Faut-il avoir tort de s'en priver ?
Intercalé entre la comédie Iron Man 3 et Captain America : Le Soldat de l’Hiver pour préparer The Avengers : Age of Ultron, Thor : Le Monde des Ténèbres se doit de faire mieux que son prédécesseur. Car contrairement aux deux autres héros cités, le blondinet asgardien n’a pas eu droit à une première aventure à la hauteur de sa stature. La faute à des séquences sur Terre beaucoup trop longues et des liens avec The Avengers obligatoires, qui parasitaient le scénario principal. Pour la suite, Alan Taylor, l’un des réalisateurs de la série Game of Thrones, est débarrassé de deux fardeaux : il n’a pas les origines à raconter et son film n’est pas une introduction à la grosse réunion. Dès lors, Thor peut-il voler de ses propres ailes ?
Thor : Le Monde des Ténèbres ne traîne plus les boulets qui empêchaient jusqu’alors le Dieu de décoller.
Passées vingt premières minutes un peu longuettes et qui n’augurent rien de bon (tiens, encore à cause d’un passage sur Terre…), force est de constater que Thor : Le Monde des Ténèbres rectifie très vite le tir. Et la raison est évidente : plutôt que de faire dans le too much façon Iron Man 3, les scénaristes ont opté pour un mélange divertissant en juxtaposant judicieusement les scènes d’humour (point trop n’en faut), les enjeux dramatiques évolutifs (la destruction des Mondes, les conséquences du sacrifice) et les séquences d’action (logiquement basées sur la puissance et le corps-à-corps). En somme, nous avons droit à un film de super-héros de bonne facture, à défaut d’être véritablement décapant sur la forme, comme sur le fond (le souci des productions familiales). Et puis il y a Loki...
Loki, parlons-en, est un vrai argument de l’univers de Thor (Marvel l’a tellement compris qu’il a eu droit à des minutes supplémentaires). Parce que Tom Hiddleston. Parce que derrière son sourire narquois et ses coups en traître avisés se cachent une fragilité touchante et de beaux échanges tragico-familiaux, dans le sillage de ce qu’avait amorcé Kenneth Branagh dans Thor premier du nom (merci Shakespeare au passage). Pour autant, ce serait mentir de dire qu’il éclipse Thor, car c’est loin d’être le cas : déjà, pour la simple et bonne raison que Chris Hemsworth est parfait dans le costume. Ensuite, parce qu’il peut enfin s’exprimer en tant que super-héros – non pas en qualité de simple membre d’un groupe extraordinaire. De fait, sa personnalité en ressort grandie et plus nuancée, comme une preuve que le jeune impétueux qu’il fut a mûri pour laisser sa place au guerrier que son père a toujours voulu qu’il soit. Encore une fois, c’est sans The Avengers que cela est rendu possible.
Après, Thor : Le Monde des Ténèbres a le même défaut que la plupart des films Marvel : l’absence d’un méchant digne de ce nom à même de faire douter le justicier et, par extension, de le faire se transcender en le poussant à ses limites et en frappant là où cela fait mal. Pour sûr, nous aimerions que Thor possède son Général Zod ou son Joker, afin que les face-à-face soient dantesques, ébouriffants et inoubliables. À la place, nous avons droit à un elfe noir quasi muet et sans nuance, presque sans raison d’être, qui existe par sa vengeance (qui a dit original ?). Pour ainsi dire, il n’est qu’un prétexte pour le grand spectacle. Ce n’est déjà pas si mal, mais tôt ou tard, il faudra faire plus pour atteindre de nouveaux horizons.
En conclusion, Thor : Le Monde des Ténèbres ne traîne plus les boulets qui empêchaient jusqu’alors le Dieu de décoller. En affirmant sa place parmi les Grands, il s’impose désormais moins comme un faire-valoir obligatoire pour un blockbuster rapportant des milliards que comme celui que nous avons envie de suivre et de découvrir. Pour un roi proclamé, à défaut d’être clamé, c’est le strict minimum. Il aura juste fallu attendre un deuxième long-métrage pour que le bébé marche.
Verdict : 3,5 étoiles sur 5
PS : ne partez pas avant le générique de fin, comme à l'accoutumée.