C'est avec une totale liberté de penser prismatique, que nous nous sommes plongé dans ce nouveau jeu d'horreur réminiscent.
Tout bien que tu détiens est un souci qui te retient…
Lors de l'annonce du label d'édition Prime Matter l'an dernier, nous apprenions que le jeune studio canadien Brass Token développait un certain The Chant, un survival-horror à la troisième personne mêlant horreur psychologique et action. 3 novembre 2022, le jeu vient de sortir et nous avons eu l'occasion de le parcourir sur PS5, bien curieux de voir s'il saurait nous faire frémir. Pour être tout à fait honnête, le début de l'aventure manette en mains nous a laissé quelque peu sceptique, nous faisant craindre une douloureuse Agony, avant que les éléments donnant toute sa force au titre ne nous fassent finalement bien accrocher. Pour autant, tout n'est pas si rose sur l'Île de la Gloire, même si le prisme des couleurs est partie prenante de l'expérience.
L'envie de connaître le fin mot de l'histoire est présente jusqu'au bout.
À la suite d'une introduction prenant place dans les années 70 et qui sert surtout à étoffer le lore, nous découvrons donc Jess Briars faisant son footing et qui va tout à coup être assaillie d'une vision macabre liée à son passé. Ni une ni deux, elle téléphone à son amie Kim pour lui dire qu'elle accepte sa proposition de retraite spirituelle sur une île, avant que nous la retrouvions la scène suivante sur une petite embarcation la débarquant sur cette dernière. L'enchaînement est assez brusque et donne hélas le ton d'une bonne partie des transitions auxquelles nous avons ensuite eu affaire, les cinématiques et le gameplay manquant un peu de liant, coupés dans leur élan, sans parler des légers temps de chargement pouvant survenir entre, un comble pour un jeu sortant uniquement sur la nouvelle génération de consoles en plus des PC.
Bref, sitôt le pied mis à terre que nous comprenons rapidement que la retraite de cette chère Kim cache en réalité une secte New Age basée sur la science prismatique et dirigée par un gourou barbu du nom de Tyler. Bon, à priori, rien de bien méchant en apparence avec une séance de méditation sous l'effet d'un thé aux champignons et d'un chant rituel à la tombée de la nuit... mais ça va évidemment mal tourner, l'énergie négative des convives créant alors une connexion avec une autre dimension baptisée l'Obscurité. Pour que tout revienne à la normale, il suffit apparemment de retenter le rituel en présence des six membres de ce groupe, qui possèdent chacun un prisme particulier, Jess incluse. Le hic, Kim a disparu et nous partons alors la retrouver. Nous ne détaillerons pas plus la trame, mais sachez que la structure narrative est assez répétitive sur la forme, avec chaque chapitre centré sur l'un des personnages à partir du deuxième, sachant qu'il n'y en a que 6 au total et que tout prend place le temps d'une nuit. Certaines ficelles scénaristiques sont un peu grosses, sans toutefois nuire à l'ensemble, l'envie de connaître le fin mot de l'histoire étant présente jusqu'au bout.
Ce canevas permet de développer à tour de rôle cette petite communauté, chacun ayant son trauma, bien exploité par la secte, à commencer par Jess qui en bave tout du long, à tel point qu'il est étonnant qu'elle ne craque pas face à certaines horreurs. Ses mésaventures se traduisent visuellement par son apparence, l'habit blanc des adeptes qu'elle porte étant bien vite en piteux état, sans parler de l'hémoglobine témoignant des accrochages musclés avec la « faune » locale. Et justement, les créatures de l'Obscurité se nourrissent de la peur, ce qui a un impact direct sur le gameplay, nous y reviendrons. À l'inverse, nos actions et de rares choix de réponses déterminent de quelle manière s'achèvera l'aventure. Bon, rien de trop poussé, car seul l'épilogue est impacté et ce de trois manières différentes. À la suite de notre première partie, nous avons ainsi obtenu la fin Mental, très brusque et limite incompréhensible. Celle pour la Santé nous apparaît comme la plus « normale », tandis que la dernière liée à la Spiritualité est bien délirante, n'ayant pas vraiment de sens à nos yeux.
Sauf une fois au chalet...
Malgré une certaine rigidité dans les déplacements et animations de Jess, le gameplay de The Chant est savamment dosé et rappelle indubitablement celui des Resident Evil. Le camp de la secte fait ainsi office de hub où nous revenons à la suite de chaque chapitre et d'où partent les différents chemins reliant les destinations de l'île que nous explorons tour à tour. Globalement, les itinéraires sont assez linéaires, surtout au départ, avec toutefois quelques embranchements où dénicher des ressources utiles ou en apprendre plus sur le lore. Cet aspect très dirigiste s'estompe quelque peu par la suite lorsque les zones commencent à s'interconnecter. En effet, la progression suit notre obtention des différents prismes, chacun permettant d'entrer dans les poches d'Obscurité de la couleur associée, qui se sont superposées avec notre monde. Des portes classiques en bois peuvent être barricadées, certaines nécessitent la bonne clé, tandis que d'autres font partie des « œuvres d'art » locales, arborant des symboles géométriques. Pour les ouvrir, il faut donc d'abord dénicher les bons morceaux à imbriquer entre eux pour reproduire ladite forme. Notez toutefois qu'un même objet peut ouvrir plusieurs passages différents, mais nous ne voyons pas Jess le reprendre dans le dernier exemple cité, source d'une possible confusion.
