We. The Revolution : We. The Revolution propose de plonger dans l’après-Révolution française, pour y incarner un juge qui a du pain sur la planche. Un titre pas comme les autres, qui mérite le détour.
Bonnet blanc, blanc bonnet, bonnet phrygien
La Révolution française, tout le monde connaît, à moins d’avoir séché prodigieusement les cours d’histoire au collège et au lycée. Pour rappel, cet évènement majeur de l’histoire de France s’est déroulé en 1789, a vu beaucoup de sang couler et de têtes tomber au sein de la monarchie et chez les aristocrates de l’époque. Mais malgré les mutations du pays, et la naissance de la République française, les Révolutionnaires n’ont pas fait sombrer la justice dans le chaos, et les tribunaux révolutionnaires étaient bel et bien d’actualité.
Les choix ne sont pas sans conséquence.
C’est dans ce contexte que se place We. The Revolution, littéralement « Nous, la Révolution » : le joueur y incarne Alexis Fidèle, un juge en charge de gérer d’épineuses affaires, qui n’ont bien souvent rien de manichéen. Au joueur, donc, d’interroger l’accusé, l’accusation et les éventuels témoins, de démêler le vrai du faux, et de poser un verdict, qui peut aller de la libération pure et simple de l’accusé, à sa mise à mort immédiate, en public, qui plus est. Mais c’est loin d’être la seule activité de Fidèle dans le jeu.
Avant toute chose, il est important de préciser un point qui fait largement le sel du jeu : les procès n’ont pas de « bonne réponse ». La conclusion n’est pas évidente et elle ne dépend que du joueur/juge, qui est totalement libre de sa décision. Il est tout à fait possible de jouer à l’instinct, en son âme et conscience, en considérant les dilemmes moraux associés à chaque cas : un game over n’arrivera pas pour un mauvais verdict.
En revanche, là où la décision se doit d’être tout de même réfléchie, c’est qu’elle a un impact sur l’entourage et l’environnement du juge Fidèle, que ce soit les jurés, le peuple, les Révolutionnaires, les aristocrates et même la famille du magistrat. Chaque procès permet de gagner des points auprès de ces groupes, mais également d’en perdre, ce qui peut entraîner d’important malus, et même la destitution du juge, voire pire encore... Cela amène des dilemmes nombreux, dans lesquels se faire aimer du peuple peut entraîner le mépris familial, et vice-versa.
À ce stade, We. The Revolution bascule dans la microgestion sur différents aspects : le soir, chez vous, vous pouvez choisir entre vous divertir en famille, continuer de travailler ou vous investir de différentes manières dans la Révolution et, là encore, les choix ne sont pas sans conséquence. Par ailleurs, avant chaque exécution, et même parfois à d’autres moments, vous avez la possibilité de faire un discours à destination de la foule pour tenter de gagner en popularité. Mais attention, car l’échafaud vous guette presque à chaque instant, et l’erreur de trop peut très vite arriver...
Petit traité de manipulation
Pour peu que vous preniez du plaisir à décortiquer les procès-verbaux de jugements et les ficelles des intrigues politiques, We. The Revolution devient très rapidement addictif. Il l’est d’autant plus lorsque les mécaniques fourbes se révèlent et que le joueur comprend qu’il peut aisément manipuler son monde, aussi bien au cœur de la cour qu’en dehors. Car en tant que juge, le joueur a bel et bien le dernier mot : s’il est impératif d’enquêter suffisamment pour débloquer un maximum de questions à poser durant le procès, rien ne vous empêche d’éluder soigneusement certains points, pour rendre l’accusé plus ou moins coupable, et ainsi vous attirer les faveurs des « factions » qui vous intéressent.
We. The Revolution devient très rapidement addictif.
Clairement, le juge Fidèle est un homme tourmenté, comme le montrent les nombreuses cinématiques qui entrecoupent les séquences de jeu. Que ce soit durant les procès ou en dehors, lorsqu’il s’agit de placer ses pions sur la carte de la ville de Paris pour mieux gérer les dissidences, le magistrat a plus d’un tour dans son sac, et la stratégie est de mise pour continuer à avancer durant cette période trouble de l’histoire de France.
