Pas loin de 11 ans après la sortie de Hellboy 2 : Les Légions d’or maudites de Guillermo del Toro, le rejeton des Enfers revient dans un reboot, piloté par le réalisateur Neil Marshall. Notre avis sur un film franchement décevant, qui sort en France le 8 mai.
Soif de sang
Fils d’un démon des Enfers, débarqué sur Terre suite à une invocation par Raspoutine pilotée par les nazis en 1944, Hellboy n’a pas eu ce qui pourrait se qualifier d’enfance facile. Élevé par le professeur Trevor Bruttenholm, il est cependant devenu un artisan du bien, fer de lance du Bureau for Paranormal Research and Defense (B.P.R.D.). Mais quand Hellboy doit se lancer dans une course contre Nimue, une sorcière millénaire qui cherche à rassembler les différentes parties de son corps pour semer la destruction sur Terre, le garçon des Enfers ne se doute pas qu’il va en apprendre beaucoup sur lui-même...
Le Hellboy nouveau est sombre, parfois glauque, mais surtout très gore.
Création de Mike Mignola, Hellboy est une sorte d’antihéros dans le monde des comics. Loin des super héros qui véhiculent des valeurs fortes de courage, de bravoure et de résistance au mal, ce grand gaillard rouge affiche fréquemment un air blasé, hésite entre le bien et le mal et n’hésite pas à résoudre les problèmes à grands coups de son immense poing de pierre, quitte à transformer ses ennemis en bouillie. De base, Hellboy n’est pas vraiment un personnage que nous pouvons qualifier de « grand public » et, en ça, voir son destin cinématographique repris en main par Neil Marshall n’apparaissait pas comme une mauvaise nouvelle. En effet, ce réalisateur, qui s’est surtout fait connaître avec le petit bijou gore The Descent en 2005, semblait avoir beaucoup à offrir à cette nouvelle adaptation.
Si les deux films réalisés par Guillermo del Toro misaient beaucoup sur une ambiance romantico-gothique, saupoudrée d’une petite touche d’horreur - après tout, c’est la marque de fabrique du réalisateur mexicain -, l’interprétation de l’univers de Mignola par Neil Marshall a radicalement changé de cap. Le Hellboy nouveau est sombre, parfois glauque, mais surtout très gore, avec des litres de sang qui giclent partout et des éviscérations soigneusement détaillées en gros plan. Premier constat : le film n’est clairement pas pour les enfants, contrairement à la plupart des films Marvel qui évitent toute projection d’hémoglobine.
En lui-même, le choix de faire de Hellboy un film gore n’est pas incohérent avec les comics dont il s’inspire : c’est même un choix plutôt approprié et, pour cela, Neil Marshall était probablement l’un des réalisateurs les plus qualifiés. Le gore du film est justifié dans l’immense majorité des situations et cela participe à créer l’ambiance du film, qui se positionne comme un anti Hellboy sauce del Toro. Second constat : le reboot de la franchise s’avère justifié par ce changement de cap. Ces remarques mises sur le tapis, il est temps de passer à ce qui coince dans ce film, à savoir à peu près tout le reste.
What the hell?!
Passées les considérations sur le choix du réalisateur et de la mise en scène adoptée, Hellboy cumule, malheureusement, les problèmes. Commençons par le scénario, au mieux ennuyeux, au pire insipide, qui nous ressert l’origin story en nous feintant à l’aide d’un montage et d’une narration manipulés pour l’occasion. Il est toujours surprenant qu’un personnage, en service actif depuis des décennies au moment où le film commence, finisse par apprendre l’ensemble de ses origines au détour d’une mission en apparence anodine. Tout tombe comme un cheveu sur la soupe, et les rebondissements se voient à des kilomètres.
Le pire se trouve peut-être dans les effets spéciaux numériques, à la qualité extrêmement variable d’une scène à l’autre
L’interprétation générale du casting n’aide pas non plus à apprécier l’ambiance du film. Même si David Harbour s’en sort plutôt bien sous la couche gigantesque de maquillage qui lui tartine le visage, il donne quand même l’impression d’être autant en roue libre que les autres acteurs du métrage. Milla Jovovich interprète une méchante sans grand intérêt et il est désolant de voir Ian McShane se compromettre dans le rôle peu inspiré, et pourtant si important, du père adoptif de Hellboy. Quant à Sasha Lane et Daniel Dae Kim, propulsés de manière improbables tant pour l’un que pour l’autre au rang de sidekick du héros, ils rament tout le film pour justifier leur présence.
Mais le pire se trouve peut-être dans les effets spéciaux numériques, à la qualité extrêmement variable d’une scène à l’autre : les cinq premières minutes du film sont d’ailleurs particulièrement révélatrices de ce qui ne va pas de ce côté-là, en affichant notamment un tracking raté sur une tête coupée, ou un scorpion affreusement mal intégré à un plan pourtant très banal. L’un des méchants 100% numérique du film n’est pas sans rappeler le ratage de Justice League avec Steppenwolf.
C’est d’autant plus dommage que le film réalise un chouette travail sur les maquillages, dont il est difficile de ne pas percevoir l’inspiration puisée chez Del Toro : l’une des scènes les plus réussies du métrage semble d’ailleurs sortie tout droit du Labyrinthe de Pan.
De quoi voir rouge
Compte tenu des différences profondes entre les deux versions, comparer le Hellboy de del Toro à celui de Marshall n’a pas vraiment de sens, même si c’est inévitable d’une certaine manière. Les deux interprétations ont leurs défauts. Le problème de celle de Neil Marshall, c’est que les défauts en question sont profondément ancrés dans le film : les soucis ne se limitent pas à quelques bémols dans le scénario ou des choix artistiques discutables. C’est une combinaison de galères scénaristiques et numériques, associée à une interprétation faiblarde et à un intérêt général minimaliste. Le film passe son temps à effleurer son sujet et préfère se contenter des quelques scènes d’action inscrites dans le cahier des charges plutôt que d’aller plus loin. Tout cela manque assurément de maturité, à l’image, peut-être, de son personnage principal.
Ce Hellboy est une déception dans son ensemble, alors qu’il aurait pu être une vraie réponse aux films de super héros globalement aseptisés qui sortent actuellement sur les écrans (et dont Shazam! est la plus récente représentation). Il se résume en réalité à une série B gore à gros budget, dont le résultat final n’est que le fruit d’une production chaotique mal maîtrisée.
Un mot, enfin, concernant les scènes post-générique : elles sont au nombre de deux, et une seule est vraiment intéressante à découvrir. À vous de voir si vous aurez encore la force de résister à 10 minutes de crédits défilant après les deux heures de séance, d’autant que tout cela amorce une suite qui, compte tenu de l’échec cuisant au box-office américain, pourrait bien ne jamais voir le jour.
Note : 2 étoiles sur 5