Le gameplay de The Chant est savamment dosé.
Pour les assembler, cela passe par l'inventaire, qui n'est pas limité en nombre de places, avec un aperçu où nous pouvons faire pivoter l'item, mais sans que cela ait réellement une utilité, seules les notes ayant parfois du texte au dos. Nous sommes donc comme à la maison à devoir chercher la bonne pièce pour progresser, qui n'est jamais bien loin, fouillant tout ce qui peut l'être. La faible luminosité n'aide évidemment pas, heureusement qu'une lampe de poche est acquise au bout d'un moment, suivant notre regard et s'allumant automatiquement dans la pénombre. Quelques énigmes bien pensées nous sont aussi proposées, en lien avec l'intrigue. Et si vous n'êtes pas encore convaincus par l'exploration, sachez qu'un système de déplacement rapide transcendantal se débloque au bout d'un moment, permettant de revenir aisément dans certains coins de l'île si jamais vous y avez oublié des ressources utiles ou qu'il vous manque des collectibles.
Ces escapades clairement non désirées nous confrontent donc à des créatures lovecraftiennes issues de l'Obscurité, qui n'apparaissent donc que dans les zones précédemment évoquées, où la tension est palpable, surtout quand elles peuvent nous tuer en un coup. Mandacœurs, gros crapauds Pipa Pipa avec leurs pustules toxiques, Adeptes de la secte corrompus portant des masques de béliers, d'ours, de cerfs et chevaux ou encore une étrange entité très collante sous forme d'une nuée d'insectes... le bestiaire est assez varié par rapport à la durée de vie et nous est présenté avec des documents dans l'environnement juste avant la première rencontre avec chaque espèce, à croire que Jess était attendue. En plus d'eux, plusieurs combats de boss nous mettent à l'épreuve tout du long, celui de fin étant visuellement le plus fou du lot en termes d'horreur. Si nous avons choisi de nous mesurer à presque toutes ces monstruosités, vous pouvez aussi décider de tout simplement vous enfuir, mais l'exploration s'en trouve tout de suite compliquée quand il faut sans cesse surveiller ses arrières. Dans tous les cas, la touche d'esquive est la plus précieuse des alliées ! Nous pouvons également pousser un ennemi et surtout faire appel à des armes de fortune et des pouvoirs surnaturels.
Une roue des armes (c'est à la mode) permet donc de crafter et s'équiper d'un Bâton de sauge ou de sorcière, ainsi que d'un Fouet incandescent pour des attaques au corps à corps avec des coups faibles et forts, mais la différence est peu perceptible, surtout que tout est lié à R2. Cela coule de source, si nous sommes en mesure de les crafter, c'est que leur utilisation est limitée à un certain nombre d'utilisations avant qu'ils ne se brisent, ce ne serait pas amusant le cas contraire. De l'Huile essentielle, du Sel et du Pétrole peuvent aussi être lancés avec R1 pour provoquer certains effets. Ces deux types d'équipement ont plus ou moins d'efficacité selon les créatures en face de nous, se répartissant entre Feu, Sacré et Occulte. Là encore, il faut vraiment être pointilleux pour savoir quoi utiliser dans une situation donnée. Dans la panique et l'agitation du combat, n'importe quelle solution fait l'affaire ! Nous évoquions plus haut les différentes fins liées à trois paramètres particuliers, le Mental, la Santé et la Spiritualité. Le premier est essentiel, vital même, car si notre jauge est à sec lorsque nous restons trop longtemps dans l'Obscurité ou qu'un ennemi instille la peur en nous à l'aide d'une attaque mentale pouvant heureusement être parée, Jess plonge aussitôt dans un état de panique et ne peut plus combattre. Il faut alors s'enfuir jusqu'à être à l'abri. Pour en regagner, nous devons alors consommer de la Lavande ou méditer, cette action baissant la jauge de Spiritualité qui se remplit surtout avec des Champesprits. Quant à la vie, elle se regagne en avalant du Gingembre. La gestion des ressources est donc primordiale, surtout qu'il n'est pas possible d'en porter autant que nous le souhaitons. Le jeu est tout de même fort généreux de ce côté.
