En plus des quelques heures de jeu sur Deus Ex: Mankind Divided, nous avons eu l'opportunité d'effectuer une entrevue avec Jonathan Jacques-Belletête, le directeur artistique exécutif du jeu, ainsi que Fleur Marty, la productrice Live Team.
- Merci de nous recevoir ! Pour commencer, pouvez-vous vous présenter à notre communauté ? Quel est votre poste actuel et comment êtes-vous arrivés ici ?
Jonathan Jacques-Belletête : Je m'appelle Jonathan Jacques-Belletête, directeur artistique exécutif de la franchise depuis Deus Ex: Human Revolution. Cela va faire presque 18 ans que je suis dans l'industrie vidéoludique, soit depuis l'époque de la PS1, de la GBA et des pixels ! Avant ça, j'ai été illustrateur et j'ai fait de l'animation traditionnelle.
Les jeux ont toujours été ma passion et dès que l'industrie du jeu vidéo s'est installée à Montréal, je n'ai pas chômé très longtemps. Je suis entré dans cette industrie fin 99, chez la société A2M (devenue ensuite Behaviour Interactive), et j'y ai fait mes classes pendant 5 ans. Après ça, je suis allé chez Ubisoft Montréal et, en 2007, Eidos Montréal.
On était quatre, quatre fous à partir de chez Ubisoft pour commencer ce studio et ce jeu (Deus Ex: Human Revolution), et personne ne pensait qu'on réussirait à déterrer correctement la licence. Et voilà, j'y suis toujours neuf ans plus tard ! C'est passé comme un flash, comme un claquement de doigts, j'ai l'impression qu'on est parti du studio, il y a juste 2-3 ans !
- Cela a dû bien s’enchaîner donc !
Jonathan : *rires* Ça s'est enchaîné de façon intense, oui ! Et ce n'était pas de tout repos. Trouver les idées, les réaliser, et les erreurs aussi qui vont avec tout ça ! *rires*
Fleur Marty : Je m'appelle Fleur Marty, je suis la productrice Live Team sur Deus Ex chez Eidos Montréal. Ça fait moins longtemps que John que je suis chez Eidos. Je suis arrivée, il y a... « Moins longtemps », ça commence quand même à dater, j'ai aussi l'impression que ça fait deux semaines, mais ça fait déjà un peu plus de deux ans et demi ! Avant ça, j'étais en France, j'ai commencé comme programmeuse, il y a très, très longtemps, puis j'ai commencé ma carrière dans le jeu vidéo, dans le mobile, au début des années 2000 chez Gameloft comme productrice. J'ai fait beaucoup de [jeux] mobiles et ensuite, je suis devenue productrice freelance, j'ai travaillé avec des indies, j'ai fait du transmédia et puis j'ai débarqué à Montréal, il y a 2 ans et demi, pile en plein hiver !
Jonathan : Et il y avait beaucoup de neige !
Fleur : Oui ! *rires* David Anfossi, le patron d'Eidos Montréal, m'a demandé de monter cette équipe pour faire du contenu live pour Mankind Divided. Nous nous sommes creusé la tête pour savoir ce qu'on pourrait faire de cool et Breach est né !
- D'après ce que nous avons pu tester de Breach, il n'est clairement pas tourné PVP et il me semble être plus axé vers du compétitif. Était-ce l'objectif principal lors de sa conception ?
Fleur : Je ne dirais pas que c'était objectif principal, mais en fait, la compétition est née au sein de l'équipe au fur et à mesure que le développement avançait.
Jonathan : *rires * C'est souvent comme ça !
Fleur : On s'est mis à regarder le score des autres sur les maps, à se dire « mais comment t'as fait ça ? », à essayer de trouver les moyens de se battre les uns contre les autres, et donc ça a monté, monté ! C'est là qu'on s'est rendu compte de tout l'aspect qui pouvait vraiment être intéressant et qui n'est pas du tout présent dans du multijoueur : le côté speedrun !
Au début, nous n'avions que des leaderboards de scores, et puis nous nous sommes rendu compte que l'aspect speedrun était vraiment fun ! C'est là que la compétition sur le temps est née, ainsi que tout l'aspect « gameplay émergent », comment nous avons combiné tous les jolis joujoux pour faire des trucs que les level designers n'avaient complètement pas prévus, et comment on leur a cassé leurs maps !
