Far Cry 6 : Après le Montana, la franchise d'Ubisoft nous emmène à Yara, une région des Caraïbes en proie à la révolution.
Antón dans la lumière
Nous sommes déjà au sixième opus majeur de la licence Far Cry, sans compter les spin-off. La franchise a su évoluer et le dernier épisode en date, Far Cry 5, changeait quelque peu la recette pour une expérience plus moderne et dynamique. Ubisoft a donc repris ces bases pour nous emmener à Yara, théâtre des évènements de Far Cry 6. Mais si le scénario tourne autour de la révolution, ce Far Cry 6 a bien du mal à faire celle de la franchise.
Antón Castillo, un méchant impressionnant et très juste.
1967, la révolution éclate encore à Yara, isolant cette île caribéenne du reste du monde. Elle tient quand même grâce à Santos Espinosa, chef des révolutionnaires, mais à sa mort, c'est un certain Antón Castillo qui prend le pouvoir, promettant de restaurer la grandeur de l'île. Pour l'aider, il a le Viviro, une drogue pouvant guérir le cancer et poussant uniquement à Yara, mais au prix de mutations toxiques tuant à petit feu la population travaillant dans les champs où elle est cultivée. Bien évidemment, la population tente de se rebeller et une nouvelle révolution se prépare. C'est dans ce contexte tendu que démarre l'aventure en compagnie de Dani Rojas, une guérillera (ou un guérillero, vous pouvez choisir le sexe du personnage, ce qui influera sur son modèle et sa voix, mais c'est tout) qui compte bien se barrer de cet endroit. De fil en aiguille, bien sûr, elle va participer à la révolution pour destituer Antón par la force, le monsieur étant peu enclin à discuter posément. D'ailleurs, Far Cry 6 est bien plus violent que les précédents opus, montrant frontalement des exécutions sommaires et des corps qui explosent, et abordant des sujets très sérieux comme le trafic d'humains notamment.
Encore une fois, le personnage incarné par le joueur est mis en retrait pour sublimer le grand méchant du jeu, ici Antón Castillo, dictateur froid et violent voulant poursuivre l'héritage de sa famille en aidant Yara à sa manière, quitte à coller des balles entre les yeux de ceux qui ne sont pas d'accord avec lui. Un méchant impressionnant et très juste, il s'étoffe au fil des cinématiques pour montrer un visage plus humain, notamment lorsqu'il est question de Diego, son jeune fils voué à prendre sa succession, mais qui ne partage pas la même vision des choses qu'Antón. Une relation intéressante pour un méchant parfaitement campé par Giancarlo Esposito (Breaking Bad, The Mandalorian), toujours juste dans son jeu, et doublé en français avec soin par sa voix de toujours, Thierry Desroses. Un personnage troublé qui efface donc totalement Dani, et pourtant, Ubisoft a essayé de donner vie à cette héroïne, contrairement aux précédents volets (outre Jack Carver). Dani a donc un visage et une voix reconnaissables, elle apparaît dans toutes les cinématiques et la caméra passe même à la troisième personne dans les camps alliés pour la revoir plus souvent, mais au final, le joueur a bien du mal à s'attacher à sa quête de révolution, son personnage est bien moins travaillé et touchant que ceux d'Antón et Diego Castillo.
Vieux pot, bonne confiture ?
Pour mener à bien sa révolution à Yara et reprendre la ville d'Esperanza, Dani Rojas va donc devoir s'entourer d'alliés, avec ici trois factions majeures dispersées à Madrugada, El Este et Valle de Oro, contrôlés par des proches d'Antón. Et là, Ubisoft nous ressort sa bonne vieille recette prévisible : le jeu se divise donc en trois grosses parties où il faut effectuer plusieurs missions dans chaque région avant d'atteindre le dirigeant et le tuer (ou du moins faire arrêter ses activités).
Dani a une révolution à mener, et elle ne fait pas dans la dentelle avec un arsenal varié.
