Destiny 2 : Bastion des Ombres, la destruction en direct du Tout-Puissant, c'est ce samedi à 19h00 !
par Alexandre S.Ce vaisseau cabal menaçant la Tour cette saison devrait enfin être anéanti dans les prochaines heures, un peu malgré nous.
ROUILLE
ÉTENDUE LUCUS PLANUM
MARSDes grondements tectoniques font trembler la surface. Apollinaris Mons projette des nuages pyroclastiques depuis deux jours, mais les séismes ont revu ses ambitions à la baisse. Ils ont brisé la pente sud du volcan, faisant chuter les plateaux continentaux soutenant sa caldeira. Des éclairs volcaniques fourchus ont illuminé les panaches de suie provoqués par les glissements de terrain en chaîne. La face de Mars en a été transformée, et la vision d'un âge cher a été dévoilée : tel un trophée dans une vitrine de fer, une ossature polie par la poussière se trouvait exposée parmi les falaises de basalte parsemées d'alliage.
De nouvelles tempêtes martiennes zèbrent désormais le ciel de rouge.
Le paysage sablonneux oxydé s'étend sur des kilomètres autour de la montagne brisée, repliée sur les multiples dépressions pentues qui accueillaient sa base avant la chute. Leurs fractures servent de déversoirs sur les flancs du volcan, lignes de fuite entre les doigts d'un Arès vaincu, perdues dans le temps et attendant d'être exhumées.
Poussées par de puissants zéphyrs, les dunes migrent loin des ruines, toujours plus distantes les unes des autres. Sous les vents sablonneux, des formations basaltiques sont révélées, tels des fossiles prudemment brossés au soleil par le souffle d'Éole. Le vent, désormais libéré des entraves de la résistance pierreuse, rugit sur les vastes étendues, se déploie sur les yardangs à la croûte saline qui maculent ci et là le désert environnant, puis rejoint les courants. La poussière et les cendres suivent. Treize flèches opalescentes en forme de sel marquent cette arrivée. Elles ont été créées au cœur du déluge de la caldeira, une frénésie de cendres et de suie les souillant d'os brûlés.Au centre de la tempête, une lueur est réfractée.
Un vaste bûcher rouge.
Les charbons toujours ardents.
La bienvenue d'un villégiateur.
Ana Bray traverse l'étendue nouvellement enfoncée, protégée par un vêtement à plusieurs couches qui forme un genre de cache-poussière et dissimule sa silhouette sous des châles miteux aux mailles détendues. Jinju plane devant elle et fait apparaître une mince barrière de Lumière pour repousser les coups de fouet des vents. Elle s'arrête au bord de la caldeira. La large cime d'Apollinaris Mons dispute à l'horizon la plus grande partie de son champ de vision. Des résonateurs intégrés à son masque Ne1ge personnalisé bourdonnent et dispersent la poussière de sa visière.
« Tu avais raison à propos de la tempête, Jinju. Elle ne semble pas vouloir s'en aller. » Sa voix crépite dans son respirateur.
Jinju gazouille de manière impertinente et se balance d'un côté à l'autre.
Ana ricane. « Où est donc passé ton sens de l'aventure ? »
Jinju concentre son iris sur la longue distance qu'elles ont parcourue, puis sur celle restant encore à parcourir, avant de revenir se poser sur Ana.
« Ouais. Ça n'avait pas l'air si loin vu d'en haut. » Elle déplace une cartouchière à poches au-dessus de sa tête. 18 Kelvins à sa hanche.
Ses yeux améliorés bougent et se concentrent sur l'installation à flanc de falaise de l'autre côté de la caldeira. BrayTech, un bâtiment solide et rigide. Un cénotaphe pour les descendants de sa lignée. Sa main vient se poser sur le loquet d'une poche de la cartouchière, extirpe une balise de localisation et l'allume. L'écran affiche un vert pâle, et un son rythmique émane d'un peu plus loin.
Pic de WARSAT intégré
Distance : 31 739 mètres
Rendement : 51 GWh
Compteur Geiger : (!) 67 µSv/an (!)