Jonathan : Mais c'est ça qui est bien, c'est ce côté de « complètement partir à l'opposé », c'est quasiment assuré que ça va casser les trucs qu'on avait mis en place ! C'est bien, ça nous a même permis de trouver de nouveaux angles sur ce qu'on avait déjà, il y a beaucoup de choses qui se sont créées sur ce que vous avez cassé ! On a restructuré tout ça, ce ne sont pas des choses cassées dans le jeu, mais on a cassé d'abord pour réinventer après ! Ce n'est pas magnifique tout ça ? *rires *
- Mankind Divided reprend les bases des précédents Deus Ex, cela n'a pas été trop dur d'innover, de trouver de nouvelles idées ?
Jonathan : Oui, ça l'est toujours ! C'est drôle parce que pour Human Revolution, c'était plutôt comment respecter les bases du premier, le chef d'œuvre qu'il a toujours été, en se l'appropriant en même temps, tout en faisant notre jeu et en mettant nos idées. Et là, en ayant réussi, tu crées un peu un piège, car par la suite, tu dois être à la hauteur de ce que tu as fait ! Tu as mis beaucoup d'énergie à inventer des trucs, et là, ça ne sert à rien ! Il faut que tu réinventes le plus petit truc, c'est une autre galère...C'est toujours la galère, mais c'est une autre galère ! *rires *
Puis, les idées, où on les trouve, bonne question ! Ce qui est intéressant avec les idées, c'est que, ça paraît bête à dire, mais elles sont toutes là, toutes les idées et les solutions du monde sont là devant nous en train de flotter dans la pièce ! Il faut juste les voir et connecter les points ! Et puis, nous avons des gens qui sont très axés sur les idées, la recherche, lire beaucoup pour s'inspirer, etc. Et même des fois en brisant des trucs comme disait Fleur.
Fleur : Et puis, les développeurs de jeux vidéo, si on les laissait faire, ils ne sortiraient jamais leur jeu ! *rires * J'ai beaucoup parlé avec l'équipe de développement et, à la fin de la production de Human Revolution, tout le monde avait des choses qu'ils auraient aimé pousser plus loin, s'ils avaient eu plus de temps. Faire un deuxième Deus Ex leur a permis de mettre en place certaines de ces choses.
- Pendant la preview, l'IA laissait parfois à désirer lors de certaines situations, a-t-elle été améliorée depuis ?
Jonathan : Il y a beaucoup de choses qui ont été améliorées depuis la version que vous avez testée qui est déjà très vieille ! *rires *
- Qu'avez-vous cherché à apporter à Mankind Divided par rapport à Human Revolution ?
Jonathan : Un truc qui était super important pour nous était vraiment de rehausser le combat. Le combat n'était pas mauvais dans Human Revolution, mais, comparé au côté furtif qui était vraiment très bon, il y avait une sorte de déséquilibre, le combat semblait laisser un peu plus à désirer. De ce fait, on a mis beaucoup d'énergie, d'huile de coude et d'argent sur la physique autour du combat, la quantité d'objets qui volent partout, qui se brisent, le visuel des armes et aussi dans beaucoup d'augmentations liées au combat, ce qu'il peut faire avec sa lame...Il y a une plus grande variété d'actions possibles entre la furtivité, le combat avec les armes, avec les augmentations. C'est vraiment ce qu'on voulait faire.
Une autre chose qui était importante pour nous, c'était toute la qualité graphique et technique. Sur Human Revolution nous étions un peu en retard par rapport à d'autres sur ce plan, mais dans une industrie très technique, qui jure beaucoup par rapport à la puissance des cartes graphiques, etc. Human Revolution a montré la force d'une vraie direction artistique, car nous avons quand même gagné des prix et eu beaucoup de nominations, pas si mal pour un jeu qui avait une technologie qui n'était pas à la pointe de l'époque.
Donc, pour Mankind Divided, c'était important pour nous de nous assurer d'être à la hauteur techniquement, c'était un défi que nous nous sommes lancés et qui était très évident pour nous dès le départ.
- Avez-vous un message à faire passer aux fans de la série ?
Fleur : J'espère que les joueurs vont vraiment tout casser dans Breach, c'est fait pour ça ! On veut vraiment voir des vidéos de joueurs qui vont finir les maps en un temps incroyable alors qu'on pensait que ce n'était pas possible. Surprenez-nous ! Voici le message que je veux faire passer !
Jonathan : Oui, surprenez-nous ! Mais prenez aussi votre temps, car c'est un jeu qui vaut la peine d'être savouré, qui vaut la peine d'être exploré. C'est un jeu qui a plusieurs couches, il est profond, on peut l'aborder de plein de façons différentes ! N'ayez pas peur de recharger vos parties, d'essayer des choses et des approches différentes...ou pas ! Jouez à votre rythme et à votre manière !
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