résume d'ailleurs à elle même le genre, montrant Dead errer avec un chandelier. Un style visuel qui sera repris par de nombreux groupes de Black Metal, notamment Darkthrone avec Transilvanian Hunger. Coïncidence « amusante », lors de son suicide, Dead portait un t-shirt « I ♥… Transilvania ».