We. The Revolution parvient à captiver grâce à un gameplay très riche et varié, qui ne se limite pas au tribunal. Une grande partie du sel du jeu s’avère être la possibilité de participer à la fondation d’un renouveau de l’histoire de France, tout en tirant les ficelles dans l’ombre. Au final, il ne tient qu’au joueur de servir sa patrie en bon révolutionnaire, de contribuer à mettre Paris à feu et à sang, ou bien encore de protéger sa famille en la faisant passer avant toute autre chose. Il n’est pas certain que vos choix vous servent vraiment au final, mais, contrairement à la vraie vie, rien ne vous empêche de charger une sauvegarde quand vous pensez être allé trop loin.
Néanmoins, pour une première partie, il s’avère vraiment intéressant de se laisser guider à l’instinct, pour découvrir ce que le jeu nous réserve. La rejouabilité est importante, chaque nouvelle partie permettant de changer de stratégie, ou bien de rectifier des erreurs trop vite gravées dans le marbre…
La seule critique que l’on peut réellement émettre, c’est que le jeu, à force de multiplier les différents camps et les enjeux, a tendance à un peu perdre le joueur en fin de partie. Il est impossible de plaire à tout le monde, et parfois il semble tout de même nécessaire de le faire, pour que le juge Fidèle ne perde pas, lui aussi, sa tête. Heureusement, la possibilité de recharger une sauvegarde à tout moment permet de rectifier le tir, même si ce n’est pas forcément très satisfaisant.
Un jeu qui tombe à point nommé
Esthétiquement, le travail réalisé par Polyslash est remarquable. Le jeu a un petit côté Light Novel évident et favorise les images fixes légèrement animées pour poser ses actions. Les cinématiques sont de toute beauté et affichent un contraste bien géré entre le côté lumineux de l’image, et le scénario qui s’assombrit progressivement.
Les cinématiques sont de toute beauté.
Si les voix sont toutes en anglais, les textes, eux, peuvent être configurés en français intégral (il est possible que vous deviez reconfigurer ce point à chaque redémarrage du jeu, néanmoins, car un bug semble présent), et la localisation est impeccable. La bande-son est quant à elle relativement discrète, mais distille le nécessaire au bon moment pour contribuer à construire l’ambiance, si particulière, de We. The Revolution.
Enfin, au détour du jugement d’un ancien conseiller du roi ou d’une décision à prendre en matière de sécurité, difficile de ne pas penser au contexte actuel en France. Lorsque, au bout de quelques dizaines de minutes de jeu, le titre nous demande de choisir entre autoriser les soldats à tirer sur la foule en colère ou ne pas agir, il y a de quoi rire jaune. Polyslash n’aurait sans doute pas pu choisir un meilleur moment pour sortir son jeu, même si le timing n’a assurément pas été choisi en ce sens.
We. The Revolution est un jeu passionnant pour bien des raisons. Intelligemment construit, aussi bien au niveau des mécaniques de jeu que de son scénario, le jeu de Polyslash nous mène de procès en conflit politique avec un certain brio, tout en offrant une vraie liberté d’action, malgré une difficulté franchement élevée en fin de partie. Si vous avez aimé Paper Please, Beholder et tous ces jeux qui jouent délicieusement avec la morale, We. The Revolution est assurément un titre à côté duquel il ne faut pas passer.
- Une direction artistique impeccable
- Un gameplay beaucoup plus varié qu’il n’y parait
- Un jeu qui gagne sans arrêt en profondeur
- Une durée de vie honorable, avec une grande rejouabilité
- Des tutoriaux pas toujours explicites
- Beaucoup de jauges et marqueurs à prendre en compte
- Énormément de textes à lire
- Pas de voix françaises, dommage vu le sujet du jeu