Diablo IV : Diablo, c’est beaucoup de hauts, pas mal de bas également, et depuis le quatrième épisode nous atteignons visiblement les sommets
El Diablo est de retour !
Nous y voilà enfin. Les papillons s’agitent de plus belle dans notre ventre alors que l’attente est presque terminée. Diablo IV revient dans les rayons du monde entier, soit 11 ans après le troisième opus de la saga. Rien que pour avoir attendu plus d’une décennie, cette sortie a quelque chose d’historique. Le contexte donne toutefois une tout autre saveur à ce lancement. En mai 2012, tout le monde scrutait Diablo III là aussi, mais c’était surtout pour pointer du doigt son démarrage catastrophique. Sans même parler de la fameuse erreur 37 qui n’a fait que souligner l’aberrante nécessité de se connecter aux serveurs, même pour les joueurs solos. Les plaintes ont été nombreuses et se sont inscrites dans la durée. Le cas de l’hôtel des ventes et le contenu end game un tantinet léger était l’autre visage de ce démon décidément bien plus dangereux que le Seigneur de la Terreur. Puis s’est ouvert le chapitre Diablo Immortal en 2022, un nouvel affront à la série alors que Diablo III avait enfin redoré son blason. Inutile de descendre à nouveau le pay-to-win ou la politique douteuse de Blizzard quant à l’exploitation de ses licences. Nous ne sommes pas là pour tirer sur l’ambulance, mais simplement pour rappeler qu’au-delà de réaliser une bonne suite, ce Diablo IV a la lourde tâche de redonner confiance dans le savoir-faire made in Irvine. Une tâche que nous pensions presque impossible avec toutes les casseroles que se traîne désormais l’éditeur, du moins jusqu’à ce que nous reprenions nos aventures à Sanctuaire.
Pour l’essentiel, cela s’est joué dans les détails, mais aussi dans une forme de maturité.
Elles ne commencent pourtant pas sous les meilleurs auspices, ces nouvelles pérégrinations. Perdu en pleine tempête de neige dans les montagnes des Pics Brisés, votre avatar ne passe pas sa meilleure nuit dans la seule grotte qu’il trouve comme refuge. Parmi les ombres qui rôdent autour de lui, il n’y a pas que des loups, mais ça, vous le savez sans doute très bien si vous avez participé à la bêta de Diablo IV. Et si c’est le cas, nous ne vous apprenons rien en vous disant que vous allez être mêlé à un complot mettant en péril l’humanité, simplement en allant chercher un peu d’aide dans le patelin d’à côté. Il faut dire que Sanctuaire a quelque peu changé depuis que la démone Lilith, fille du démon primordial Méphisto, a fait de cet endroit sa résidence secondaire. À l’écouter, elle a beaucoup de projets pour le coin et ses habitants. Plein de choses passionnantes que nous serions ravis de détailler davantage, mais que nous ne ferons pas pour des raisons évidentes de spoils. Tout ce qu’il faut retenir, c’est qu’en bon fauteur de troubles vertueux que nous sommes, notre héros ou notre héroïne est obsédé à l’idée d’arrêter Lilith et de rentrer dans la petite case du chevalier servant.
Archétypé juste comme il faut, nous étions à deux doigts de fermer les yeux pour nous laisser guider par son scénario cousu de fil blanc. Comme nous avons eu tort. C’est vrai que Diablo IV n’est pas toujours fin dans son récit et ce serait sans doute exagéré de parler de chef d’œuvre narratif. Il n’empêche, l’histoire du jeu est à notre sens une très bonne surprise. Elle qui paraît pourtant si simple au début prend de l’épaisseur vers les derniers actes. Cette réussite ne peut être attribuée à la seule qualité de l’écriture. Diablo IV arrive aussi à évoquer certaines thématiques fortes comme le sacrifice ou le deuil avec un certain doigté. La prouesse de Blizzard est pour le moins irrégulière dans ce domaine. Nous sentons néanmoins que pour un jeu avec des ennemis clairement identifiés, l’éditeur s’est donné un mal fou pour avoir un discours nuancé qui est tout à son honneur. L’intrigue n’en est que plus prenante, car tous les personnages ne sont pas les zélés écervelés que nous avons pu voir dans la saga. Chose d’ailleurs assez notable pour être soulevée : ce sont les antagonistes de cette histoire qui sont les plus marquants. Lilith est impeccable dans son rôle de mère de l’humanité impitoyable. Ses méthodes sont brutales, mais ses motivations se situent sur la fine frontière qui sépare le bien du mal.
