Là où Microsoft occupe l’espace médiatique en ce qui concerne la next-gen, Sony se fait plus discret. Mais pourquoi ? Stratégie, peur, retard ? Faisons le point.
Cette année devrait voir l’arrivée d’une nouvelle génération de consoles avec la Xbox Series X et la PlayStation 5. Les fans sont impatients de découvrir de quoi ces nouvelles machines seront capables, et nous avons déjà eu un premier aperçu des jeux attendus sur les prochaines consoles grâce à un Xbox Inside.
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La sortie des consoles se rapproche, et nous assistons à deux stratégies de communication bien différentes. D’un côté, Microsoft communique sur la Xbox Series X depuis près d’un an maintenant. Le constructeur a d’abord teasé la console lors de l’E3 2019, en la présentant sous le nom de code Project Scarlett, puis a surpris tout le monde en donnant un premier aperçu de la machine lors des Game Awards, tout en officialisant son nom. Depuis, le géant américain a communiqué à différentes reprises : photos de la console et de la manette, aperçu technique, fonctionnalités, rétrocompatibilité, exclusivités, cartes mémoire, etc. La communication est régulière, et va s’intensifier dans les prochaines semaines avec des rendez-vous mensuels.
De l’autre côté, Sony est beaucoup plus discret. Les premières informations ont circulé en avril 2019, à l’occasion d’une interview de Mark Cerny accordée à Wired. C’est ce même média qui a eu l’occasion d’interviewer Mark Cerny, toujours lui, et Jim Ryan quelques mois plus tard pour nous donner quelques informations supplémentaires, dont le nom de la console et la période de sortie. Depuis, nous avons eu droit au logo, à la présentation technique de la console, originellement prévue pour la GDC, et à un premier aperçu de la manette. Pas beaucoup plus d’informations et, selon les dernières rumeurs, nous devrions patienter quelques semaines de plus, possiblement jusqu’au 4 juin, pour en apprendre davantage.
Nous avons donc d’un côté une communication soutenue de Microsoft qui, s’il n’a pas vraiment dégainé le premier, n’hésite pas à prendre les devants et à fournir des informations régulièrement, face à une stratégie plus discrète de Sony. Les joueurs s’interrogent donc sur ce « mutisme » du géant japonais face à son homologue américain, qui occupe l’espace médiatique. Faisons le point sur les possibilités et les rumeurs qui pourraient expliquer ce silence.
La console serait en retard
C’est une théorie sans réel fondement, mais qui mérite d’être analysée. Sony ne communiquerait pas sur la PlayStation 5, car cette dernière ne sortirait pas en 2020, mais plutôt en 2021. Plusieurs théories pourraient expliquer un tel scénario :
- Problèmes de production liés au COVID-19 : le virus a durement touché la Chine et a mis à mal plusieurs chaines de production. Il se pourrait donc que, faute de moyens de production suffisants, Sony soit contraint de retarder le lancement. Un analyste estimait en février qu’un retard des consoles next-gen serait inévitable, mais Sony s’était montré rassurant sur ce point fin mars.
- Disponibilité des pièces : une rumeur datant de février faisait état de la difficulté pour Sony à se procurer un stock suffisant de mémoire Flash NAND et de DRAM (mémoire vive dynamique). Ces pièces sont très recherchées, d’où la difficulté de s’en procurer assez, et à bon prix. Un stock insuffisant de ces pièces pourrait, éventuellement, causer un retard, ou un lancement en quantités limitées.
- Calendrier chamboulé pour les sorties de jeux : si la console arrive à temps, qu’en est-il des jeux ? Les studios à travers le monde sont contraints au télétravail, un mode de fonctionnement qui pourrait retarder les sorties. En effet, outre l’organisation parfois compliquée que cela implique, il y a aussi toute une série de choses rendues impossibles : la motion-capture, l’enregistrement des voix, etc. Si les jeux prévus pour la fin d’année ne devraient pas être trop impactés, étant à un stade avancé du développement, les productions attendues en 2021 voire en 2022 pourraient pâtir de la situation actuelle, entraînant possiblement des trous dans le calendrier des sorties. Phil Spencer faisait un constat similaire pour la Xbox Series X. De fait, dans l’absolu, reporter la console pour resserrer le calendrier pourrait, dans une certaine mesure, être envisageable, mais il serait étonnant que Sony se lance seul dans une telle entreprise et laisse le champ libre à Microsoft.