Activité biométrique : négatif
Lien réseau : négatif
Émission de signal : négatif
Horaire : 12 h 04
« Pas de membres de la Ruche, pas de Cabals. Ou ils manquent de ressources, ou nous sommes arrivées ici plus vite que je ne le pensais. » Ana change le filtre de son respirateur taché de soufre pour un nouveau.
Jinju piaule avec entrain face au manque d'ennemi. « Il était temps. »
« N'est-ce pas ? » Ana regarde à nouveau la balise. « C'est une grande puissance, quoi que vous soyez. »
Jinju émerge lentement de derrière l'épaule d'Ana et émet un duo de vrombissements sourds.
« La géothermie semble logique. » Elle hoche la tête en direction du centre de la caldeira.
Ana enregistre l'information dans sa mémoire avant de ranger la balise. « Bons résultats. Joli tir, Rouge. »
Un ton synesthétique projette une teinte orangée dans son casque en guise de réponse.
« Il n'y a pas de quoi. »
*** *** *** *** ***
Leur descente par le toit de l'entrée exposée du bâtiment est le chemin le plus accessible. La position du trio sur l'arche percée surplombe la caldeira, la chaussée de l'entrée des installations se trouvant largement en contrebas.
Jinju analyse un cylindre dépassant du toit corrodé. Le passage des ans a laissé des traces sur sa structure métallique. Ana s'agenouille à ses côtés. Elle gratte l'oxydation de la plaque rivetée du cylindre à l'aide du couteau logé dans sa botte.
Module crânien S-0319
Ana passe son gant sur le module cylindrique, enlevant la poussière et la crasse huileuse de sa carcasse métallique à la recherche d'une jointure. « Bonjour, module crânien S-0319. Heureuse de faire ta connaissance, petit sournois. »
Elle promène la lame de son couteau pour faire sauter la rouille et exposer le métal décoloré qui se trouve dessous. Combien de temps a-t-il fallu à la rouille pour faire perdre son lustre à l'acier ? Elle frotte sa paume en cercles sur la surface, étalant les cendres de plus en plus finement jusqu'à ce qu'elles se mélangent, comme un cirage nuageux. Ana expire, soulage la tension dans ses épaules, et continue à retirer des éclats. La lame du couteau trouve une prise dans le pli de la jointure du panneau d'accès. Ana envoie une impulsion de Lumière dans la lame, qui libère le panneau d'accès de ses verrous rouillés.
ACCÈS AUX
AGENT-LIGNE-ROUGE-1
SOUS-ENSEMBLE – PILORI N° 9
BRAYTECH™
NUMÉRO DE SÉRIE – 1012058112-CLVS-9
« Des panneaux auxiliaires. Pourquoi placer ça sur un système fermé… à l'extérieur ? »
Jinju incline sa coque sur le côté comme pour hausser les épaules. « Difficile à dire. »
« Rien dans les archives ? »
Jinju remue sa coque de gauche à droite : non.
Ana modifie sa posture. « Tu sais ce que c'est, Rouge ? »
Un ton discordant projette des expressions confuses qui s'effacent sur sa visière.
« Nous verrons si tu te souviens de quelque chose après t'avoir branché à l'unité centrale. » Ana observe le panneau modulaire exposé avant de replacer le cache. « Peut-être même quelque chose sur Atlas. » Des mots qui meurent dans la tempête. Atlas. Le journal mythique de Clovis Br… son grand-père. Le manque d'informations le concernant s'était révélé bien plus compliqué que prévu à surmonter. Mais la détermination d'Ana en sortait renforcée. Ici, elle trouverait des réponses.
Jinju gazouille et s'agite en direction du soleil couchant qui perce l'orée de la tempête. Le tonnerre résonne.
Ana se penche en arrière sur ses talons, laissant son élan la porter en position assise dans la poussière. Ses yeux suivent les tas rouillés dans le déversoir conquis. Un front rouge se déplace des nuages au-dessus vers l'extérieur, à des kilomètres d'ici, emportant pratiquement avec eux la pâle lumière de Sol. L'étoile est une ampoule chétive. Les quelques pétales de chaleur qui s'échappent se posent sur le visage d'Ana : du pollen tombé à la surface. Elle s'imprègne de cette vision, une pause momentanée.
La nuit tombe à l'horizon, et avec elle vient le froid des ténèbres.
