Brigador - Un développeur répond aux plaintes en expliquant pourquoi son jeu coûte 20 € sur Steam
par Anthony P.Il y a les développeurs qui ne disent rien quand les joueurs se plaignent du prix, il y a les agressifs, et il y a ceux qui donnent les explications.
Si vous trainez un peu sur les discussions Steam des jeux indépendants, vous savez qu’il arrive toujours un moment où un joueur viendra dire que tel ou tel titre ne mérite pas le prix auquel il est vendu. Dans ces cas-là, certains développeurs décident de les ignorer, d’autres de leur répondre gentiment ou avec agressivité, mais Boss Tweed a décidé de faire les choses autrement.
En effet, le monsieur aidé de trois autres développeurs travaille depuis cinq longues années sur Brigador, un jeu d’action disponible en accès anticipé sur Steam, et afin de mettre un terme aux demandes de baisser le prix de 5 ou 10 euros, il a dévoilé les dessous d’un tel développement, avec des comparaisons parfois surprenantes.
Il commence ainsi par révéler que la petite équipe a passé plus de huit heures par jour à travailler sur le titre, et cela à raison de six à sept jours par semaine. Il a même été jusqu’à compter les heures, pour dire que cela faisait plus de 10 000 heures par personnes, ce qui est tout simplement gigantesque. Histoire d’appuyer ses propos, Boss Tweed précise qu’il n’y a eu aucun Kickstarter, et qu’aucun éditeur n’est de la partie, les quatre personnes ont donc dû sortir l’argent de leurs poches pour tenir les cinq années. Il en profite pour dresser une petite liste (non sans humour) des choses qui prennent aussi cinq longues années à être faites.
- Obtenir un doctorat ;
- Se marier et avoir deux enfants ;
- Récolter 72 000 $ avec le salaire minimum (sans les taxes) ;
- Remporter les élections et mener à bien un mandat de président des États-Unis ;
- Faire la Première Guerre Mondiale ;
- Se développer d’un embryon en une personne capable de parler avec des phrases complètes ;
- Échouer à se qualifier pour les Jeux Olympiques, deux fois ;
- Commencer à trop boire et prendre neuf kilos à cause du stress d’avoir lancé une entreprise et construire un jeu pendant cinq ans ;
- Regarder les 262 épisodes de Mon oncle Charlie (ce que le studio ne cautionne aucunement).
Bien sûr s’arrêter à cette liste aurait pu être suffisant pour bien des personnes, mais pas Boss tweed, qui est allez jusqu’au bout de son idée, en mettant noir sur blanc ce qui est présent dans Brigador. Ainsi, le titre contient deux heures de musiques originales, plus de 100 ennemis différents, une histoire pour la campagne, un mode libre, une carte de la taille de la zone urbaine de GTA III, avec tous les détails tels les lampadaires, les poubelles ou encore les panneaux de signalisation.
Il enchaîne en réalisant une autre petite liste, cette fois-ci avec ce qui coûte plus cher que le jeu lui-même, avec des exemples certes surprenants, mais pourtant bien réels.
- Un piston de toilette ;
- Un pack de 30 Bud Light (une bière) ;
- Une poubelle ;
- Un seul sous-vêtement Calvin Klein ;
- Le remake de Point Break en Blu-ray ;
- Un calendrier ;
- Un poster de Nickelback.
Bien entendu, c’est le poster de Nickelback qui retient le plus l’attention de Boss Tweed, cela le frustrant de voir que cela vaut plus cher que le jeu dans lequel il s’est impliqué pendant plus de cinq ans, et que des gens viennent lui dire que celui-ci vaut encore moins.
Sa déclaration est aussi l’occasion de découvrir un peu plus l’envers du décor, et ce qui revient réellement aux développeurs puisqu’il annonce que sur les 20 euros, et après la commission de Valve et les taxes, le studio ne touche finalement que 10 euros. Il faudrait donc vendre 25 000 copies de Brigador pour espérer que les quatre compères se sortent un salaire minimum, tout en excluant les paiements éventuels intervenants au cours du développement. En prenant en compte ces derniers, il faudrait alors vendre 50 000 copies du jeu.
Boss Tweed n’oublie pas non plus d’ajouter qu’ils n’ont aucun lien avec les médias ou de soutien des éditeurs, puisqu’ils sont nouveaux, et ont tout à prouver. Sans oublier les joueurs réticents à lâcher un peu plus qu’une pinte, et il faudrait ajouter environ 33 % (environ 16 000) au nombre de copies à vendre pour obtenir le même résultat. Cette dernière précision est importante, puisqu’il s’agit de plus de jeux vendus que certains indépendants n’ont jamais vendus, donnant une idée de l’énorme challenge qui attend les quatre compères.
Enfin, il conclut en expliquant bien qu’il ne demande ni de la pitié ni de la charité, mais que quand des gens travaillent dur sur un jeu, alors il faut l’acheter, même s’il arrive parfois que cela donne un titre peu réjouissant. Il précise aussi que tout va bien si quelqu’un ne veut pas payer 20 euros pour Brigador, et que cette personne n’a plus qu’à attendre les soldes, mais qu’il doit comprendre qu’il rend un travail déjà extrêmement difficile encore plus compliqué.
Avec un moteur graphique crée à partir de rien, afin d’offrir des environnements entièrement destructibles et garder le contrôle sur les performances, un design unique, et beaucoup de temps et d’implication, Brigador mérite ses 20 euros d’après Boss Tweed, et il est difficile de lui donner tort après ses explications.
Notons par ailleurs une phrase assez lourde de sens alors que de plus en plus de joueurs évoquent le manque d’innovation, puisqu’il ajoute que si les personnes ne veulent pas payer un prix en rapport avec la qualité et le temps passé sur la réalisation d’un jeu comme Brigador, alors l’industrie ira toujours dans le même sens, et de moins en moins de développeurs oseront prendre des risques.
C’est ce qui s’appelle mettre les points sur les i, et l’occasion rêvée d’en apprendre plus sur le parcours d’un studio indépendant qui débute, et des difficultés qu’il peut rencontrer.