Mais là où Far Cry 5 nous proposait la Famille de Joseph Seed, ici, nous avons des personnages plats et vides, présentés au travers de quelques lignes de dialogues ou courtes vidéos, impossible de comprendre quelle réelle menace ils représentent, si ce n'est que ce sont des troufions d'Antón et du régime qu'il faut neutraliser. Nous croisons bien des alliés reconnaissables, mais difficile de s'y attacher tant leurs caractérisations manquent d'enjeu. Certes, ils veulent tous une meilleure Yara sans Antón, mais l'écriture est très imparfaite, certains personnages font mouche, d'autres sont à côté de plaque, presque caricaturaux de la franchise Far Cry à force d'essayer d'être hauts en couleur sans raison. La carotte qui fait avancer Dani et le joueur, c'est donc Antón, le reste, c'est vite oublié. Il faut tout de même reconnaître que les affrontements contre ces bras droits sont impressionnants, avec des missions explosives mettant en scène généralement de nombreux guérilleros dans de longs et intenses gunfights.
Parce que oui, Far Cry 6 est bien un jeu qui ne fait généralement pas dans la finesse, avec de nombreuses choses à faire exploser ou à tuer à Yara. Dani a une révolution à mener, et elle ne fait pas dans la dentelle avec un arsenal varié. Nous retrouvons bien évidemment des armes classiques, mais surtout des outils bricolés par un certain Juan, aux effets dévastateurs, allant du gros pistolet à clous aux lance-disques (des CD, littéralement, avec la Macarena) en passant par le lance-feux d'artifice ou le fusil à pompe avec un bouclier de protection, il y a de quoi faire pour foncer dans le tas et affronter les sbires de Castillo de manière explosive et festive. Pour faire dans la finesse, car oui, c'est possible, il faudra se rabattre sur les armes traditionnelles avec des modifications à crafter, que ce que soit le type de balle, la lunette ou le viseur, sans oublier la possibilité d'ajouter quelques atouts pour améliorer leur comportement en fonction de votre style de jeu.
Far Cry 6 propose un gameplay assez libre, le joueur effectue les missions comme il l'entend, mais la discrétion est souvent plus valorisée, notamment lorsqu'il faut capturer des camps ennemis. Mais si vous voulez vraiment tout faire péter, il y a pour cela le Supremo, un sac à dos avec un atout spécial, permettant de tirer des roquettes, lancer des flammes, lâcher une bombe IEM ou encore libérer un gaz toxique, une sorte de capacité spéciale se rechargeant au fil du temps et souvent bien utile. Comme si cela ne suffisait pas, Dani peut être accompagnée d'un amigo, un animal aux capacités propres, utiles pour l'exploration ou les combats, et comme les alliés hauts en couleur, c'est un peu trop délirant pour être crédible, entre le coq fou furieux, l'alligator avide de sang, l'adorable saucisse sur pattes (aussi appelé teckel) qu'est Chorizo, c'est trop gros pour être sérieux, et finalement, l'animal le plus crédible reste le meilleur ami des fans de Far Cry 5. Oui, il est possible de caresser ces animaux, et au moins, cela fait un peu de compagnie pendant l'exploration, il est même possible de donner des ordres aux compagnons pour qu'ils interagissent avec l'ennemi, pratique pour une diversion ou pour éliminer deux cibles en même temps.
