Le sexe et les jeux vidéo : une belle histoire d'amour ?

Mass Effect, Heavy Rain. Ces jeux offrent la possibilité d'un rapport sexuel entre ses personnages. Voici des extraits d'interview pour chacun des jeux de leur créateurs, qui expliquent leur choix.

Paru sur CVG et Eurogamer :

David Cage : La règle que je me donne [en matière de sexe dans les jeux vidéo] est : tout est permis tant que cela reste logique dans le contexte. Tant que ce n'est pas inutile, que cela raconte quelque chose sur l'histoire ou les personnages.

Savez-vous que la vie réelle, quand deux personnes tombent amoureuses, elles peuvent finir par faire l'amour ? C'est le genre de choses qui se produit. Pourquoi pas dans le jeu ? Pourquoi il faudrait le traiter différemment ?

Extraits d'interview de Greg Zeschuk, directeur de création du studio BioWare, qui a développé les jeux Mass Effect.

Paru sur CVG, le 08/07/09 :

Dans certains jeux vidéo, le sexe fait sens dans l'intrigue. C'est intéressant car je crois que la polémique Mass Effect était complètement excessive. Je pense que certains médias ont pris avantage de la situation. Il n'y avait pas même pas une nudité réelle, c'était le bout d'un genou. En réalité, c'est le genre de chose que je verrais le soir sur la télévision. Ceci dit, je crois que, de notre point de vue, nous voulons refléter de vraies relations humaines. Si tu veux avoir une relation avec un des personnages, nous voulons le refléter, ainsi que l'impact de cette relation avec le personnage. Et si cela implique des scènes intimes, nous les voulons pour le joueur. Ceci est basé sur le fait que le jeu est une expérience, sophistiquée, mûre.

Extraits de l'interview de Peter Molyneux, fondateur de Lionhead Studios, qui a développé les jeux Fable.

Parue le 22/12/08 sur Gameblog :

G: Pensez-vous personnellement que le sexe est une thématique que les jeux vidéo devraient savoir aborder plus souvent pour être plus matures, ou diriez-vous plutôt qu'ils doivent être plus matures pour aborder la question ?

Peter Molyneux : La simple idée de regarder un film sans la moindre once de début d'intérêt romantique... c'est vraiment rare. Je n'arrive pas à voir beaucoup de films sans, il y a toujours un petit quelque chose. Je veux dire, même dans Rambo, il y a un intérêt romantique ! Et de quelle façon les films parlent-ils de sexe (et quand on le dit comme ça, ça sonne plus dur que ça ne l'est réellement) ? Ils se concentrent sur l'aspect romantique, ou parfois même érotique. Nous dans l'industrie du jeu, nous parlons très rarement de ça.

G : Pourquoi ?

P.M. : À mon avis, parce qu'historiquement, pour une majorité de jeux, il s'agit de mort, de destruction, de tuer, d'horreur, de zombies... Ils parlent de ça et se préoccupent avant tout de vous amener d'une scène d'action à la suivante. je pense qu'une partie de la réponse est inhérente à la structure des jeux vidéo, qui nous rend difficile le traitement de rapports sexuels dans les jeux. C'est en train de changer. Et quand il arrive qu'il soit approché, le traitement n'est pas toujours très bon. Il semble que ce soit plutôt l'acte sexuel qui intéresse, et très rarement l'intérêt romantique qui l'entoure.

G : Pour vous, est-ce qu'il y a là matière à faire du jeu, est-ce que les intérêts romantiques que vous évoquez sont pour vous un élément qui a de la valeur ludiquement parlant ?

P.M. : Ah mais complètement. Et je parie que dans le futur, nous aurons des jeux avec ce côté romantique du sexe, et son intérêt amoureux, et ce que j'appellerais de l'érotisme, par opposition à la pornographie. J'entends par là qu'au cinéma, quand vous voyez une scène de sexe, vous ne voyez pas de pénétration. Vous ne voyez pas de fluides corporels voler aux quatre coins de la pièce ; ils capturent le moment, plutôt que de capturer les détails. Et je crois que nous verrons de plus en plus de cela.

Alors, maintenant, c'est vrai, il nous a fallu emprunter le même chemin, on ne pouvait pas montrer l'acte sexuel sans offenser, je crois, une grosse partie de notre audience. Les Américains s'offusquent extrêmement vite non seulement vis-à-vis du sexe mais aussi de l'anatomie. Nous avons fait une présentation au tout début de Fable II, présentant le concept à Microsoft. Et en jouant un héros féminin, nous pouvions voir un téton au travers de ce qu'elle portait. Ça a été comme si Satan venait d'apparaître dans la pièce. "Vous devez enlever le téton", nous ont-ils dit. Et j'ai dit "Mais c'est une femme ! Les femmes ont des tétons" ! Je veux dire, nous pouvons être en train de nous balader et voir une femme dont les tétons apparaissent au travers d'un t-shirt, ça ne veut pas dire que c'est une catastrophe, et que les enfants vont sortir violer des gens. Ça vous montre à quel point il est difficile de faire un jeu avec un monde crédible. Et d'une certaine manière, il faut en tenir compte.

 

À la lecture de ces interviews, le sexe fait partie du jeu vidéo, c'est un élément à part entière de l'intrigue,  il contribue à la richesse et au réalisme du titre. Selon ces trois ténors du monde de la création, la polémique que suscite la présence de sexe dans les jeux vidéo n'a donc pas lieu d'être. David Cage, quand il lui fut demandé s'il serait possible de réunir tous les personnages de Heavy Rain pour une scène de sexe, réponda non sans ironie : "Non je ne crois pas, nous risquerions de finir sur Fow News..."