Elle ne restera pas suffisamment longtemps pour y être exposée.
Ana observe la chaussée au-dessous. Une porte coupe-feu renforcée, rongée par la rouille, a été forcée. Jinju examine les cent mètres de distance et entame sa lente descente sans hésitation. Ana attrape une corde double de sa cartouchière et l'accroche à la surface rocheuse. Elle laisse son centre de gravité basculer et la faire tomber, ralentissant sa chute à l'aide de coussins de Lumière.
Ses pieds atteignent le sol, son Spectre à ses côtés. Elle accroche l'autre extrémité de la corde à la chaussée d'acier et y fixe une remontée automatique. Ana vérifie son fonctionnement et donne du mou à la corde.
Jinju se tourne vers Ana. L'iris croise les yeux.
« Tu penses que quelqu'un est à la maison ? » Ana avance la tête vers l'entrée.
Un ton aromatisé projette de la cannelle, et l'arôme balaie sa visière avec une douce plainte.
Jinju gazouille et hoche la tête en direction de quelque chose derrière elle.
À quelques pas de l'ouverture, un panneau se trouve à la vue :
CLOVIS – 9
Les yeux d'Ana se rétrécissent, remplis de ferveur et prêts pour l'aventure.
« Neuf ? Et moi qui pensais trouver tous les sites sur Mars. »
Fin
PATINE
CLOVIS – 9
CALDEIRA D'APOLLINARISLa porte qui a volé en éclats siffle. Des coups de vent débordent de la caldeira et sifflent par les trous irréguliers entre les fragments de plaques métalliques. La porte coupe-feu a été effeuillée. Les enjolivures de plastacier à haute densité ressemblent désormais à des pattes d'araignées mortes recroquevillées.
Ana se concentre sur les dégâts. « Cette porte. Elle a été construite comme une chambre forte. Quelque chose l'a perforée. »
Jinju analyse la porte, d'un bout à l'autre du cadre. « Il faut une sacrée puissance pour percer autant de plastacier. »
Décoloration due à la chaleur, usure par frottements et application vigoureuse sont imprimées sur la porte aux accents de coffre-fort. Des canaux semblables à des éclaboussures de peinture au néon balafrent la surface métallique, recouverts de veines de patine tirant sur le cuivre et le bleu-vert. Le dépôt est surtout concentré le long des bandes qui formaient autrefois le centre de la porte. Les bords, encore largement intacts, restent bombés et unis avec l'armature cintrée de l'encadrement.
Ana s'avance plus près de la porte et fait courir sa main sur l'acier. Elle donne un coup sur les résonateurs de sa visière afin de les faire taire. « Je n'avais pas remarqué cela de là-haut. Je pensais qu'elle était criblée de trous, mais regarde ces marques. »
Jinju flotte et vient s'installer au-dessus de la tête d'Ana. Son iris suit les motifs en spirale au centre des petits trous dentelés du métal. Ensemble, elles retracent les connexions qui s'échappent du centre de la porte, traçant des sillons symétriques de quelques micromètres de profondeur.
« Hmm… pas perforée donc. Plutôt enfoncée. » Jinju se concentre sur les fractures de stress du métal. Les dégâts ont été faits avec délicatesse, comme si quelqu'un avait scindé, tordu et lissé chaque protubérance avec une intention toute particulière.
Grâce à une griffe de Lumière, Ana gratte la corrosion et place un échantillon dans un réceptacle stérile, puis le range dans sa cartouchière.
Jinju gazouille. « Les dégâts datent d'avant l'éruption. Bien avant. Un miracle que tout ne soit pas recouvert. »
Ana hoche la tête. « Ces motifs ressemblent à des… longueurs d'onde ? Qu'est-ce que tu en penses, Rouge ? »
Des tons auréliens mielleux parcourent avec faste le casque d'Ana.
« Quelque chose de l'Âge d'or. En effet. » Ana se frotte la paume, l'air contemplatif. « L'analyse biométrique indique toujours que c'est vide. Quoi qui a fait ça, ce n'est plus ici. »
Jinju allume une lumière et la projette dans le trou de la porte. « Les Gardiens d'abord. »
Ana fait une grimace en direction de son Spectre. « Tu sais, normalement ce sont les laquais qui passent d'abord. »
« Exactement », gazouille Jinju.
