EDITO - Fortnite à la PGW : le géant à la communication si bien ficelée qu’il est impossible de le faire parler
par Séverine N.Fortnite à la PGW c’était le phénomène ! Et à bien des niveaux ! Difficile d’y échapper, le Monstre créé de toutes pièces par Epic Games était omniprésent tout comme il peut l’être aujourd’hui sur la scène du jeu vidéo.
Ils ont bien essayé de nous le cacher pourtant ce stand Fornite, blotti en fond de Hall, derrière le géant des géants Sony qui aurait pu l’éblouir de toute sa lumière bleue. Le monumental vaisseau Fortnite semble tout droit sorti de terre ou d’un monde perdu. Des décors fabuleux faits de fortifications - en carton certes - qui nous plongent avec fantaisie et délice dans le game. C’est beau, c’est propre, c’est soigné et c’est démesurément attractif.
« Je n’ai pas le droit de parler à la presse ! »
Nous approchons difficilement tant les allées nous y menant sont chargées. S’armer de courage pour entrer dans le Battle Royale, plus que de patience... Nous traversons la marée humaine jusqu’à cette employée du jour - ou d’un jour - qui de toute sa sympathie nous renvoie à nos badges « presse ». À un « bonjour mademoiselle », elle nous gratifie d’un beau sourire, un peu commercial certes, mais néanmoins charmant, mais surtout d’un « je n’ai pas le droit de parler à la presse » que nous n’aurons pas fini d’entendre. Elle nous invite à nous adresser à Charlie, le coordinateur, tellement perdu dans la masse, que nous avons fini par renoncer à croire à son existence même. Passé l’interminable « où est Charlie ? », nous finissons par rencontrer l’un de ses sbires qui lui aussi ne peut, de toute évidence, pas nous parler… Nous sommes devant un fait établi, la langue se perd au pays des plus jeunes joueurs. Car oui, le public visé est incroyablement jeune même... 6 ans pour le plus jeune des joueurs présents, la moyenne d’âge n’excède pas les 11 ans. Mais que dit le PEGI ? Ah oui, 12 ans et plus... Chut... De petites têtes blondes alignées bien religieusement dans l’attente de l’accès sacré à l’autel de l’interactivité du Play ! Entrer en vrai dans l'univers, faire du bruit, rire, crier, prendre du plaisir, jouer...
La messe est dite et le credo est là : « Donner du plaisir ! », « Remercier nos jeunes gamers ! » Tels sont les propos du sbire, et telles sont les attentes des enfants plus qu’adolescents en quête de cet absolu. Nous ne verrons donc pas Charlie, mais celui-ci nous autorise à accéder à la plateforme supérieure pour « une photo d’accord, mais juste une » et sous un angle seulement, celui qui de toute évidence parle le plus à notre hôte : la foule qui se presse autour de lui. Et c’est là, du haut de la montagne, que nous prenons conscience de la machine commerciale richement huilée. Nous venions pour en apprendre plus sur le jeu et ses utilisateurs, nous avons fini par prendre une leçon de marketing.
Le stand en lui-même pourrait couvrir tout un semestre de HEC, « le second plus grand du salon ! » selon les organisateurs qui ne parlent donc de rien sauf de la place qu’ils occupent. En fait s’ils s’étonnent de ne pas être les premiers, ils ne s’interrogent pas sur leur seconde place pourtant nettement discutable. Mais nous parlons là de surface d’occupation, pour ce qui est de la visibilité, en effet, nous sommes forcés d’admettre que c’est bien là que les choses se jouent.