- Problèmes de hardware : début avril, une rumeur voulait que la PS5 connaisse des problèmes de surchauffe obligeant Sony à revoir le design de sa console. Le timing d’apparition de la rumeur peut paraître suspect. Un tel problème prend plusieurs semaines (mois ?) à être détecté et identifié. Il faut vérifier avec toute une série de tests. Or, trois semaines avant l’apparition de la rumeur, Mark Cerny, dans sa présentation, a mis en avant le système de refroidissement et de gestion de la chaleur de la PlayStation 5. S’il y avait un problème de surchauffe, il aurait été connu à ce moment-là, et il serait étonnant que l’architecte principal de la console mette en avant un élément connu comme problématique. Il n’est pas impossible, dans l’absolu, qu’un problème hardware soit détecté et entraîne un retard, mais le problème de surchauffe évoqué par les rumeurs est plutôt improbable point de vue timing.
- Pallier la différence de puissance avec la Xbox Series X : nous connaissons désormais les caractéristiques techniques des deux consoles, et si une donnée retient l’attention dans les débats, c’est la puissance de calcul, à l’avantage de la Series X (12 Téraflops contre 10,3). Certaines théories voudraient que Sony cherche à pallier à cette différence, quitte à retarder la console. Cette hypothèse est toutefois très peu probable, car elle supposerait un changement d’architecture qui obligerait tous les développeurs, internes comme partenaires, à réadapter leur travail à une nouvelle mouture. Par ailleurs, si certains reconnaissent une différence de puissance, ils se montrent généralement bien plus enthousiastes par les autres apports de la nouvelle génération, surtout les SSD, reléguant presque la puissance de calcul au second plan.
- La console n’est pas prête : c’est une synthèse des raisons évoquées ci-dessus. Et si la PlayStation 5 n’était tout simplement pas prête ? Cela paraîtrait tout simplement invraisemblable, à quelques mois à peine de la sortie, alors que le développement court depuis des années et que de nombreux développeurs travaillent sur des jeux.
Campagne perturbée par le COVID-19
La pandémie fait rage, les gens sont confinés chez eux, les salons sont annulés. Le contexte est inédit, et il est indéniable qu’il a une répercussion sur les plans de communication de Sony, comme de Microsoft. Si le géant japonais espérait organiser une grande conférence et convier la presse à tester la console pour avoir un impact maximum, c’est raté. Si la firme comptait présenter la PS5 à différents évènements publics durant l’été, de nouveau, l’idée risque de tomber à l’eau. Toute la stratégie est donc à revoir.
PS4 et PS5, bis repetita ?
Certains s’étonnent de voir un mutisme de la part de Sony, mais qu’en était-il au niveau de la PS4, à la même époque ? À peu de choses près, les situations sont assez similaires. En effet, en 2013, Sony avait présenté la PlayStation 4 en février lors d’une conférence… Sans montrer la console, mais uniquement sa manette et 3 jeux (Killzone: Shadow Fall, inFamous: Second Son et Knack). Le focus avait été mis sur quelques nouveautés, comme le bouton Share, le Remote Play, etc. Ce n’est qu’en juin, lors de l’E3, que nous avons découvert le design final de la console, son prix et quelques-uns de ses jeux.
La situation n’est pas si différente aujourd’hui, si ce n’est que nous n’avons pas encore vu de titre first-party. Certains jeux third-party ont déjà été confirmés sur la console, comme Assassin’s Creed Valhalla récemment, mais aussi Lords of the Fallen 2, Outriders, mais aussi Godfall, parmi d’autres.
Il n’y a donc pas vraiment de raison de se dire que Sony est en retard dans sa communication étant donné qu’il est quasiment au même stade qu’il y a 7 ans pour la PS4. C’est plutôt Microsoft qui a pris de l’avance.
Des surprises à venir ?