Raspoutine émet un rythme violet resplendissant et autoritaire dans le casque d'Ana. Il continue, son vibrato orchestral lui remplissant les oreilles.
« Ha ha. Très drôle. » répond Ana sans la moindre trace d'amusement.
Elles entrent ensemble.
Ana prend la tête.
La lumière de Jinju mouchette les cendres qui entrent par la porte percée, mais rien d'autre ne bouge. Un petit atrium fonctionnel les encercle, et un monte-charge se trouve plus avant, encadré par deux grandes fenêtres. Des taches et de la crasse obstruent la vue sur le grand complexe qu'elles pourraient dévoiler. Un bureau de réception séparé remplit l'espace à leur droite, tandis que des casiers longent le mur gauche opposé ou jonchent le sol, traçant des cratères d'impact dans les cendres amassées. Au-dessus d'elles, replié dans le plafond, se trouve un grand bras gyroscopique qui s'éloigne de la porte. Les fissures dans la superstructure environnante racontent la violence d'un événement.La pièce n'est pas particulièrement haute, mais suffisamment pour accueillir l'encadrement de la porte d'entrée derrière elles. À partir du bras, le plafond descend rapidement jusqu'au sommet du mécanisme de levage. Des rangées d'ampoules fluorescentes, explosées ou grillées depuis des années, jonchent le sol et forment un champ d'éclats de verre qui transforme le rayon lumineux de Jinju en projections prismatiques sur les murs.
Ana regarde alentour et marche sur le verre pour se rendre jusqu'aux fenêtres. Sa visière émet des infrarouges alors qu'elle analyse la pièce. Aucune signature thermique.
« Je ne vois aucun point d'accès pour connecter Rouge. » Sa voix se brise dans une grande confusion.
Jinju vrombit et flotte près d'Ana, se décomposant en points de données de Lumière qui traversent les murs autour de l'ascenseur. L'éclairage de Jinju disparaît en même temps qu'elle. Les ténèbres accourent près d'Ana pour remplir l'espace laissé libre par l'absence de Jinju. Elles sont cependant bloquées par un épimysium de Lumière qui s'accroche à Ana telle une deuxième peau.
Elle attend dans le noir. Une pause.
Le temps est malléable dans le noir.
Ana pose sa main sur la vitre et se penche. Elle semble ferme, froide et résistante à la pression. Ana rapproche ses doigts, laissant des traces dans la suie accumulée. Son poing se referme et polit un cercle propre dans la crasse.
Un bruit sec se fait entendre au-dessus de sa tête et du verre tombe sur son casque. Ana baisse la tête par réflexe.
Les quelques ampoules fluorescentes encore intactes débordent d'électricité. Certaines explosent dans un flash de cendres et d'étincelles, mais il en reste suffisamment pour éclairer faiblement la pièce. À travers le hublot fraîchement nettoyé de la fenêtre, des lumières scintillent dans une étendue noire liquide avant de se transformer en vagues de surf psychédélique sur d'immenses champs infinis de câblage. Ana approche son visage de la vitre.
L'ascenseur s'ébroue.
Une petite interface de revêtement prend vie au sommet de la séparation basaltique entre l'ascenseur et la vitre, ce qui attire
l'attention d'Ana.Jinju se reforme, se balançant d'un petit rythme satisfait alors qu'elle se déplace dans les airs. Son rayon lumineux extrait la vie des ténèbres. « Raspoutine ne peut pas tout faire, tu sais. »
Une teinte pourpre crache du venin sur la visière d'Ana.
« Beau travail, Jinju. Rouge, du calme. »
Le trio monte dans l'ascenseur.
Celui-ci descend.
CAPACITÉ MAXIMUM : 14 515 kg
L'ascenseur s'enfonce en diagonale. De l'autre côté, une signalétique peinte au pochoir apporte une certaine familiarité.
>>> CLOVIS – 9 >>>
À l'origine, le nom « Bray » était indissociable de Clovis, du moins aussi loin que quelqu'un veuille bien vérifier. Les murs des puits, bien que ternis par le manteau de cendres, avaient préservé son héritage sous forme de lettres peintes au pochoir, visibles à travers le grillage à poule entourant l'ascenseur.
