The Witness : Des centaines d'énigmes. Une approche en monde ouvert. Verdict ?
N'y allons pas par quatre chemins, The Witness est bel et bien un OVNI, qui enlèvera quelques joueurs par poignée, mais en laissera beaucoup d'autres sur la touche. La faute, d'abord, à son inaccessibilité à une époque où les fils rouges sont devenus, à force de casualisation, de véritables couvertures. En effet, Jonathan Blow a épuré au maximum sa production, laissant le soin aux aventuriers, alors témoins d'une civilisation qui a disparu, de tout découvrir, sinon deviner, par eux-mêmes. En ce sens, The Witness est bel et bien une œuvre d'art : les artistes ne livrent pas de notice pour comprendre le fruit de leur créativité. C'est une force : laisser la magie opérer d'elle-même pour que l'expérience soit différente selon les individus. Mais aussi une grande faiblesse, pour les raisons déjà évoquées. Surtout que nous parlons ici d'énigmes.
Le propre du labyrinthe c'est parfois de confondre l'entrée et la sortie avec ce sentiment de tourner en rond, sinon de perdre son temps, entre les deux.
Les énigmes de The Witness, puisqu'il faut forcément en parler, partent toujours d'un principe simple : trouver la sortie d'une grille en fonction de paramètres divers, liés aux couleurs (tant pis pour les daltoniens), aux sons, à des formes à reproduire, à des effets miroirs, à l'impact de l'environnement... quand tout n'est pas mélangé. Le fond fait penser à une succession de mini-jeux flash ou mobiles, emballé dans une forme aguicheuse, à savoir une île paradisiaque cachant en réalité un enfer de torture mentale (il ne manquerait que Pinhead). Car The Witness est vraiment beau, en plus de s'appuyer sur un sound design excellent. Les tons choisis, les différentes ambiances visuelles, la variété des zones traversées... Tout est là pour motiver la balade, grimper à l'arbre en oubliant sa sève, malgré une navigation ô combien poussive (pas de saut, approximation au niveau des déplacements autorisés, interaction zéro). Il y a, quelque part, cette impression d'évoluer dans une exposition d'art abstrait, à même de nous faire dire "Je ne comprends rien, mais p***** c'est magnifique". Mais le paroxysme du contemplatif n'est-il pas de ne plus rien avoir à raconter à l'arrivée ?
Vient alors la question de la masturbation intellectuelle suggérée par le titre, qui donnera du grain à moudre aux discussions des apprentis érudits, un tantinet bobo, lors de futures soirées mondaines. Dénué de narration classique, The Witness aborde des thématiques existentielles par le biais de cassettes audio à ramasser, sachant aussi que vous aurez peut-être la chance de tomber sur une vidéo de James Burk intitulée "Yesterday, tomorrow and you" (un chapitre du documentaire "Connections" de la BBC), traitant de l'interconnexion entre la technologie et les sciences, sous fond de philosophie. Sans doute parce qu'aux yeux de Jonathan Blow, la vie est un puzzle géant, un échiquier où tout un chacun avance de case en case, priant pour que ça soit toujours le bon chemin. Chez Jonathan Blow, le blanc se sépare du noir, comme le Mal se sépare du Bien. Pour Jonathan Blow, les étoiles se rassemblent par paire pour qu'elles filent le parfait amour.
Toutefois, le propre du labyrinthe c'est parfois de confondre l'entrée et la sortie avec ce sentiment de tourner en rond, sinon de perdre son temps, entre les deux. Il y a de cela dans The Witness, qui recycle une recette vieille comme le monde. Celle du plaisir éphémère par l'addiction couplée à une frustration permanente : rester bloqué des heures et des heures sur un tableau avec l'envie d'y revenir pour se sentir moins bête. La tentation d'aller voir un guide sur Internet se fera vite sentir, ne serait-ce que pour voir le bout et en finir avec les cauchemars qui raisonnent dans la tête. Pour voir le bout, il faudra accepter que l'observation prenne de temps à autre le pas sur la logique, avec les solutions forcément tordues, voire cruelles, qui en découlent. S'agacer de longues minutes parce que vous n'avez pas vu un infime détail quelque part ? Voilà le quotidien de The Witness. Bon courage.
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J'avoue que je m'attendais à une note un poil plus élevée sur GG (14 c'est pas mauvais mais c'est pas non plus grandiose).
Pour ma part, j'ai adoré le titre. Il est magnifique, il est excessivement bien pensé, les devs ont réussi a faire en sorte qu'à partir de rien (ou presque) on puisse avec le temps finir par résoudre les puzzles les plus retord, il y a du génie derrière les casse-têtes (entre-autre) mais surtout au niveau des énigmes environnementales disséminées de partout, sans compter bien évidement les effets de direction artistique qui ne servent à rien en dehors du plaisir de l’œil (du genre le tronc d'arbre qui ne ressemble à rien mais qui sous un certain angle prend la forme d'une statue, ou encore la statue taille réelle de l'enfant posé sur une boite qui tend la main vers le bas et qui sous un certain angle se marie à la perfection avec la statue géante de la montagne (une femme qui lève la main au ciel)
Les points négatifs à mes yeux restent l'histoire qui n'en est pas vraiment une, racontée via les petits magnétophones ou les vidéos sauce philo, et qui sont pour le coup bien plus de la masturbation mentale que les puzzles eux-mêmes, et le fait qu'on ait (a priori) à aucun endroit un récap du nombre d'énigmes total qu'on a fait et qui restent à faire (du genre un lieu caché ou on pourrait lire 'xxx sur xxx' terminées) car en dehors des espèces de monolithes/stèles, on ne sait pas si il reste ou non des choses à faire dans les zones... Bien entendu son prix est quand même un poil trop élevé (10 boules de moins ça aurait pas été du luxe)
Bref pour moi ce jeu est d'une intelligence rare aussi bien en terme de dev, qu'en terme d'originalité, de direction artistique et d'énigmes/puzzles.
C'est clair qu'il ne plaira sans doute pas aux mecs qui veulent de l'action pure et dure et qui ne sont pas enclin à se poser et pousser la réflexion dans un moment de détente vidéoludique.
À mes yeux, le jeu vaut un bon gros 18/20 qui glisse tout seul et sans hésiter un seul instant.
PS : Je ne critique pas la note, mais je fais part de mon avis perso
C'est pour moi une petite pépite, un jeu qui sort vraiment du lot.
Prenez en de la graine les gros studios / éditeurs !