Chernobylite : The Farm 51 fait des tests sur les ruines de Tchernobyl et ça marche... Du moins parfois.
Fusion des genres
Le nom du jeu ne trompe pas, nous sommes bien là pour parler de la catastrophe nucléaire de 1986 et de ses conséquences fictives. Mais dans le cas de Chernobylite, le désastre laisse de la place à une belle promesse : celle d’un gameplay plein de bonne volonté. Nous avons affaire à un melting-pot étonnant où les genres s’entrechoquent pour donner quelque chose d’assez unique en son genre. C’est très tentant, mais c’est surtout un bien gros pari pour le petit studio polonais.
Le résultat est finalement en demi-teinte à force d’avoir tâté le terrain un peu partout.
À la base nous partons pourtant pour quelque chose d’assez carré. À la limite quelque chose de presque trop simpliste pour nous, notamment au niveau du scénario. Nous nous glissons dans la peau d’un Igor un peu amer et un brin revanchard. Il faut dire que sa Tatyana bien aimée a disparu à la suite de l’explosion de la centrale dans laquelle il travaillait. Depuis cet évènement tristement célèbre, notre avatar a des visions et surtout l’impression tenace que sa dulcinée est toujours coincée sur les lieux. Passe encore que l’histoire repose sur le sauvetage d’une demoiselle en détresse, cette amourette devient tout de suite dérisoire quand nous apprenons que les mercenaires du NAR ont pris le contrôle de la zone et que des créatures mutantes font des apparitions flippantes. Ça ressemble à une mission suicide, mais ça ne chagrine pas plus que cela les compagnons de route que notre héros recrute au cours de l’aventure. Il faut dire que la plupart des personnages rencontrés dans le jeu sont hauts en couleur, voire complètement cinglés, et n'hésitent pas à se servir d'un vocabulaire pour le moins fleuri.
Cette histoire nous la vivons sous la forme d'un FPS bien classique avec une petite phase d’infiltration tranquille le temps de se mettre en jambe. Il ne faut cependant pas attendre bien longtemps pour que Chernobylite fasse sa tambouille en mélangeant les genres. Les volets gestion et survie ne tardent pas à faire leur apparition dès lors qu’Igor met la main sur un vieil entrepôt qui va lui servir de base. Une introduction plutôt excitante puisqu’il est désormais question de gérer une équipe ainsi qu’une installation qu’il faut améliorer à la fois pour répondre aux besoins de vos équipiers, mais aussi pour produire du matériel qui va être utile pour faire face aux menaces. Inutile de vous rappeler que survie et FPS font bon ménage. Les exemples sont légions et Chernobylite vient se rajouter à la longue liste, bien que son crédo soit la « soft » survie vu que le craft n’est utile que pour booster votre personnage et non pas pour survivre à l’environnement.
Nous pourrions nous étendre plus longuement sur cette conception-là puisqu’il s’agit d’une des réussites de Chernobylite. L’une de celles qui apportent un challenge sur le long terme au jeu puisqu’il faut développer pas mal d’objets. Au début, il n’est question que de créer des revolvers, des fusils et autres kits de soin, mais très rapidement le besoin de nouvelles technologies se fait ressentir. Il vous faut des armures ainsi que des armes high-tech. L’arbre de technologie est suffisamment conséquent pour que votre développement soit ludique et que le choix des chantiers à mener en priorité se ressente sur votre expérience. Les améliorations d'armes et les points de talents ne font que l'enrichir. Évidemment, cela veut aussi dire qu’il faut farfouiller dans la pampa lors de chaque sortie pour trouver les ressources nécessaires à vos fabrications. Le farm est nécessaire, mais finalement peu contraignant vu sa rapidité. Ce n’est de toute manière pas un luxe puisque vous aurez besoin de matos sur le terrain pour construire des objets spécifiques à l’environnement extérieur, en particulier des pièges. Nous regrettons simplement la liste bien plus réduite de créations possibles qui rendent ce craft de terrain facultatif dans le meilleur des cas.
Igor doit aussi alimenter son installation, loger tout le monde et les divertir, sans quoi ils sont démoralisés. La transition est idéale pour faire un bref aparté sur la dimension gestion qui est à l’inverse plutôt ratée. En réalité, The Farm 51 ne s’est pas complètement planté, mais a juste fait quelque chose de trop basique. La gestion de la base consiste par exemple à s’assurer que les différentes statistiques sont au vert. Les problèmes de radiation, de qualité de l’air ou l’ennui des troupes n’ont comme impact qu’une baisse de leur moral et/ou de leur santé. Un problème finalement mineur puisque vos coéquipiers ne vous servent à rien durant 90 % de l’aventure. La seule chose que vous pouvez faire est leur confier des missions dont la réussite ou l’échec n’ont aucune conséquence sur la suite des évènements. La gestion de la nourriture est kif-kif. Il n’est question que de donner un repas à chacun à la fin de chaque mission sachant que la nourriture n’est pas vraiment rare, un problème donc pour ceux qui auraient aimé faire des choix qui comptent.