Ana laisse échapper un sifflement. « Rasssspoutine. Ça, c'est toi tout craché. »
Un silence interdit lui répond, signe d'une méconnaissance intimidante.
>>> CONFINEMENT DU PILORI / MAINTENANCE >>>
Des tuyaux hydrauliques grognent alors que le monte-charge passe du puits en pierre à un belvédère aux murs de verre.
Ana s'avance, suivie de près par Jinju. Les deux regardent à travers les liens rouillés vers des mangroves monolithiques de câblages et de noyaux de données, plongés dans un réservoir océanique. Du liquide de refroidissement va et vient au rythme d'une respiration entre des masses de câbles saphir. Une surtension psychotrope parcourt des arcs électriques hétéroclites qui se déplacent entre les tours telles des impulsions synaptiques.
La teinte se déverse sur le verre et plonge dans l'iris et les yeux, apportant de la couleur à un faible éclairage d'urgence. Ana se faufile entre les battements fiévreux des courtes respirations qui se déversent sur la cabine de l'ascenseur. Elle pourrait rester là à observer jusqu'à la fin des temps. Si le temps voulait bien attendre, cela pourrait suffire.
Rythme, fugacité, frénésie. La beauté
détenue.
Quelque chose clignote sur sa visière :
(!) HYPOXÉMIE : sur batterie 77 % (!)
Elle oublie ce sentiment, retrouve ses esprits. Inspire. Net.
Ana tourne la tête vers Jinju, les yeux toujours rivés sur la vitre.
« Ce sont des serveurs ? Des archives ? » Un enthousiasme sous-jacent pointe dans sa voix. Atlas s'était toujours matérialisé dans son esprit sous la forme d'un journal ou d'un sous-ensemble de dossiers cachés… mais ça, si c'était ce à quoi elle pensait… Après toutes ces années, des pépites souterraines avaient encore les moyens de la surprendre.
Jinju analyse leur champ de vision. « Ils sont protégés. » Elle s'affaisse un peu sous le poids de sa déception. « C'est étrange qu'ils aient fait tourner des serveurs sur une source de puissance de secours, si c'est bien de ça dont il s'agit. Je n'ai pu rallumer que le disjoncteur auxiliaire de l'atrium. »
>>> ACCÈSS À L'UNITÉ CENTRALE >>>
« Au moins, nous allons dans la bonne direction. »
Des cliquetis et des sifflements se répercutent dans le puits à mesure que l'ascenseur s'arrête.
Les portes coulissent sur des rails en parfait état et vont se loger dans des alcôves creusées dans les murs. Un réseau de maintenance alimenté par une dizaine de trappes de service et d'amas de lignes en fibre optique se déploie, et donne accès aux systèmes nerveux du bâtiment répartis dans des tunnels.
Droit devant, une inscription sur une porte est visible :
UNITÉ CENTRALE DU PILORI
PARANGONLa visière d'Ana balaie la pièce et relève l'ouverture inactive d'un réseau intégrée dans un enchevêtrement de tunnels sous leurs pieds.
« Jinju, tu penses pouvoir nous faire entrer à travers ça ? »
Un rire vrombissant s'échappe de la coque de Jinju. « Le courant sera bientôt rétabli. »
Ana s'approche de la porte de l'unité centrale, le halo de Lumière de Jinju disparaît derrière elle. Ce n'est pas une porte coupe-feu, mais elle est bien plus résistante que n'importe laquelle des trappes de maintenance autour d'elle. Ana tourne le dos à la porte et inspecte à nouveau la pièce.
Un picotement acide teinté de cuivre surgit d'une tempe à l'autre sur sa visière. Des irrégularités à la surface du sol dénotent des ricochets balistiques. Des impacts ont éjecté des morceaux de pierre fondue et créé de petites dépressions sur la totalité de la surface. Un mitraillage d'éclats brillants autour de chaque point désigné par Raspoutine montre trois concentrations de tirs principales.
« Il y a eu une fusillade ici. Il semblerait que tout était dirigé dans la même direction. Beau travail, Rouge. »
Une satisfaction satinée flotte sur la peau d'Ana et se dissout tel du parfum.