C’est monumental et en quelques chiffres, Fortnite, c’est 20 000 visiteurs par jour et deux heures d’attente pour accéder aux activités proposées, même file d’attente pour repartir avec son tee-shirt. S’afficher dans la plus grande communauté de joueurs de ce groupe d’âge dans la cour du collège, cela se mérite ! Néanmoins, ce qui nous est le plus vendu comme message, c’est cette volonté de faire plaisir aux jeunes joueurs et tous les ingrédients sont là pour répondre à cette exigence : des tyroliennes spectaculaires, des séquences dansées et surtout filmées, des labyrinthes, des combats faussement reconstitués... Nous sommes devant une matérialisation du phénomène, nous devenons personnages, nous nous projetons dans le gameplay... C’est merveilleux, mais encore une fois nous avons 10 ans ! Étonnant pour un jeu qui se voulait initialement tout public... Alors nous nous interrogeons encore, décidément que de questions dans cette rédaction ! À croire que ce qui nous est donné à voir ne nous suffit pas... Et la réponse parait alors évidente. Si Fortnite était un jeu qui se voulait être le nouveau lieu de rencontre décalé des gamers comme en son temps a pu l’être un certain Minecraft, très vite, la population s’est rajeunie, comme celle de son cousin, devenant un espace communautaire pour adolescents. Mais ce qui ne fut pas assumé par le second l’a été complètement par le premier et c’est bien cela que nous retrouvons dans ce grand parc d’attractions pour enfants qui trône au centre de la PGW.
Pour faire simple, à force de laisser la communauté pré-adolescente se développer, cela aurait conduit à l’exclusion des plus âgés qui ne se reconnaissaient plus et n’arrivaient plus à échanger, force de décalages. Jouer à Fortnite, si le gameplay intéressant est devenu honteux, c'est parce que le milieu devenait petit à petit trop enfantin, alors ces jeunes ont déserté préférant se retrouver sans nul doute sur un Overwatch et autres Battlefield. Plutôt que d’essayer de « récupérer » ses joueurs, Fortnite a semble-t-il eu le nez fin et s’est intéressé à la belle part de marché que le jeune public pouvait constituer, car dans les faits, qui d’autre s’intéressait réellement jusque-là à cette juteuse (aucun jeu de mot vilain en lien avec quelque problème d’acné) tranche d’âge ?
L’autre aspect qui a interpellé notre rédaction est sur la « fausse gratuité » de la campagne. Mais où est donc passé l’esprit free-to-play ? Eh bien là justement ! Mettre autant de moyens, sur un salon de cette importante et avec autant de visibilité, pour dire « Merci », nous avons du mal à y croire. Alors là aussi nous nous sommes posé des questions, avons observé et pu constater que rien n’était si gratuit que cela. 20 € le tee-shirt et 70 € le chandail, pour afficher son appartenance à la communauté... Et 5 € de réduction offerts tous les deux passages au stand, sauf que la file est interminable et s’autoalimente, car comme chacun le sait « le monde attire le monde » et cela renforce l’ampleur du phénomène. Nous les entendons presque hurler : « Oyez, oyez braves gens sur la PGW cette année, la moyenne d’attente sur notre stand pour une attraction était de 2 heures ! » Et il y en avait six des attractions sur une journée où l’ouverture au public couvre une amplitude de 9 heures, nous pouvons nous interroger sur le nombre de petits veinards qui ont pu repartir avec le tee-shirt à 5 €, mais nous pouvons surtout comprendre comment le flux de visiteurs a été alimenté sur les cinq jours de salon... Autre remise en cause de cette gratuité, la récupération des vidéos et photos prises pendant les activités via votre boîte mail, de quoi se constituer une jolie base de données...
Nous pourrions nous arrêter là et rester sur ce regard acerbe relativement aiguisé par notre déception à ne pas rencontrer qui pourrait nous parler avec passion du phénomène sociétal, mais nous nous devons d’être objectifs et donc d’admettre qu’il y avait des lumières et de l’émerveillement dans le regard de ces joueurs. Et, quelle que soit la technique employée, aussi mercantile soit-elle, elle fonctionne... Fortnite est peut-être en effet un jeu qui s’adresse enfin aux plus jeunes, et qui les fédère autour d’un intérêt commun et ludique et ça chez GAMERGEN.COM, nous validons !