CINEMA - Ça (2017) : fallait-il réveiller le clown qui a déjà effrayé toute une génération ? (Critique)
par Séverine N.S'il y a bien un clown qui a marqué les esprits des quadras et plus, c'est bien « Ça » et oser le faire revenir était risqué. Même pas peur ?
« Il » est revenu, et il revient, comme dans le synopsis, soit 27 ans après le téléfilm adapté du livre de Stephen King paru en 1986. L’histoire a donc plus de 30 ans ! Et, au regard des quelques anachronismes révélés par la réalisation de Muschietti, notamment de nombreuses références à la culture pop de 1989, nous pouvons facilement en déduire que ce qui se passe à l’écran est bien plus une adaptation du téléfilm que du livre. Nous sommes donc déjà dans l’adaptation d’une adaptation ! Et pour les puristes de King cela se ressent… malgré des critiques américaines plus qu'élogieuses.
Les acteurs, bien que juvéniles, sont brillants, extrêmement bien dirigés à un point où il nous est possible d’oublier que ce sont des enfants qui jouent un rôle.
Mais reprenons le synopsis, car il serait facile de s’arrêter à la qualité de l’adaptation, sans s’intéresser réellement au film. Le piège est tentant et tout nous y invite. Dans une petite ville du nord-est des États-Unis, « le club des 7 » - elle était facile celle-là tant l’esprit qui unit ces jeunes rappelle nos souvenirs de nos bibliothèques vertes – bref, le club des losers fait face au « Ça » . Tous les 27 ans, le monstre polymorphique, représenté néanmoins sous la forme d’un clown (Pennywise pour les intimes), semble sortir de son antre (les égouts), pour venir faire disparaître les habitants, surtout les enfants de la paisible petite ville. Cette dernière est maudite, tout le monde le sait, mais tous restent à Derry parce que… parce que… eh bien, nous ne savons pas pourquoi... Les premières images du film nous ramènent à cette histoire, avec une vraie séquence qui fout la trouille et nous plonge directement dans l’univers de King. Le décor est planté et le monstre réveillé.
Nous pourrions ouvrir une autre lecture, plus psychologique de ce synopsis, car dans le script, pour un psychanalyste, c’est du pur bonheur, de la structure psychotique du « Ça », qui reste une instance freudienne, en passant par les névroses de chacun des protagonistes, tout y est ! Activités pulsionnelles, confrontations à ses peurs, angoisses de morcellement et de dévoration sur le fond d’une relation incestueuse. C’est l’autre aspect de ce film que nous ne développerons pas ici, mais qui n’en reste pas moins intéressante.
Pour le reste, les peurs sont au cœur du développement de l’histoire, qui nous offre une analogie de ce que nous pouvons en faire. Les mécanismes sont grossièrement traités alors que cela aurait pu être au centre des enjeux. C’est dommage parce que là nous tombons un peu à côté.
Même en s'éloignant de l’œuvre originale, techniquement la promesse est couverte. C’est un bon film, non, un très bon film. Le côté « adaptation » d’un opus qui a autant marqué une génération était sur le papier une entreprise difficile pourtant. La réalisation est fluide, il n’y a pas de « temps creux » même si quelques séquences, inutilement longues, alourdissent un rythme bien tenu. Muschietti nous embarque dans l’histoire, nous sommes à Derry, nous soutenons ces jeunes candidats à la libération de la petite ville du mal. Les acteurs, bien que juvéniles, sont brillants, extrêmement bien dirigés à un point où il nous est possible d’oublier que ce sont des enfants qui jouent un rôle. La gestion des images, les effets spéciaux et maquillages sont exceptionnels, comme il se doit dans une production américaine… Un petit plus pour la bande-son, reconnue instantanément, et qui nous renvoie directement en 1990 et à ce téléfilm qui nous a tous marqués et fait frémir !
Un petit bémol, il en fallait bien un ! Le synopsis a mal vieilli et le réalisateur n’a rien pu y faire. Nous avons vu, entre 1990 et aujourd’hui, des films d’horreur bien plus puissants, avec des apparitions bien plus effrayantes et des séquences bien plus frappantes. Les apparitions du « Ça » offrent des séquences parfois kitchs qui laissent plus place au rire qu’à l’effroi. De fait, le tout donne le sentiment de voir un excellent thriller plus qu’un film d’horreur. Si vous pensez vous offrir des sueurs froides, vous risquez d’être déçus. Mais peut-être que la suite prévisible, et que nous n’aurons certainement pas 27 ans à attendre, nous fera voir réellement se réveiller le « Ça » qui sommeille près de nous !
Nous recommandons donc ce film pour sa réalisation parfaite, pour le côté nostalgique, pour le plaisir de redécouvrir ce qui peut être considéré comme l’œuvre majeure de l’auteur de toute une génération, mais surtout parce que le « Ça » fait partie de notre culture pop ! Ce que nous regrettons, c'est le manque de frissons, et le sentiment d’avoir été voir un thriller – excellent par ailleurs - alors que nous avions cette envie, non avouable, de pouvoir passer quelques nuits blanches après la séance.
Note : 3 étoiles sur 5