Jinju réapparaît, fière d'elle.
« Puissance auxiliaire en attente. Stations de puissance principales, vingt-deux en tout, actuellement remises en route. Complète opérabilité du système d'ici une à deux minutes. »
« Qu'est-ce que je ferais sans toi ? »
« Eh bien, tu mourrais une fois, et ce serait terminé. »
Ana remue la tête et tente de réfréner un sourire.
Raspoutine reste silencieux.
Le trio se place devant la porte à mesure que l'activation des disjoncteurs envoie un courant tonitruant dans tout le complexe.
Ana défait la lanière du holster qui enserre 18 Kelvins.
Des bandes de lumière crépitent et illuminent les coins et les sillons, dessinant les contours du sol et du plafond. Les lueurs éclairent les ornières de la fusillade derrière elles.
Ana tend le poing vers Jinju.
Cette dernière le frappe de sa coque.
Ana tapote ses articulations contre son casque en guise de réponse rythmique.
Elle hoche la tête. « Reste derrière moi. »
Une lentille clignote au-dessus de l'encadrement de la porte. Elle les balaie d'une lumière rouge, se concentre sur le badge d'Ana Bray et s'éteint. Quelques instants plus tard, une enceinte décrépite baragouine une plainte synthétique en guise d'autorisation. Des verrous à piston se rétractent dans des fourreaux graissés au silicone, et la porte d'accès disparaît dans le plafond.
Des corps.
Un éclairage vacillant permet de distinguer trois formes enchevêtrées et en lambeaux. Elles gisent immobiles dans des nappes de liquide iridescent. Des gouttes visqueuses s'accrochent à des brins de tissu telles des tiges élimées plongées dans l'huile. Inertes. Éteintes.
« Des Exos. » La solennité de Jinju transparaît dans la cadence de ses mouvements alors qu'elle balaie la pièce. « Des réparations pourraient être… »
« Pour s'en débarrasser à nouveau ? Non. » Ana entre à son tour et se penche sur l'un d'eux, évitant avec soin la flaque d'huile. « Laissons-les ainsi… en plus, ils ne vont pas s'en aller. »
Entre les corps se trouve un instrument lisse, conçu pour le déploiement de personnel et entouré de mèches de filigrane aux gravures calligraphiées. Le noyau de l'instrument relie plusieurs tambours à disque en platine implantés dans sa structure. Il ressemble aux résonateurs du casque d'Ana, mais se termine par une trémie coronale de diamants artificiels.
« Voilà ce qu'ils ont utilisé pour ouvrir la porte d'entrée. » Jinju évalue les dégâts structurels de l'instrument. Les déformations de l'engin brisé n'enlèvent rien à la beauté de l'Âge d'or. « Il a subi de nombreux coups. Il est totalement inutile en l'état. Mais il peut être réparé. »
Jinju s'incline vers l'engin tandis qu'Ana approche du corps d'un Exo. « Dois-je téléporter ça à la maison ? »
« Ouais… » répond-elle machinalement.
Ana s'agenouille. Le balayage de sa visière met en lumière les impacts de balle, les ruptures et les problèmes mécaniques, mais ses yeux ne voient que l'emblème BrayTech sur l'uniforme. Ana s'empare d'un badge au fermoir rouillé à la ceinture de l'Exo.
0220-17
PROJET ÉCHO
AUTORISATION PARANGON
« C'est comme ça qu'ils ont accédé à l'ascenseur… et ont passé la porte. C'était il y a combien de temps ? »
Le courant afflue. Une bande lumineuse bourdonne alors que l'électricité parcourt la pièce. Une enceinte de verre épaisse creusée dans le mur le plus éloigné s'illumine. Au-delà de la séparation de verre se trouve une série de consoles sur lesquelles se déroulent des procédures de lancement automatique.
Jinju analyse un Exo. « Ils sont bien préservés ici, c'est difficile à dire. Je vais prendre des échantillons. »
Une voix synthétique, hachée par des parasites, retentit dans la pièce.
« Vérification de sécurité… »
Jinju et Ana se regardent.
Ana lève les mains en haussant les épaules et dit : Je ne sais pas !?