Et si nous faisons l’éloge de la Fille de la Haine, son bras droit Elias est traité avec autant d’intelligence. Loin d’être un simple porte-parole, ce dernier est surtout un converti de la première heure à qui il arrive même de douter, malgré sa dévotion. Ce ne sont là que deux exemples d’un casting soigné à la hauteur de ce que nous raconte Diablo IV. Est-ce que ça va changer la teneur de votre aventure pour autant ? Sans doute pas, car il serait audacieux de dire que le scénario a pris le pas sur la sacro-sainte jouabilité. Disons simplement qu’il est le signe de gros efforts pour une série qui ne brillait pas dans ce domaine jusque-là. Même les moins sensibles à ses nouveaux charmes devraient davantage apprécier les 20 à 30 heures de quêtes principales qui vous attendent par rapport aux précédents épisodes de la saga.
Toi non plus tu n'as (presque) pas changé
Avant d’en voir le bout, il faut toutefois se poser LA bonne question : à quelle classe allez-vous vous dédier corps et âme. Pour le lancement, elles sont au nombre de cinq et sont pour la plupart bien connues de l’univers de Diablo. Nous ne présentons plus le Barbare, le Nécromancien, le Sorcier, le Voleur et le Druide. À ce choix crucial succède un outil de personnalisation de personnage qui l’est beaucoup moins. L’intérêt de le souligner en 2023 peut sembler étrange. Sauf que dans le cas présent, il s’agit d’une belle avancée par rapport à ce que proposait (ou plutôt ne proposait pas) Diablo III. Ça, c’est le côté pile d’un éditeur qui pourrait autrement être considéré comme lacunaire pour son époque.
Les sensations enivrantes de destructions totales dominent toujours autant.
Il n’est pas question de retoucher la taille du nez ou l’écartement des yeux, mais même sans aller jusque-là, nous n’aurions pas été contre l’ajout de plus de modèles de visage, de coiffures ou simplement d'archétypes moins prononcés. Impossible d’avoir un Barbare qui ne pèse pas 150 kg de muscles ou à l’inverse un Nécromancien qui n’a pas l’air de souffrir d’anémie. Les clichés ont la vie dure, mais qu’importe, votre personnage est enfin prêt à prendre les armes contre les légions démoniaques qui pullulent dans Sanctuaire. Les premières minutes passées à briser des rotules infernales sont là pour nous rappeler que Diablo IV est le digne successeur des rois du hack ‘n’ slash. Depuis 1997, l’ADN de la série n’a pratiquement pas changé, si bien que la comparaison la plus pertinente avec ce quatrième volet reste celle que nous pouvons faire avec Diablo III. Les sensations enivrantes de destructions totales dominent toujours autant. Nous avons vite fait de nous sentir surpuissants en pulvérisant des hordes qui s’empressent de venir vers nous pour mourir.
À ce plaisir primaire s’ajoute la perpétuelle quête de challenge que Diablo III avait parfaitement compris. Pour l’essentiel, le défi se situe dans les innombrables donjons sur lesquels nous reviendrons plus en détail un peu plus loin dans ce test. Et bien sûr, ces derniers ne seraient rien de plus qu’un passe-temps sans le niveau de difficulté (ou niveau de monde) adapté, les deux niveaux proposés de base étant au mieux associés à une promenade de santé. Comme son ainé, Diablo IV sait se montrer addictif dans sa courbe de difficulté. Toutefois, le portrait de ce nouvel opus ne serait pas complet sans l’incroyable sens du rythme dont il a hérité. Pour un titre qui repose en grande partie sur ses combats, la cadence est soutenue, mais jamais suffocante.
