Valorant : Les créateurs de League of Legends lancent officiellement leur nouveau jeu de tir, qui peine encore à convaincre totalement.
Project A évolue en Valorant
Pendant près de 10 ans, Riot Games n'était connu que pour League of Legends, un MOBA free-to-play ultra populaire, aussi bien chez les joueurs casuals que sur la scène professionnelle eSport. Le studio a quand même décidé de se diversifier avec l'auto battler Teamfight Tactics et le jeu de cartes Legends of Runeterra, prenant place dans l'univers de LoL, mais avec Valorant, Riot Games nous propose un jeu de tir à la première personne axé vers la compétition totalement inédit... mais quand même très inspiré de Counter-Strike. Vaut-il le détour ?
Riot Games ne réinvente pas la roue, il se contente de reprendre les codes de CS.
Commençons par le début, Valorant est donc un FPS opposant deux équipes de cinq joueurs, avec une équipe d'Attaquants devant poser une bombe, surnommée le Spike (aucun rapport avec le blondinet dans Buffy contre les Vampires), tandis que les Défenseurs doivent empêcher son explosion, en tuant tous les adversaires avant que le Spike ne soit posé, soit en le désamorçant. Les joueurs ont à leurs dispositions plusieurs types d'armes, et de l'armure, à acheter contre de l'argent, qui est lui gagné en tuant des adversaires, en jouant l'objectif et en remportant la manche. Les perdants touchent quand même un peu de cash pour rebondir. La partie se déroule en 25 manches, ou rounds, au maximum, la première équipe arrivant à 13 manches gagnées remporte la victoire, les équipes changent de camp (Attaque ou Défense) après 12 rounds. Si vous avez déjà vu une partie de Counter-Strike, vous savez de quoi il est question ici, Riot Games ne réinvente pas la roue, il se contente de reprendre les codes de CS, qui ont fait leurs preuves depuis plus de 20 ans.
Là où Valorant apporte un peu d'originalité, c'est au travers des Agents, des personnages jouables disposants de capacités uniques, à acheter comme les armes, et d'une capacité ultime à débloquer en tuant des ennemis, capable de renverser une manche. Ces 11 Agents sont assez variés, nous avons par exemple Hanzo Sova l'archer capable de révéler les ennemis avec une flèche sonique, Sage pouvant soigner ses alliés, Omen se déplaçant rapidement dans l'ombre, Phoenix capable de lancer des boules de feu, Raze et sa grenade explosive et incendiaire, Cypher et sa caméra de surveillance ou encore Breach, capable de désorienter les ennemis quelques secondes. Si ces personnages font inévitablement penser à Overwatch, ils n'ont finalement rien à voir avec le jeu de Blizzard, il faudrait plutôt les comparer aux Agents de Rainbow Six Siege, dans le sens où les pouvoirs sont certes pratiques, mais pas forcément là pour assurer la victoire dans un duel. Non, Valorant est un jeu qui mise tout sur le skill, et malgré ces pouvoirs impressionnants, il suffit d'une ou deux balles dans la tête pour éliminer un ennemi, les duels sont souvent très courts, le time to kill est donc très faible, tout est une question de réflexes, d'anticipation, de prise de lignes et de positions, et de talent.
Pas question de foncer dans le tas, Valorant est un jeu lent, tactique, qui demande de la patience et du sang-froid, de maîtriser la dispersion des balles, et il n'est vraiment pas fait pour tout le monde. Vous voulez lancer une partie (qui dure environ 30-40 minutes) pour vous détendre le soir ? Oubliez ça, dans Valorant, il faut try hard, jouer sérieusement sans répit et se donner à 200 %, sans quoi vous passerez plus de temps à regarder vos coéquipiers poursuivre la manche qu'à jouer vous-même. Par ailleurs, si certains Agents disposent de pouvoirs bien jouissifs et utiles, d'autres sont surtout là en tant que supports et donc moins funs à jouer, mais il faut surtout compter sur des invocations de pouvoirs très lentes, ils sont vraiment là pour le côté tactique, et en face à face, c'est inimaginable de lancer une capacité pour tenter de remporter le duel.
Les artistes dorment
Valorant est voué à évoluer au fil des années, en accueillant de nouveaux Agents, mais aussi de nouvelles cartes, car pour le moment, il n'y en a que quatre proposées dans le jeu. C'est peu, mais Riot Games a voulu se concentrer sur la qualité, créer des maps iconiques, facilement reconnaissables et complètes.
Valorant n'arrive pas à se démarquer par sa direction artistique, très classique.
Il faut bien reconnaître qu'elles sont plutôt bien pensées, avec des particularités uniques, comme des téléporteurs sur Bind, des portes se fermant pour bloquer des zones sur Ascent, un troisième point de bombe sur Haven et une architecture très verticale sur Split. Sauf que quatre cartes, c'est peu, le joueur a vite fait le tour, mais le level design reste intéressant, il y a de nombreuses possibilités d'approche, difficile de tenir une zone tant les ouvertures sont nombreuses, impossible évidemment de camper sur une position, car même si Valorant est un jeu lent (comprenez par là qu'il est tactique et punitif), il faut savoir réagir, comme en se rendant sur un autre point lorsque le Spike est posé, en courant couteau à la main (c'est plus rapide) ou en vérifiant les angles en marchant, pour réduire le bruit.