Le regard de Jinju s'intensifie et prend l'allure d'un regard furieux, lui transmettant pratiquement un message télépathique : essaie quelque chose !
« Bray, Anastasia. Code de vérif… »
Une lumière les balaie.
« Entité anormale détectée…
Esprit dévoyé détecté… »
Deux armes à répétition gaussiennes apparaissent et alignent des solutions de tir. Ana attrape Jinju de sa main directrice et la lance en arrière, faisant apparaître une grenade à essaim dans sa main gauche. Elle se jette sur le côté alors que les canons magnétiques ouvrent le feu et lance la grenade dans la direction opposée. Elle explose en une nuée qui volette vers les tourelles. Les armes à répétition se verrouillent sur les signatures thermiques solaires et visent cette distraction.
Elle aligne 18 Kelvins sur la tourelle de gauche, tirant une balle électrifiée après l'autre dans le canon qui émet des étincelles. Son arme est brûlante, surchauffée par les munitions cryo-électriques à noyau de Lumière solaire. Le métal de l'ossature mouvante de la tourelle fond. L'arme cliquette. Une dernière balle brise le canon magnétique et scinde la culasse rotative, envoyant des éclats dans toute la salle.
L'essaim de la grenade étant éclairci, la seconde arme pivote et se verrouille sur Ana. Elle esquive un premier tir et tourne, profitant de la force centrifuge pour abattre un couteau solaire sur la tourelle, l'ouvrant en deux. Un fluide enflammé se répand sur le sol au moment où le couteau explose.
Le feu remplit désormais le rôle d'un luminaire.
« Évidemment, ces trucs-là fonctionnent encore ! » Ana pivote sur son talon. « Jinju ? »
Des protocoles d'extinction se mettent en action, arrosant la flamme huileuse à l'aide d'une mousse au bicarbonate.
« Toujours en vie ! » Jinju réapparaît de derrière un Exo et examine la tourelle criblée de balles. « Tu n'as encore jamais déclenché un protocole de sécurité. »
Ana frotte le badge Écho dans sa main avant de le ranger. « Je ne crois pas que ce soit le cas. » Elle s'approche du mur le plus éloigné.
« Qu'est-ce que ça voulait dire "esprit dévoyé" ? » Jinju se presse vers les épaules d'Ana, restant partiellement couverte, et frappe son casque à l'aide de la Lumière. « Est-ce que quelqu'un là-dedans le sait ? »
Des tremblements couleur jade sont projetés sur la visière d'Ana tel un thé caféiné, avant de muer en nœuds rouge sang dans sa poitrine.
« Obtenons des réponses. »
Ana passe la carte Écho dans une fente lumineuse du verre. Des bips d'approbation se font entendre et un bruit de verrou métallique s'échappe de l'épaisse porte blindée. Elle la pousse pour entrer dans la pièce. Jinju l'observe depuis son épaule et la voit entrer son identifiant sur la console.
CLOVIS – 9
>ACCÈS PILORI
>LIEN ÉCHO (!) : DEMANDE EN ATTENTE
>CONTOURNEMENT DU RÉSEAU DE L'ESPRIT TUTÉLAIRE
Ana fixe l'interface de la console. « Qu'es-tu ? »
« Pas Atlas. » L'abattement de Jinju résonne dans la salle vitrée.
Ana jette un coup d'œil à son Spectre sur son épaule avant de sélectionner « Contournement du réseau de l'Esprit tutélaire ». « Non, mais ce système semble avoir des entrées partout. »
Elle parcourt une liste de réseaux clandestins, d'installations de production et de stations Pilori connectées.
« Ce n'est pas Atlas, mais c'est un début. Il y a onze autres stations comme celle-ci. Il existe tout un sous-réseau de défense entièrement déconnecté de l'Esprit tutélaire. » Ana recule d'un pas.
« Pourquoi ? » Jinju volette en cercle autour de l'écran.
« Pourquoi ? C'est la bonne question. » Ana replonge dans le terminal.
Les installations listées se trouvent dans tout le système : la Terre, la lune, Europe, des astéroïdes qui font désormais partie de la Côte… Mars, évidemment. Et même jusqu'à Uranus. Cette station orbitale retient son attention. ÉCHO. Elle retourne au menu précédent.
