Le format épisodique devient une mode, propulsée par les succès de Telltale Games. Mais pourtant, vidéoludiquement parlant, il ne fait pas l'unanimité.
L'immense succès de The Walking Dead par Telltale Games a fait naître un business model emprunté à la télévision : le format épisodique. Concrètement, il s'agit d'un jeu vidéo non plus proposé d'un bloc, mais constitué de plusieurs chapitres disponibles, en théorie, à intervalle régulier. Sur le papier, c'est une idée qui se tient, d'autant qu'elle pose des arguments commerciaux évidents, et créatifs également, si le studio décide de consulter les forums entre chaque sortie pour, éventuellement, agrémenter l'expérience avec le segment suivant eu égard aux retours des joueurs. Commercialement parlant, c'est donc une sacré aubaine pour l'éditeur, entre fidélité (les consommateurs "s'abonnent" sur la durée) et couverture médiatique (la presse en parle plus et plus longtemps). C'est aussi un pari casse-gueule : l'épisode 1 peut très bien ne pas plaire.
Qui a envie de démarrer une expérience pour ne la reprendre que deux ou trois mois plus tard ?
C'est là l'un des premiers écueils à propos du format épisodique. Le monde de la série télé n'a que trop connu des pilotes qui n'ont abouti sur rien ou des productions avortées en pleine saison. Pourquoi ne pas imaginer une telle crainte dans l'industrie vidéoludique ? Après tout, il suffit que le studio n'ait pas les reins suffisamment solides pour que de faibles ventes tuent un projet. Et là, c'est la frustration de commencer une aventure, d'en être l'acteur et de ne jamais en voir la fin. La frustration peut aussi naître de l'attente entre chaque épisode, avec le risque d'en décrocher totalement. The Walking Dead en est le parfait exemple : Telltale Games avait promis un calendrier mensuel, mais les retards se sont accumulés, l'ire des fans avec. Apparemment, le d'ores et déjà très apprécié Life is Strange en prend le chemin et il est fort probable que nous ne voyions le bout qu'en... 2016 !
Sur ce point, le petit écran fait beaucoup mieux : nous sommes assurés de retrouver le nouvel épisode chaque semaine, sauf pause prévue pour étaler une série (comme c'est le cas avec The Walking Dead, d'ailleurs). Sur ce point, le jeu vidéo doit encore progresser, dans le sillage de Capcom qui a pris soin de terminer le développement de Resident Evil: Revelations 2 avant de le lancer. Quatre épisodes sur autant de semaines, au moins c'est clair et les croix rouges sont faites dans les calendriers, auxquels il faut ajouter un mode entracte (les parties en Commando, ndlr, comme nous l'a expliqué le producteur). Ceux qui veulent (s')investir dans le format épisodique devraient en prendre de la graine : ne découper votre jeu que s'il est gold pour éviter les impatiences.
Car l'impatience n'est pas la vertu première du joueur, surtout quand il passe à la caisse. C'est tout à fait légitime. Qui a envie de démarrer une expérience pour ne la reprendre que deux ou trois mois plus tard, sans trop savoir jusqu'où ça ira ? Entre deux, tout sera oublié et l'immersion peut s'en trouver brisée. C'est dire si les écueils sont nombreux et ne plaident pas en faveur du format épisodique, qui ne présente pas que des défauts, loin de là (le pouvoir d'adaptation est son principal argument). Pour faire plaisir à Aymeric Caron, nous terminerons par des chiffres qui ne trompent pas : d'après un sondage réalisé par nos soins, vous êtes 76 % à être contre. C'est une preuve que ce qui marche ailleurs n'est pas toujours une solution universelle et qu'il est nécessaire de bien faire les choses pour que le public puisse y adhérer