Assassin's Creed Unity : deux historiens répondent à Jean-Luc Mélenchon
par Maxime ClaudelSont-ils d'accord ?
La semaine dernière, Jean-Luc Mélenchon s'indignait contre Assassin's Creed Unity, taxant le jeu d'Ubisoft de propagande anti-révolutionnaire, qui dénigre le peuple ("un ramassis de pouilleux") et Robespierre ("une brute sanguinaire"). Bien évidemment, le député européen n'a pas joué au jeu et se contente d'une bande-annonce de 4 minutes pour émettre un jugement sujet à polémique. Mais nos confrères de chez Paris Match n'ont pas hésité à confronter le point de vue de Jean-Luc Mélenchon avec ceux de deux historiens reconnus. Sans surprise, ils ne sont pas d'accord avec l'homme politique. Laurent Turcot, professeur à l'Université du Québec, a officié en qualité de consultant sur Assassin's Creed Unity, notamment en ce qui concerne la reconstitution des décors et de l'ambiance du Paris d'époque. Voici sa réponse à Jean-Luc Mélenchon :
Cette polémique montre toute l’actualité de la Révolution française dans la définition de la politique et de l’identité française. Ceux qui pensent que l’Histoire ne sert à rien ont la preuve qu’il faut enseigner ce moment fondateur de l’Histoire française, mais aussi occidentale.
Pour savoir si ces critiques sont fondées, il faudrait analyser la totalité des cent heures de jeu et non les quatre minutes de la bande-annonce promotionnelle mise en ligne il y a de cela plusieurs mois. C’est un manque de rigueur et de sérieux.
Une chose est sûre, Robespierre est une figure complexe qu’il faut nuancer. On ne peut qualifier l’homme de sanguinaire ou de tyran aisément. Je pense qu’il s’agit d’un homme animé par des principes, prêt à tout pour les respecter et les faire appliquer. Jean-Luc Mélenchon gagnerait sans doute à lire les ouvrages de mes collègues sur Robespierre, dont la très belle biographie d’Hervé Leuwers ou encore le numéro spécial d’Historia (hors série novembre/décembre) sur la Révolution française dans Assassin’s Creed, disponible depuis une semaine.
Ce que semble ignorer M. Mélenchon, c’est que l’historien ne travaille pas sur le passé, mais sur les traces du passé. Il est important de ne pas affirmer des choses dont nous n’avons pas de preuves.
Pour Laurent Turcot, Assassin's Creed Unity est une réussite, à tel point qu'il va l'utiliser comme outil d'enseignement. De son côté, Jean-Clément Martin, historien français, est un spécialiste des études rosberpierristes. Il rappelle que cela reste une œuvre de fiction :
Je peux comprendre que Jean-Luc Mélenchon, dont on sait l'attachement à l'histoire de la Révolution et de Robespierre en particulier, signale les invraisemblances et les erreurs dans la bande-annonce. Il convient cependant de rappeler quelques points. Il faudrait attendre d'avoir pris en compte la globalité du jeu pour comprendre que l'histoire de la Révolution est une trame dans laquelle il y a une histoire inventée autour d'un héros totalement invraisemblable [...]. Des individus et des évènements deviennent, étonnamment et involontairement, des symboles repris sans précaution par des artistes, des romanciers ou des concepteurs de jeux et de séries pour mettre en scène les habituels conflits fratricides qui déchirent l'histoire de l'humanité depuis Caïn et Abel, en passant par César et Pompée, les Bourguignons et les Armagnacs, les Iroquois et les Apaches… C’est un folklore lié au plaisir de mettre en scène l'histoire manichéenne du Bien contre le Mal.
Fin de la polémique ?
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