Ubisoft - Yves Guillemot : "Nous n’avons pas besoin des milliards de Vivendi"
par Maxime ClaudelLe PDG de la firme française goûte peu aux investissements du groupe de Vincent Bolloré. La guerre est déclarée.
Ne parlez pas de Vivendi à Yves Guillemot, car le PDG d'Ubisoft en a gros sur la patate. En effet, il a peu goûté aux investissements opérés par le groupe détenu par Vincent Bolloré, aboutissant à une participation de 10 % au capital de l'éditeur français. Dans un entretien accordé aux Échos, l'intéressé est revenu sur cette affaire, qu'il a vécue comme une agression.
Yves Guillemot l'a déjà affirmé : Vivendi n'était pas le bienvenu chez Ubisoft. Mais le géant a dépensé du cash sans rien demander :
Nous avons le sentiment d’avoir vécu une agression. J’ai reçu un appel de Vincent Bolloré deux heures avant l’annonce de son entrée dans le capital d’Ubisoft. Il ne m’en a même pas parlé ! Cela a duré cinq minutes, il m’a juste conseillé de rencontrer Arnaud de Puyfontaine (président du directoire de Vivendi, NDLR) pour parler des synergies possibles avec Ubisoft. J’ai dit "pourquoi pas", je ne refuse jamais le dialogue, et nous avions convenu d’échanger le soir même. Entretemps, nous avons reçu un mail de Vivendi nous indiquant qu’ils étaient montés à 6 % dans notre capital.
6 % ? Non, 10. Car, sept jours plus tard, Vivendi avait déjà augmenté sa participation. Dès lors, il est légitime de craindre, à long terme, une prise de contrôle total. Mais Ubisoft ne compte pas se laisser faire et entend garder son indépendance. Pour se défendre, la firme n'hésitera pas à partir en quête de partenaires.
Avant tout, nous devons rester concentrés sur notre activité, c’est ce qui nous a permis d’être numéro 3 mondial dans notre secteur. Nous avons toujours agi dans l’intérêt de tous nos actionnaires, nous continuerons à le faire. Nous allons étudier toutes les options possibles, y compris auprès de nouveaux partenaires. Cela pourrait par exemple être des acteurs qui créent des plateformes et qui ont besoin de contenus.
C'est d'autant plus vrai qu'Yves Guillemot n'oublie pas que Vivendi est toujours actionnaire d'Activision-Blizzard, éditeur qu'il détenait encore il y a deux ans.
L’indépendance est la clé de notre modèle pour assurer la réactivité et la liberté de ton, fortement créatrices de valeur pour Ubisoft, ses joueurs et ses actionnaires. Par ailleurs, Vivendi a aujourd’hui un conflit d’intérêt avec Ubisoft, car il détient 6 % du capital d’un concurrent, Activision-Blizzard. D’ailleurs, j’observe que quand Vivendi a vendu la majeure partie de sa participation dans cette société, son patron Bobby Kotick a reconnu que Vivendi l’avait empêché d’être réactif et agile.
Et à lui de conclure :
Nous n’avons pas besoin des milliards de Vivendi.