Astucieusement équilibré entre narration, amélioration de l’équipement, craft, quêtes secondaires et évènements en tout genre (autant de choses que nous allons revoir bientôt), Diablo IV a compris que trop de simplicité lui serait plus nuisible qu’autre chose. La faute à un genre fondamentalement répétitif. Il faut être un vétéran chevronné pour ne pas ressentir de lassitude une fois un certain niveau atteint. Comme beaucoup des éléments mentionnés ci-dessus, c’était déjà le cas pour son grand-frère. 11 ans plus tard, Blizzard n’a pas trouvé de solution miracle à son problème, mais assez de rustines pour donner un nouveau souffle à un gameplay que vous connaissez déjà avant même de l’avoir essayé.
Diablo se cache dans les détails
En soi, ce n’est pas un mal que Diablo III ait servi d’exemple à presque tous les niveaux. Reconnaissons que c’est un excellent mentor. Seulement, il ne faut pas s’étonner si Diablo IV a des airs de version 2.0 par moment. Comprenez par-là que les avancées de gameplay initiées par cet épisode sont avant tout de petites innovations faisant mouche chez ceux qui en mesurent l’évolution. L’exemple le plus parlant est sans doute l’ajout d’une esquive, le genre de fonctionnalité basique qui donne une tout autre allure à des combats soudainement plus dynamiques.
Blizzard montre qu’il a encore du talent.
Sans être complètement craquée grâce à son cooldown de quelques secondes, l’esquive devient toutefois l’un des éléments incontournables de votre arsenal. Elle peut même être par la suite améliorée grâce à votre équipement. Toujours dans la catégorie des changements mineurs et pourtant terriblement voyants, nous trouvons la refonte des compétences. Autrefois attribuées de la façon la plus linéaire qui soit, les développeurs de Diablo IV ont préféré opter pour un bon vieil arbre de talents à la place. Concrètement, cela veut dire plus de liberté et plus de personnalisation, car l’arbre en question est gargantuesque et vous laisse choisir presque librement les techniques et les améliorations que vous souhaitez utiliser. La seule restriction est alors le nombre de points de talent dépensés. Il en faut évidemment un certain nombre pour accéder aux capacités les plus puissantes.
Alors certes, la montée en puissance est moins impressionnante sous ce format et pourtant nous ne pouvons nous empêcher de préférer ce système permettant de nous concentrer sur un style qui nous convient réellement. Ça ne veut pas forcément dire que les choses sont figées. En échange d’une poignée de pièces d’or, il est possible de récupérer vos points de talent dépensés pour les utiliser ailleurs. Au-delà du simple arbre de talents, il faut voir une évolution au niveau des classes elles-mêmes. Elles ne sont peut-être que cinq, c’est léger nous sommes d’accord, mais à vue de nez ce ne sont pas les styles de jeu qui manquent. Entre les mécaniques uniques à chaque classe (l’utilisation des corps pour le Nécromancien ou l’expertise pour le Barbare par exemple) et l’augmentation du nombre de sorts disponibles, Blizzard montre qu’il a encore du talent pour renouveler une jouabilité dont nous pensions pourtant avoir fait le tour.
En comparaison, le chantier du craft est plus mineur. Pas une mauvaise chose en soi, puisqu’il avait surtout besoin de se simplifier pour revenir à l’essentiel. C’est exactement ce qu’a entrepris Diablo IV avec un certain succès. Ce constat va en réalité bien au-delà du craft. Simplifier le gameplay, c’est aussi avoir des potions de soin en quantité limitée, mais sans cooldown, ou améliorer nos déplacements en nous offrant une monture rapide à haut niveau. Avec tout cela, nous sommes loin d’une véritable métamorphose. Cependant, nous ne pouvons que valider ces multiples changements qui apportent à la licence la modernité dont elle avait besoin pour marquer le coup.
Sanctuaire, ouvre-toi !
Sur l’autel de la modernité, il y a toutefois un changement qui marque encore plus le coup dans l’histoire de la série. Comme tant d’autres avant lui, Diablo IV embrasse la philosophie du monde ouvert. Un véritable défi en termes de level design que Blizzard a réussi haut la main. Les cinq régions de Sanctuaire se présentent ainsi comme un seul bloc que nous sommes libres de parcourir à notre guise. Aucun temps de chargement ne vient gâcher cette exploration alors que le terrain de jeu est pourtant colossal. Tellement grand que l’intrigue principale n’a pas vocation à nous faire découvrir chaque recoin de la carte. Cela dit, elle nous incite à sortir des sentiers battus, car dès le début, il est possible de réaliser les objectifs de l’Acte I, mais également ceux des Actes II et III.