Des choses à faire sur l'île, le joueur n'en manque pas. Nous avons bien sûr les Opérations qui font avancer la campagne principale, mais également les Histoires de Yara octroyant des bonus et ressources intéressants, les fameuses Chasses au trésor pour dénicher du butin rare en résolvant quelques petites énigmes (souvent basées sur l'exploration), les camps ennemis et des postes de contrôle à libérer, des courses dans divers véhicules, des largages à récupérer, des animaux à chasser et pêcher, des combats de coqs à la Tekken, des idoles à trouver et de très, très nombreux coffres à ouvrir, que ce soit pour avoir des armes ou des ressources. Ces dernières servent à améliorer les armes, mais aussi à construire des installations dans les camps alliés, offrant divers bonus comme des armes (encore et toujours) ou des cartes pour dénicher davantage de trésors/animaux/poissons. Le joueur commence cependant par détruire les canons de DCA un peu partout sur l'île, empêchant sinon de survoler des zones en avions ou hélicoptères, et abritant surtout de l'uranium appauvri pour acheter des Supremo ou des armes bricolées. Autre point qui occupe le joueur pendant son aventure, la recherche d'équipement. Dani peut être effet revêtir des chapeaux, vestes, pantalons, chaussures et bracelets avec des capacités uniques améliorant la résistance, la vitesse, la précision ou les ressources ramassées, une bonne occasion de personnaliser son personnage, et cerise sur le gâteau, vous pouvez choisir l'atout d'un équipement, mais changer sa skin par une autre, pour avoir la Dani parfaite. Et vous avez même un mode Photo très complet pour immortaliser votre aventure.
Un billet pour Yara
Du côté du gameplay, Far Cry 6 n'évolue cependant pas d'un poil, pour le bien de certaines fonctionnalités, mais aussi pour le malheur d'autres. Nous avons là affaire à un jeu de tir à la première personne plutôt dynamique, permettant de glisser, sauter en parachute ou en wingsuit, conduire un tas de véhicules sur terre, mer et air, et d'escalader certaines parois, c'est intuitif et intense, pour des affrontements à l'arme ou des éliminations à la machette viscérales.
Far Cry 6 est un festival pour la rétine.
De manière générale, évidemment, cela fonctionne très bien, mais le titre souffre de quelques soucis rendant certains moments rigides, comme les sauts pour s'accrocher à un rebord capricieux, la conduite des engins aériens toujours un peu délicate ou encore la nage molle et lente. Rien de bien gênant, mais à force de passer des heures dans la brousse de Yara, c'est parfois lourd. Ne comptez pas sur l'intelligence artificielle pour relever le niveau, les alliés révolutionnaires ne servent à rien (il n'est pas plus possible de les recruter comme compagnon), se contentant de tirer sur les ennemis sans réfléchir, et ces derniers ne sont pas mieux... Aucune cohésion, aucune stratégie, ils se contentent de se mettre à couvert ou foncer bêtement vers le joueur, au moins, la difficulté n'est pas bien relevée tant qu'ils ne sont pas trop nombreux. Cependant, les soldats ennemis et véhicules ont l'étonnante capacité d'apparaître à quelques dizaines de mètres de Dani, alors qu'ils n'étaient pas là une poignée de secondes plus tôt. Un tour de passe-passe bien surprenant lorsque le joueur fait des allers-retours dans la même zone...
En solo, ce n'est déjà pas bien compliqué, mais il est également possible de faire quasiment toute l'aventure de Far Cry 6 en coopération avec un ou une amie, et de participer à des Opérations Spéciales. Ces dernières sont des missions en dehors de Yara, demandant de s'infiltrer dans un immense lieu, de repérer une arme radioactive, de la récupérer, puis l'extraire tout en évitant sa surchauffe, une expérience qui ne change pas le gameplay, mais qui renforce l'exploration dans des lieux atypiques. Pour l'instant, seules deux Opérations Spéciales sont disponibles, d'autres arriveront d'ici la fin de l'année, et si vous avez tout terminé rapidement, Far Cry 6 inclut un système d'Insurrection. Chaque semaine, les forces de Castillo reprendront un coin de Yara, qu'il faudra libérer de nouveau, pour une durée de vie virtuellement infinie, au grand dam des joueurs qui comptaient avoir une carte totalement vierge de choses à faire. Pour rappel, des extensions avec Danny Trejo, Rambo et Stranger Things arriveront également plus tard.
