Supermassive Games conclut la Saison 1 de The Dark Pictures avec une aventure autour de tueurs en série. Une fin incontournable avant le passage à la Saison 2 ?
The Dark Pictures : Saison 1, Épisode 4
La série The Dark Pictures nous en a déjà fait voir de toutes les couleurs avec Man of Medan, Little Hope et House of Ashes. Elle vient cependant approcher des codes horrifiques plus traditionnels avec The Devil in Me, qui mettra notre bande de héros jouables face à un mystérieux tueur en série, qui les a invités sur une île abritant un hôtel/musée inspiré de H. H. Holmes, un serial killer du XIXe siècle qui a bel et bien existé. De quoi nous passionner pour une nouvelle aventure sous tension ?
En fouillant un peu, ce semblant de réalisme est gâché par de nombreux défauts.
Sur le fond, The Devil in Me ressemble beaucoup à ce que proposaient ses prédécesseurs. 5 personnages jouables en alternance, des choix de dialogue binaires définissant des possibilités d'action ou de relation pour la suite, des QTE simplistes, des phases d'exploration avec des indices et documents à trouver... Tout y est, avec les petites améliorations des récents épisodes et de nouvelles sympathiques.
Il y a d'abord des déplacements plus dynamiques, avec des éléments à bouger pour ouvrir des espaces ou gagner en hauteur, des rebords à grimper ou des vides à sauter... Soit des choses qui auraient dû être là depuis bien longtemps et qui mériteraient d'être moins rigides que les mécaniques d'un Tomb Raider des années 2000. Et il y a également un système d'inventaire, pour utiliser facilement sa lampe-torche, mieux garder un œil sur les objets importants qui vont nous servir ou manier un appareil photo dont nous ne sommes pas certains d'avoir encore compris le fonctionnement ni l'intérêt. Rien de révolutionnaire en somme, là où nous aurions simplement aimé des interactions plus vivantes, des déplacements moins archaïques et une caméra moins capricieuse.
La technique est également dans la lignée de ce que nous connaissons. Le rendu graphique est très correct en apparence, grâce à une bonne modélisation des visages et des textures détaillées. Mais en fouillant un peu, ce semblant de réalisme est gâché par de nombreux défauts, des décors sombres, statiques, peu variés et sans cachet, aux personnages qui ont souvent des animations corporelles inhumaines ou des poses faciales étranges, la bouche semi-ouverte, qui nous rappellent régulièrement que nous n'avons affaire qu'à un jeu vidéo. Ne crachons pas dans la soupe, le titre reste techniquement poussé et ces soucis se font oublier dans le flot de l'aventure, mais il n'arrive pas à atteindre le photoréalisme totalement immersif qu'il cherche depuis des années.
La mort au bout des doigts
Tout cela reste néanmoins secondaire par rapport au scénario et à l'ambiance de The Devil in Me, expérience narrative avant tout. Réussit-elle à passionner pour faire oublier ses quelques défauts techniques et son gameplay simpliste, voire archaïque ? Nous sommes mitigés à ce sujet. Oui, le titre se joue bien et sa durée de vie de 6 heures le rend assez court et condensé pour ne pas perdre en intérêt. Il y a assez de secrets et de tension pour nous tenir en haleine, mais nous regretterons que les informations principales aidant à la compréhension de l'identité et la personnalité du tueur soient quasi exclusivement disséminées dans des documents et archives à trouver, et pas dans l'expérience jouable. Si vous évitez sciemment tous les indices, ce qui est techniquement possible, mais pas intéressant, vous aurez principalement droit à de la survie dans un manoir piégé, face à un tueur qui ne restera pas dans les annales. Ainsi, passées les premières rencontres sous tension et la découverte de ses méthodes violentes, difficile de continuer à avoir peur face à cette menace certes inquiétante et omniprésente, dont la lenteur et le mutisme peinent à le rendre effrayant, et finissent d'ailleurs par le décrédibiliser, si ce n'est avec quelques jumpscare gratuits.