Riot Games a d'ailleurs plutôt bien travaillé la partie sonore de Valorant, notamment les armes, qui font toutes un bruit très distinctif, permettant de les reconnaître à la première balle tirée. C'est bien pratique lors de duels un peu compliqués, car si vous êtes armé d'un Spectre (fusil pas cher et silencieux, pas pratique à longue portée) et que vous entendez un Operator au loin (un sniper qui peut one shot un joueur sans bouclier d'une balle dans le torse), il vaut mieux fuir et trouver un autre chemin plutôt que de tenter le duel, qui se soldera sans doute par une mort de votre côté. Marcher permet donc de réduire les bruits de pas, car sinon, les Agents sont bruyants, et il est facile de les entendre arriver à plusieurs mètres, pas bien pratique pour garder l'effet de surprise. Le concept est bon, il est repris de Counter-Strike, mais en l'état, la spatialisation sonore est parfois assez brouillonne dans Valorant, il n'est pas rare de ne pas savoir exactement d'où vient le bruit (et donc l'ennemi), seulement une vague idée de l'endroit, à gauche ou à droite par exemple. Pour un jeu de tir qui se veut aussi précis et exigeant en termes de skill et de réactivité, c'est quand même dommage, il y a encore du travail à peaufiner concernant l'audio.
Techniquement parlant, Valorant tient la route, Riot Games a voulu optimiser son FPS pour qu'il soit jouable sur un maximum de PC, et c'est plutôt réussi, même s'il vaut mieux éviter d'avoir une trop vieille machine, ou un ordinateur pensé pour la bureautique. Avec les réglages graphiques au minimum, le titre n'avait pas un framerate à 60 fps constant sur notre Acer Swift 3 (Ryzen 5 3500U, Vega 8, 8 Go de RAM), ce qui est quand même dommage. Pourtant, le jeu ne semble pas être très demandeur en ressources, les graphismes sont très épurés, les décors ne sont pas très détaillés, Riot Games a opté pour un style visuel un peu cartoonesque et coloré qui vieillira très bien au fil des années, comme League of Legends. Blizzard avait fait de même pour Overwatch, mais malheureusement, Valorant n'arrive pas à se démarquer par sa direction artistique, très classique. Les 11 Agents sont très inégaux, certains sont vraiment charismatiques, mais d'autres semblent tout droit sortis d'un jeu mobile asiatique, les cartes n'ont aucun cachet ou des éléments qui attirent l'œil, tout a été pensé pour prioriser le gameplay, mais une direction artistique plus léchée n'aurait pas été du luxe pour faire rêver les joueurs. À l'heure actuelle, Valorant n'a pas vraiment de lore, nous avons vu Phoenix et Jett s'affronter dans une ville suspendue au lancement du jeu, Riot Games a sans doute des ambitions sur le long terme, mais pour le moment, Valorant est très plat.
Jeu free-to-play oblige, Riot Games propose évidemment des microtransactions dans Valorant, et il n'y a pas grand-chose à redire, car elles sont purement cosmétiques. Les joueurs peuvent débloquer, en gagnant de l'expérience ou en achetant le Battle Pass Premium, des skins d'armes, des graffitis, des porte-clés à accrocher aux armes, des cartes de joueur et des Radianite Points, ces derniers servant à améliorer les skins d'armes avec des animations spéciales très jolies. Tout est cosmétique, et pourtant, le joueur n'a pas la possibilité de sélectionner tous les Agents dès le début. Rassurez-vous, la carte bleue peut être rangée, il faut en fait passer les 10 premiers niveaux pour débloquer deux Agents supplémentaires, ce qui se fait très vite (en 2 à 3 heures environ). Pour les autres, il faut activer des contrats pour obtenir des éléments cosmétiques sur 10 paliers, le cinquième débloquant l'Agent en question. Pour le coup, c'est bien plus long, il faut donc choisir son contrat avec attention, un petit tour dans le mode Entraînement pour découvrir leurs pouvoirs avant de les débloquer ne fait pas de mal.
Un environnement toxique, mais sans lien avec Viper
Car oui, Valorant propose plusieurs autres modes de jeux outre les parties non classées classiques, à commencer par un mode Entraînement, qui est en fait le tutoriel, mais amélioré. Le joueur peut ainsi incarner l'Agent qu'il veut, pas besoin de l'avoir débloqué, puis parcourir un petit niveau pour se familiariser avec la visée, les pouvoirs ainsi que la pose ou le désamorçage du Spike.
Question toxicité, Riot Games a encore du chemin à faire.