Sur tous les tableaux
Ne vous inquiétez pas cependant, vous allez en prendre des tas des décisions. Ça aussi ça faisait partie des promesses de Chernobylite et une fois de plus il faut enlever la partie grasse du morceau tendre et fondant. Le titre ne manque pas une occasion de nous lancer des ultimatums. C’est à la limite de l’abus quand il nous propose des choix de dialogues qui mènent finalement au même point. Toujours est-il qu’il va falloir faire des choix qui vont changer vos relations avec les différents personnages, ainsi que votre environnement selon la situation. C’est généralement assez manichéen, mais ça a le mérite de changer légèrement l’histoire d’une partie à l’autre. Rien de définitif à cela ceci dit. Non seulement vous pouvez faire les pires crasses à certains personnages et espérer les intégrer à votre équipe malgré tout, mais en plus il est possible de modifier vos décisions à tout moment. Enfin presque, il faut d’abord mourir avant cela et être en possession de la fameuse Tchernobylite (la VF est passée par là pour nommer ce caillou) pour transformer les évènements. Nous ne remettons pas en cause l’intérêt d’une histoire à embranchements multiples, mais la possibilité de changer nos décisions nous laisse sceptiques. Comme si l’importance de tels choix était minimisée. Au moins, il est possible de voir tout ce que Chernobylite nous réserve pendant ses 15-20 heures sans avoir à recommencer une partie.
Chernobylite n’est clairement pas un mauvais bougre, mais il n’est pas non plus une expérience hors du commun.
Retourner le jeu dans tous les sens est au moins excellent pour profiter de son ambiance. Faire un jeu d’horreur, c’était aussi au programme et il faut avouer que c’est de loin l’aspect le plus réussi du titre. Un grand merci aux créatures cauchemardesques qui peuplent les différentes zones autour de la centrale, mais c’est surtout le gros travail de mise en scène de The Farm 51 qu’il faut souligner ici. Les Polonais maîtrisent les rouages de l’angoisse tout comme ils gèrent au niveau ambiance sonore. Du très beau boulot qui fait écho à un level design étriqué et labyrinthique qui rend l’exploration encore plus angoissante, en particulier en intérieur, dans des immeubles où les bestioles ont vite fait de vous tuer en cas d’agression. Il est presque dommage que l’horreur ne prenne pas le dessus sur les autres (nombreuses) facettes de Chernobylite. Elle n’est finalement que très ponctuelle et s’efface en présence de soldats armés.
Elle aurait en tout cas gagné à remplacer la partie pure FPS qui a du mal à convaincre. Que ce soit avec un pistolet, un fusil d’assaut ou un canon électrique, Chernobylite patine pour donner du rythme à ses gunfights. Dès les premières heures, ils se révèlent plutôt mous du genou. Un naufrage pour cet élément qui est pourtant le pilier du titre. La faute aux armes qui manquent de punch bien sûr, mais aussi à une IA défaillante qui a tendance à l’immobilisme et qui ne manque pas de tirer dans le vide sans raison. Nous pourrions comprendre ce manque d’intérêt pour le shoot si Chernobylite était typé survival horror ou si les développeurs voulaient nous inciter à l’infiltration, mais ce n’est pas vraiment le cas. Au contraire, tuer tout ce qui bouge est souvent la solution la plus simple et celle qui rapporte le plus, sans compter que les balles viennent rarement à manquer. Les affrontements avec les créatures mutantes sont plus directs et donc un peu plus savoureux, mais ils ne rattrapent pas tout un pan du jeu qui mériterait de gagner en intensité.
Nous nous permettons même de penser que c’est toute la structure du jeu qui mériterait de se muscler. La boucle de gameplay elle-même s’use finalement assez vite. Igor et ses compagnons ont tous les jours une nouvelle mission principale à accomplir pour faire avancer l’histoire. Sur le terrain, notre héros a également des indices à récupérer pour faire avancer ses enquêtes. Ce n’est qu’une fois ses investigations terminées, tous ses compagnons rassemblés et des outils récupérés qu’il peut partir pour le niveau final. Bien que ce passage puisse se faire sans tous les prérequis, auquel cas il est plus dur, voire impossible si vous n’avez aucun des trois, tout le reste devient un brin prévisible à la longue. Ici ce n’est pas tant la linéarité de la quête principale qui nous pose problème, mais plutôt le manque de surprise d’une aventure qui donne en outre l’impression de trainer en longueur parfois.
Notre pensée, c’est que The Farm 51 s’est laissé dépasser par un projet un peu trop gros pour lui. En tout cas c’est comme cela que nous expliquons le manque d’équilibre que Chernobylite affiche entre les genres. Le résultat est finalement en demi-teinte à force d’avoir tâté le terrain un peu partout. Le titre réussit très bien à nous faire ressentir la peur et joue la carte de la survie comme un chef, mais il est dans l’impasse dès qu’il est question de gunfights, de gestion ou de sa propre structure trop convenue. Chernobylite n’est clairement pas un mauvais bougre, mais il n’est pas non plus l’expérience hors du commun qu’il aurait pu devenir en se frottant à autant de genres.
Vous pouvez acheter Chernobylite à 29,99 € sur Gamesplanet.
- Un mélange de genre audacieux
- Immersion dans l’horreur réussie
- Des choix importants…
- Le craft, c’est la vie
- Des personnages... charmants
- Gestion de la base dérisoire
- Gunfights très (trop) mous
- …que nous pouvons changer à chaque instant
- Craft sur le terrain trop limité
- Structure trop prévisible