Manger ces ingrédients octroie en plus de l'XP pour un arbre de compétences sous forme de prisme, avec pas moins de 12 améliorations à débloquer ainsi, avant de les augmenter à l'aide de rares Cristaux prismatiques selon trois paliers chacun. Esquive, résistance aux dégâts ou encore effets de la made in Taiwan méditation. Même la récupération des collectibles donne de l'expérience de Mental. Enfin, la roue des prismes sert à utiliser la capacité de chacune de ces pierres, pour un total de six, comme ralentir le temps ou faire surgir des pics au sol. Il n'est toutefois pas possible de spammer ces pouvoirs, car chaque utilisation consomme la jauge de Spiritualité. Vous l'aurez sans doute compris, chaque action doit tout de même être pesée pour ne pas se retrouver en mauvaise posture sans rien ensuite.
Le chant du cygne ?
Visuellement, vous n'allez pas prendre de claque avec The Chant, contrairement aux coups de poing bien violents de certains Adeptes... Peu importe, la direction artistique reste qualitative avec une certaine diversité dans les environnements. Relevons tout de même quelques animations faciales qui prêtent à sourire, mais rien de bien méchant. En revanche, il est dommage qu'au sein d'un même chapitre il puisse y avoir un écran de chargement en passant de l'extérieur à un intérieur, ce qui nous a surpris. C'est d'ailleurs juste après le passage en question que nous avons subi un bug d'interaction pour achever l'ennemi, appuyer sur Croix comme indiqué ne faisant rien. Il nous a fallu mourir plusieurs fois avant que cela passe, et ce sans rien changer de notre côté.
The Chant a su nous captiver.
Question localisation, un doublage français est proposé, plutôt qualitatif et que nous vous conseillons pour être concentré sur l'action plutôt que les sous-titres, qui sont assez riquiqui et sans option d'accessibilité supplémentaire pour les grossir. Si comme nous vous appréciez la série Charmed originelle, vous reconnaîtrez d'ailleurs la voix d'Arnaud Arbessier en visionnant les bobines de Monroe Anton, tandis que c'est Anne Tilloy qui est derrière Jess. La bande-son se fait elle assez discrète et ne vous restera pas en tête bien longtemps, le seul élément que nous avons relevé étant un petit air de guitare sous une pluie battante. Le sound design joue de son côté parfaitement son rôle pour faire monter la pression, par exemple lorsque nous récupérons un objet important et que nous entendons alors les bruits d'un ennemi approchant, ce qui n'est jamais bon signe. L'aspect horrifique qui s'en dégage dépendra évidemment de chacun, un ou deux jump scares inopinés ayant tout de même réussi à nous avoir, qu'ils soient volontaires ou non.
Pour venir une première fois à bout de The Chant, nous avons mis un peu plus de 9 heures (temps indiqué dans un menu qui nous a rappelé ceux des vieux GTA avec pas mal de statistiques de jeu), sans compter les multiples essais sur certains segments qui nous ont posé un peu de fil à retordre malgré le choix de la difficulté Adeptus (équilibré), les deux autres étant Néophyte (histoire) et Maître (difficile). Avec toutes les bobines et 96 % des notes trouvées, nous avons bien fouillé les environnements traversés. Le jeu peut se finir bien plus vite, surtout en sachant quoi faire, un Trophée/Succès demandant même d'effectuer un speedrun en moins de 4 heures, bon courage. Avec les différentes fins et collectibles, ceux qui le souhaitent peuvent donc prolonger le plaisir un moment, bien que cela ne rajoute pas grand-chose de plus. En revanche, il est dommage qu'il n'y ait aucun mode New Game+ ou de possibilité de sélectionner un chapitre déjà achevé, quitte à ce que la progression soit ramenée à son état antérieur comme le fait si bien A Plague Tale: Requiem.
Pour un premier jeu, Brass Token s'en sort très bien en ayant adapté à sa sauce les codes des titres de survie actuels avec un gameplay efficace et des inspirations des pionniers du genre qui font plaisir, le tout avec une dimension horrifique qui mériterait sans doute d'être encore plus creusée à l'avenir. Loin d'être une retraite spirituelle tranquille, l'intrigue de The Chant a su nous captiver avec son univers tournant autour de la prismologie, tandis que son ambiance a instillé en nous quelques frissons, mais a surtout fait grimper notre pouls lorsque l'action était tendue. Si vous avez été convaincus, vous savez désormais quoi faire : plonger dans l'Obscurité !
Vous pouvez vous procurer The Chant sur Amazon au prix de 39,99 € en Limited Edition.
- Un scénario et un univers accrocheurs
- De l'horreur lovecraftienne qui fait mouche
- Un gameplay qui fonctionne, en partie inspiré de Resident Evil
- Une certaine rejouabilité, surtout pour les chasseurs de Trophées/Succès et amateurs de défis
- Un sound design et une légère OST qui font le job
- Techniquement daté visuellement
- Quelques soucis encore présents (version 1.003)
- Le dénouement est tout de même assez brusque