C'est également l'endroit idéal pour explorer les menus du jeu, notamment l'onglet permettant de personnaliser son réticule. Il est blanc de base, et bouge en fonction des mouvements du joueur, ce qui n'est pas idéal pour tout le monde, les joueurs peuvent créer le pointeur adapté à leurs habitudes facilement, une option bienvenue. Malheureusement, les parties classées ne sont plus actives (nous y reviendrons plus bas), mais Riot Games a rajouté dans cette version 1.0 un mode Spike Rush, bien plus nerveux que celui de base. Le but est le même, poser ou désamorcer le Spike, mais les joueurs débutent chaque round avec tous leurs pouvoirs, les capacités ultimes se chargent plus vite, l'arme équipée change à chaque manche et les orbes donne des buffs, comme une amélioration des dégâts, de la vitesse, ou même une meilleure arme. S'il y a bien une chose qui est propre à Valorant, ce sont bien ces orbes, qui servent normalement à gagner un point de capacité ultime lorsqu'ils sont récoltés, mais placés à des endroits découverts, il est risqué de s'y attarder sans avoir vérifié tous les angles. Pour en revenir au mode Spike Rush, il est un peu moins tactique que le classique, il n'y a aucune économie de l'argent, évidemment pas de rounds d'éco, et la première équipe arrivant à quatre manches gagnées remporte la partie, qui dure donc bien moins longtemps. Pour le coup, c'est un mode de jeu bien moins frustrant et plus propice à être joué pour s'amuser sans se prendre la tête, contrairement aux parties non classées.
Eh oui, même dans le mode non classé, le try hard est total, car Riot Games n'a pas rajouté les parties classées dans cette version 1.0, ce qui est fort dommage, pour tout un tas de choses. La plupart des joueurs se retrouvent donc dans le mode de base, et l'équilibrage est totalement absent, il n'est pas rare de se retrouver dans une équipe de bas niveau et d'affronter cinq autres joueurs bien plus expérimentés... Au moins, la partie ne dure pas longtemps, mais ce genre d'expérience est particulièrement frustrante et ne donne pas vraiment envie de continuer à jouer, car la courbe de progression est pour l'instant très faible. Impossible d'apprendre de ses erreurs sans kill cam par exemple, et de toute façon, prendre un duel contre un adversaire qui a 15 ans d'expérience sur Counter-Strike n'aide en rien, c'est le headshot et le joueur de bas niveau passe davantage de temps à regarder ses coéquipiers qu'à jouer.
Outre ce problème d'équilibrage, les joueurs un peu énervés se retrouvent tous dans le mode non classé, et question toxicité, Riot Games a encore du chemin à faire. Au lancement du jeu, la première fois, un encadré est affiché, rappelant les règles de bonne conduite. C'est bien mignon, mais une fois en partie, c'est le festival aux pseudonymes douteux et aux insultes, que ce soit via le chat vocal ou textuel. Au bout de quelques minutes, le joueur lambda lâche l'affaire, désactive le chat vocal et mute les autres joueurs en début de chaque partie, ce n'est clairement pas la bonne solution pour jouer à Valorant, qui se veut être un jeu en équipe, mais tant que les parties classées n'auront pas évacué ces rageux, il faut se contenter de ça. Le jeu étant free-to-play, Riot Games aura bien du mal à bannir définitivement les joueurs toxiques de Valorant, qui a déjà la même communauté insultante que League of Legends et Overwatch...
Valorant est donc un jeu un peu spécial, dans le sens où il est clair que Riot Games compte faire de son FPS compétitif un titre qui sera présent sur la scène professionnelle pendant de longues années, comme League of Legends, mais pour le moment, il est compliqué d'imaginer comment ce défi sera relevé. La direction artistique n'est vraiment pas à la hauteur, les Agents manquent de charisme contrairement aux Champions de LoL, les cartes sont sans saveurs, l'absence de parties classées va décourager de nombreux néophytes qui se retrouvent avec des try hardeurs en mode non classé, et le titre a pas mal de petits défauts, comme l'impossibilité de déverrouiller un Agent sélectionné en début de partie. Certes, les mises à jour vont s'enchaîner pour améliorer l'expérience de jeu au fil des semaines, des mois et des années, mais pour l'instant, Valorant reste un FPS vraiment trop similaire à Counter-Strike, avec des pouvoirs sympathiques, mais qui n'arrivent pas à révolutionner le gameplay. Le studio sait faire des jeux à succès, il l'a montré avec League of Legends, mais avec Valorant, il a encore tout à prouver.
Valorant est disponible en free-to-play exclusivement sur PC.
- Des mécaniques de jeu solides...
- Le level design vraiment intéressant
- Tout est pensé pour mettre le gameplay au centre du jeu...
- Le mode Spike Rush amusant...
- Armes et pouvoirs globalement bien équilibrés
- Modèle économique bien adapté
- ... mais très inspirées de Counter-Strike
- ... mais seulement quatre cartes
- ... au détriment de l'originalité artistique
- ... car sinon, ce n'est que du try hard
- Communauté déjà toxique
- Équilibrage frustrant sans les parties classées
- Spatialisation sonore à améliorer
Clint008 Rédacteur - Testeur |