Nous serions loin de tout savoir sur la PlayStation 5. Peu après la présentation de Mark Cerny, Jason Schreier a ainsi déclaré que, selon quelques-unes de ses sources, la PS5 serait bien supérieure à la Xbox Series X malgré la différence de Téraflops, et que plusieurs personnes ne comprenaient pas pourquoi Sony ne communiquait pas sur les fonctionnalités qui pourraient faire la différence. Plus récemment, Matt Hargett, ancien Principal Software Engineer de la PS5, affirmait qu’il nous restait plein de choses à découvrir, que tous les secrets de la console n’avaient pas leaké.
Dans cette véritable partie de poker, Sony pourrait donc laisser Microsoft jouer ses cartes avant de dévoiler tout son jeu et frapper un grand coup.
S'adapter à la stratégie de Microsoft
Si la console est, à priori, finalisée, la stratégie de vente ne l'est peut-être pas encore. Quid du prix ? De la date de sortie ? Une partie du succès de la PS4 est due à son prix de vente (100 € moins cher que la Xbox One) à sa sortie, en plus d'une mise à disposition quasi simultanée (la console de Sony est sortie une semaine avant celle de Microsoft en Amérique du Nord, une semaine plus tard en Europe), là où la PS3 est arrivée un an après la Xbox 360 dans nos rayons, à un prix bien supérieur.
Parmi tous les éléments qui rentrent en compte dans ces décisions (capacités et coûts de production, état d'avancement du développement des jeux, calendrier et fêtes de fin d'année), il y a aussi une volonté de bien se positionner face à la concurrence. Il ne serait donc pas impensable que Sony attende de voir la position de Microsoft par rapport au lancement de la Xbox Series X pour potentiellement s'adapter.
Une campagne courte, mais intense ?
Si la rumeur s’avère et que Sony présente la console début juin, et en tablant sur une sortie en novembre, cela donnerait une campagne de communication resserrée sur 5 mois, contre presque un an chez Microsoft. Il y aura donc, de facto, un plus gros condensé d’informations pour la PlayStation 5, là où Microsoft aura déjà distillé pas mal d’informations depuis les Games Awards 2019. La firme américaine aura donc occupé l’espace médiatique le plus longtemps, mais Sony pourrait le faire de manière plus forte, plus intense. Une stratégie utilisée notamment dans l’univers des smartphones, dans lequel les appareils sont présentés très peu de temps avant leur sortie afin de créer et maintenir une certaine hype.
L’art de se faire attendre et désirer
Sony prend peu la parole, mais la moindre information suscite un intérêt réel. La preuve en est avec le logo officiel, qui a généré plus de réactions sur Instagram que le design de la Series X, s'offrant même un record au passage. La société japonaise sait que ses interventions sont attendues avec intérêt, et peut jouer avec cette attente pour créer plus d’impact à chaque intervention. Attention toutefois, une telle stratégie pourrait, si elle est trop utilisée, lasser les joueurs.
Ne pas se faire de l’ombre
La PS4 va accueillir, dans les prochaines semaines, deux titres ô combien attendus : The Last of Us Part II et Ghost of Tsushima. Présenter la PlayStation 5 trop tôt, c’était peut-être prendre le risque de faire de l’ombre à ces productions. Aussi il ne serait pas impensable que Sony retarde la présentation de la console afin de laisser une couverture médiatique à ses deux exclusivités. À noter que, s’il est difficile de se prononcer pour le jeu de Sucker Punch, le titre de Naughty Dog devait initialement voir le jour en février, son report pourrait donc avoir eu des conséquences également sur la stratégie marketing.
Vous l’aurez compris, ce ne sont ici que des rumeurs et théories plus ou moins plausibles. La sortie approche, les informations se font rares, il est normal que les joueurs s’interrogent, d’autant plus que le silence du géant japonais peut être frustrant face à Microsoft qui n’hésite pas à occuper l’espace médiatique. Si un retard, comme expliqué ci-dessus, n’est pas totalement à exclure, il paraît peu probable qu’il justifie l’absence de communication. Les similitudes avec la campagne de communication de la PS4 sont relativement élevées pour s’imaginer que, hormis quelques imprévus liés au COVID-19 ou au report de certains jeux, la communication n’est pas trop éloignée de ce qu’elle aurait dû être en temps normal à ce jour.
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