Le Big Brother de l'État français est bientôt prêt. Mais qu'en est-il ?
Nous le savions depuis de nombreuses années, les différents gouvernements que compte notre planète ont pour habitude de mettre des gens sur écoute, aussi bien des personnalités que des citoyens classiques. Les USA sont les premiers pointés du doigts pour ce genre de pratique, mais les Anglais ne sont pas non plus des ignorants dans le domaine. Pour preuve, le procès actuel qui se tient en Grande-Bretagne contre Rupert Murdoch le directeur général de News Corporation.
Ce sera au tour de la France de faire parler d'elle dans les mois à venir. En effet, c'est par le biais du journal L'Expansion que nous apprenons que l'État français travaille depuis environ deux ans à l'élaboration de son propre Big Brother. Ce n'est pas une nouveauté, puisque les écoutes de personnes surveillées sont déjà monnaie courante dans notre pays. Mais d'où vient le changement dans ce cas ? Voici ce que nous pouvons apprendre via cet article.
Pour le moment, ce sont 6 entreprises différentes qui géraient le stockage des écoutes téléphoniques effectuées par l'État. Ces sociétés - Foretec, Elektron, Amecs, Azur Integration, Midi System et SGME - répertorient et aident les forces de l'ordre pour étudier et poursuivre d'éventuelles actions. Or, en 2011, Nicolas Sarkozy a décidé qu'il fallait centraliser toutes ces informations afin de limiter les coûts et de faciliter la communication entre les différentes entités. Malgré les avertissements du directeur général de la police, Frédéric Péchenard, le projet continua à se développer.
Ce projet porte le nom de PNIJ pour "Plateforme Nationale des Interceptions Judiciaires". C'est le groupe français Thales - géant de l'électronique spécialisé dans l'aérospatial, la défense et les technologies de l'information - qui a été choisi pour centraliser les données dans ses locaux, à Élancourt dans les Yvelines. Ce derniers aura accès aux appels, SMS et données internet des utilisateurs. En février dernier, Christian Vigouroux, qui était directeur du cabinet de la ministre de la Justice, a rendu une visite non-officielle à Thales afin de constater par lui-même l'évolution du projet en cours. Il faut savoir qu'en France, ce sont près de 40 000 personnes qui sont sur écoute dans le cadre d'enquêtes judiciaires. En 5 ans, le budget alloué aux écoutes téléphoniques a doublé, passant de 55 à 101 millions d'euros.
Mais ce nouvel objectif top secret du gouvernement pose plusieurs soucis majeurs, en plus du tarif. En effet, la société Thales est elle-même sous la coupe judiciaire de l'État en ce qui concerne des écoutes téléphoniques. Il est donc problématique que la société qui se retrouve à gérer ces données soit elle-même concernée et se retrouve à manipuler des preuves qui l'incriminent. Il y a donc clairement conflit d'intérêts. Un autre gros souci vient du fait que la centralisation de toutes les informations au même endroit est plus risqué que de morceler ces dernières à travers différentes sociétés. En ce qui concerne le coût de ce projet, le journal fait part d'une estimation qui était au début de 17 millions d'euros, mais dont l'ardoise aurait déjà atteint la somme de 43 millions d'euros.
Et ce n'est pas tout, puisque d'après l'estimation du syndicat Synergie Officiers, la facture pourrait s'alourdir de 40 à 50 millions d'euros. Effectivement, certains travaux seraient entrepris par les opérateurs SFR, Orange, Bouygues Telecom, Free et Numéricable pour équiper les locaux de Thales en fibre optique afin d'acheminer les communications. Il faut encore ajouter le coût du procès qui va opposer l'État à 5 des 6 entreprises citées précédemment, qui revendiquent le droit à l'utilisation de ce marché d'écoute sur lequel repose une grande partie de leurs revenus.
Nous pourrons donc prêter attention à une phrase qu'a dite un ancien gendarme au journal de L'Expansion :
Finalement, pour écarter des petites sociétés privées du marché des écoutes, ils ont fait appel à une grosse société... privée. Tout cela est ubuesque.
Ceci va poser de nombreux problèmes moraux. Tout d'abord, il n'y aura aucun moyen de savoir si les écoutes effectuées par Thales sont légales ou non et si la société pourrait s'en servir par la suite. Ensuite, concernant les hommes politiques, comment savoir si certains n'utiliseront pas ces écoutes à des fins personnelles ou encore pour protéger des proches ou eux-mêmes ? Comme le dit intelligemment le journal : qui surveillera les surveillants ?