« Lien Écho. L'une de ces stations a une demande en attente. »
Une odeur métallique s'empare du casque d'Ana. Les faibles tons d'étain pâle sont frénétiques et irréguliers.
« Pilori n'est pas un mot très engageant. » Quelques mouvements rapides plus tard, le trio observe le menu Accès Pilori :
>PROTOCOLE LIGNE ROUGE – Test de Pilori
Statut : [Prêt]
>PROTOCOLE LIGNE ROUGE – Initialisation de Pilori
Autorisation : [P-7s]
>PROTOCOLE LIGNE ROUGE – Purge de Pilori
Statut : [Aucune cible]
>PROTOCOLE LIGNE ROUGE – APERÇU PROCÉDURAL
Sélection : [Vers. 1.072]
« Ça ne fait pas de mal de lire le mode d'emploi. » Ana choisit l'aperçu procédural. Son regard balaie l'écran de chargement.
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Dans le cas d'un incident PROTOCOLE LIGNE ROUGE :
Réseau du système Pilori [membres de niveau PARANGON] : CLOVIS – 1 - 12.POINT D'ACCÈS : CLOVIS – 9
- En cas d'échec catastrophique, de dégénérescence neuronale ou de perte du confinement, ci-après collectivement nommés « événement [ESPRIT DÉVOYÉ] », initialisation de [DIVISION CÉRÉBRALE DE L'ESPRIT TUTÉLAIRE] et [INTÉGRATION DE LA QUARANTAINE] dans douze stations CLOVIS du [RÉSEAU-CHEMIN NEURONAL].
- PROTOCOLE LIGNE ROUGE :
- Vérification [PURGE] pour [Aucune cible].
- Système paramétré sur [Verrouillé] en cas d'utilisation
- Système paramétré sur [Aucune cible] en cas d'attente
- Feu : Test de Pilori
- Doit afficher [Prêt]
- Feu : Initialisation de Pilori
- ATTENTION : Initialisation uniquement en cas d'incident [ESPRIT DÉVOYÉ].
- Lien automatique : [ÉVENTUALITÉ ÉCHO]
- Feu : Projet [ÉCHO], automatisé
- Coupure connexion [LIEN ÉCHO] pour [PROTOCOLE DE QUARANTINE LIGNE ROUGE] en cas d'incident [ESPRIT DÉVOYÉ].
- Directives de résolution d'échec interne :
- Résolution de problèmes…
- Schéma du réseau…
- Réseau-chemin neuronal…
- Échec de confinement…
- Maintenance de la station…
- Clovis 1-12
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Jinju agite sa coque d'un côté à l'autre du sommet de l'écran de la console. « Tu veux que j'aille à l'intérieur ? »
« Ouais. Télécharge tout. Trouve comment connecter Raspoutine et lui donner le contrôle de la station. »
« Ah ? »
Une sensation de relaxation à la senteur lavande remplace les nœuds d'inquiétude aigres qui s'accumulaient dans la combinaison d'Ana.
« Rouge. Si quelqu'un doit démonter ton cerveau, ce doit être toi. »
« Ça a l'air… juste », acquiesce Jinju.
Ana se penche sur la console. « Toutes ces connexions sont des intégrations réseau à sens unique venant de systèmes fermés. Nous allons devoir procéder manuellement sur chacun des sites.
« Oh… » La voix de Jinju devient numérique alors qu'elle laisse la place à un amas de Lumière et entre dans la console.
« Mais d'abord… » Ana retourne au menu principal et sélectionne la demande en attente du « Lien Écho ».
LIEN ÉCHO
STATUT DE LA STATION CAELUS, URANUS
(!) MÉCANISME DE DÉTRESSE MANUEL (!)
LANCEMENT-1 ENGAGÉ, MANUEL – ÉCHEC
BAIE 1 : COMPROMISE | BAIE 2 : INERTE
(!) ÉCHEC DE COMPENSATION (!)
(!) DÉCLIN ORBITAL – 42j12m07s (!)
Le décompte du déclin orbital diminue.
« Pas de temps à perdre. Une fois que Rouge a son accès, nous avons une station à sauver. »
Fin
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