Visuellement parlant, Far Cry 6 place la barre très haute. Nous avons réalisé ce test sur un PC Gamer Cybertek Level avec une RTX 2080 Ti, un i9-9900K et 32 Go de RAM, le titre tourne parfaitement à 60 fps avec quasiment tous les réglages au maximum, et il en met plein la vue. L'introduction du jeu, qui dure quand même une bonne heure, est un festival pour la rétine, avec des effets de fumée, des reflets sur les flaques d'eau, des textures détaillées à tous les plans et une magnifique végétation. Le titre impressionne, mais force est de constater qu'au fil de l'aventure, eh bien, le joueur oublie l'aspect technique (très réussi) pour s'attarder sur la partie artistique, et elle tourne vite en rond. Les mêmes plages, les mêmes forêts, les mêmes entrepôts, les mêmes camps, même les quelques villes arrivent à se ressembler, et c'est bien dommage, car ces environnements très urbains avec de nombreuses maisons sont assez originaux dans la franchise. Mais après quelques heures, le joueur a l'impression de tourner en rond, les différentes régions de Yara manquent d'identité, ne donnant qu'un ensemble sympathique, sans plus.
Le titre manque également le coche du côté du réalisme total, à l'instar de cette séquence où Dani se déguise en civile pour s'infiltrer, changeant donc de vêtements, mais gardant son même modèle de personnage plein de saletés. Pour une révolutionnaire, d'accord, mais pour cette scène, une petite douche n'aurait pas été du luxe, c'est le genre de détail faisant tache dans un AAA de cette envergure, idem pour les miroirs et rétroviseurs entièrement mats. Pour la partie sonore, c'est un peu le même constat. Nous avons déjà parlé du doublage français, très réussi de manière globale, même si certains personnages très secondaires n'ont visiblement pas bénéficié du même traitement que celui accordé aux protagonistes majeurs, avec des voix parfois fausses, ou ne collant pas trop au personnage, mais c'est très rare. Les bruitages sont réussis et, même du côté de la musique, il y a de gros efforts, avec des compositions orchestrales presque épiques lors de certaines missions majeures, pour une ambiance révolutionnaire intense, mais elles sont malheureusement trop rares. Dommage, car Ubisoft a fait appel à Pedro Bromfman pour la musique, déjà derrière les compositions de Narcos et des films de José Padilha (Troupe d'élite, RoboCop). La bande originale est une réussite totale, mais in-game, c'est un peu trop retenu et discret.
Avec Far Cry 6, Ubisoft ne révolutionne donc pas la franchise, mais pouvons-nous vraiment lui en vouloir, alors que le précédent volet avait enfin effacé quelques vieilles mécaniques pour justement redonner un coup de jeune à la licence ? Cette aventure à Yara est donc la suite de celle à Hope County, les fans ne seront pas dépaysés par le gameplay et les rouages de cet épisode, explorant avec plaisir cette île des Caraïbes et participant à une révolution, mais sans trop savoir sur quel pied danser. Entre l'humour idiot et les sujets sérieux, Far Cry 6 n'arrive pas à choisir. En résulte un jeu qui n'arrive pas à être totalement marquant par son scénario pourtant très adulte, ni totalement délirant malgré ses personnages et armes. Un Far Cry très plaisant, les fans ont tout intérêt à se pencher dessus, mais il aura bien du mal à être le plus impactant de la licence.
Far Cry 6 est disponible à 69,99 € sur Amazon, Micromania et la Fnac.
- Yara, une vraie claque visuelle au début...
- Antón et Diego Castillo, une réussite d'écriture...
- Un tas de choses à faire sur l'île
- Un arsenal explosif et délirant
- Les amigos rigolos
- La bande originale épique
- … mais ça tourne vite en rond
- … contrairement à Dani et aux autres
- Le gameplay parfois rigide
- L'IA, il faudrait faire un effort
Clint008 Rédacteur - Testeur |