Une histoire de tueur en série assez traditionnelle, sans coup d'éclat narratif ou horrifique.
Le mystère va ainsi se désépaissir progressivement au fil de nos lectures et écoutes, mais il n'y a à notre goût pas assez de fausses pistes, de rebondissements ou de twists pour relancer la narration, qui faiblit au fil des chapitres au profit de l'action. Et il faudra passer sur le fait que d'aussi nombreux indices soient savamment éparpillés n'importe où dans le manoir, ou que nos héros ne semblent parfois pas si intéressés que ça par la nature du drame qui est en train de leur arriver (ou par l'idée de contre-attaquer). Ils ne sont au passage pas plus mémorables que le méchant, malheureusement, car une fois passée l'installation de leurs personnalités et relations, il n'y a que peu d'occasions de faire évoluer leurs liens ou de s'attacher davantage à eux, même si certains parcours laissent forcément la place à plus de scènes qui vont dans ce sens.
Et, oui, le système d'embranchements narratifs basés sur nos choix de dialogues et d'action ainsi que nos découvertes d'informations et d'objets est encore là, et il est toujours aussi intéressant. Il n'est peut-être pas aussi diversifié qu'auparavant, le cadre plus cartésien de l'histoire laissant place à moins de possibilités, mais il permet encore de se dresser une aventure personnalisée en fonction de nos décisions, nos envies et les morts que nous aurons volontairement ou involontairement causées. Il sera difficile de faire les bons choix dès sa première partie, car il est impossible de prévoir que certaines petites décisions pourront entraîner telles conséquences, ou même de réussir tous les QTE, parfois déstabilisants. Il est encore possible de sauver tout ou partie de la bande, et surtout de vivre des passages totalement différents pour une meilleure compréhension de l'histoire et des personnages, de quoi inciter les joueurs à relancer une partie avec des approches différentes. Et si, comme nous, vous n'avez pas assez accroché pour relancer le jeu, visionner des compilations de morts et de fin secrètes sur YouTube fait désormais presque partie de l'expérience The Dark Pictures.
Passons enfin rapidement sur la partie sonore : le sound design est très réussi, avec notamment de petits bruits qui ont souvent réussi à nous faire sursauter, la bande-son est efficace, mais se fait oublier, et le doublage anglais est de qualité, même si pas toujours en accord avec les expressions faciales des personnages. Notez que nous avons commencé la partie en français avant de changer la langue de notre console, la faute à des comédiens de doublage qui nous ont paru en désaccord avec leur rôle, une désynchronisation labiale dérangeante et surtout un manque de spatialisation qui donnait l'impression d'écouter une bande audio séparée.
Vous l'aurez compris, pour nous, The Dark Pictures: The Devil in Me ne restera pas notre meilleur souvenir de la série. Après une lente montée en puissance sur les trois premiers volets, celui-ci stagne sur la technique, en proposant une histoire de tueur en série assez traditionnelle, sans coup d'éclat narratif ou horrifique. Sa mise en scène léchée et son rythme dynamique suffisent à maintenir l'attention et la tension, sans pour autant pleinement captiver ou surprendre au fil d'un récit qui perd en intensité face à ses révélations assez classiques. Tout bon feuilleton a des épisodes moins réussis, c'est peut-être le cas pour celui-ci, mais si vous aimez la franchise, il n'y a pas non plus de raison de passer à côté, surtout si vous aimez les aventures narratives basées sur les choix aux rouages bien huilés. Maintenant que la Saison 1 est terminée, espérons que la Saison 2 soit moins inégale.
The Dark Pictures: The Devil in Me est disponible à partir de 39,99 € sur Amazon.fr.
- Un film d'horreur interactif aux embranchements fluides
- La mise en scène dramatique et captivante
- Techniquement propre en surface
- Les personnages oubliables
- Un scénario prenant, mais pas original ni surprenant
- Quelques animations étranges, problèmes de caméra, déplacements rigides...