Diablo IV a su évoluer avec son temps et dans ses propos.
Alors, simple coquetterie pour donner l’illusion de liberté ou vrai argument de vente ? Si nous lui consacrons toute une partie de ce test, vous vous doutez bien que nous sommes assez convaincus par la démarche de Diablo IV. Le titre semble avoir compris les enjeux d’une telle production. Mieux encore, il a compris comment en faire un moteur de l’expérience. Remplir à ras bord le monde d’activités n’est que la première étape. À tous les coins de rue, vous trouverez des quêtes secondaires, des caves (petits donjons), des donjons, des bastions (de larges zones à purger avec un grand défi à la clé), des évènements aléatoires ou encore des boss rares. Ce n’est pas tant l’originalité du contenu de Diablo IV qui nous intéresse que sa faculté à rendre Sanctuaire vivant. Nous avons eu beau chercher, mais en dehors de rares zones qui prennent tout leur sens durant le end game, le jeu ne souffre d’aucun sentiment de vide comme nous pouvons trop souvent le ressentir dans certains titres en monde ouvert.
Véritable tuto pour tous les développeurs qui souhaitent s’essayer à l’open world, la vraie réussite de Diablo IV est de donner envie d’en voir le bout. Pour cela, Blizzard a fait dans la simplicité avec une carotte nommée Renommée. Chacune des cinq zones a sa propre jauge de Renommée qui se remplit à chaque nouvelle découverte. Les complétionistes vont être aux anges, car toutes les activités annexes que nous avons listées doivent être terminées pour débloquer tous les paliers de récompenses de ce système. Nous ne vous cachons pas que ce n’est pas une bonne nouvelle pour tous. La répétitivité n’étant jamais trop loin, nul doute que certains n’hésiteront pas à qualifier cela de grind. Ça aurait presque pu l’être si les récompenses en question étaient importantes pour la suite de l’aventure ou si elles étaient compliquées à débloquer. Ceux qui voient le verre à moitié plein se prendront sans doute au jeu alors que la quête principale devrait vous débloquer au moins la première récompense : de l’or et un point de talent. Rien de moins qu’une petite motivation au même titre que l’emplacement de potion de soin supplémentaire où les points de parangon à débloquer beaucoup plus tard.
Sans même parler de refaire le jeu avec un autre personnage et dans une autre difficulté, le concept de Renommée peut facilement tripler ou quadrupler la durée de vie de ce Diablo IV qui a visiblement toutes les cartes en main pour assurer sur le long terme. L’alternative plus ciblée, mais tout aussi motivante pour écumer Sanctuaire, ce sont les autels de Lilith et les aspects à débloquer. Les premiers sont de petits sanctuaires à l’image de la démone ayant la particularité d’octroyer des pouvoirs passifs permanents à notre personnage. Les autres sont des enchantements à appliquer sur votre équipement à volonté. Boucler un nouveau donjon en offre systématiquement un, sachant que beaucoup d’aspects sont liés à une classe spécifique. Diablo IV ne s’en cache pas : ce sont des tours de passe-passe pour renouveler l’expérience. Il n’empêche que c’est exactement ce que nous attendions de lui et de ce point de vue là, nous ne pouvons pas être déçus de sa prestation.
La rumeur était donc vraie, Blizzard et la saga Diablo sont bel et bien de retour au sommet de leur forme. Pour l’essentiel, cela s’est joué dans les détails, mais aussi dans une forme de maturité. Diablo IV a su évoluer avec son temps et dans ses propos. Nous n’en demandions pas beaucoup plus de la part d’une saga qui a déjà de solides références à faire valoir. Pas réellement transcendé, mais avec un feeling vraiment différent, le titre a en plus tous les arguments pour convaincre les habitués du genre, mais aussi un nouveau public curieux de découvrir les portes que cet épisode ouvre. Maintenant que nous avons la preuve que Blizzard est capable de refaire un grand jeu, il n’y a plus qu’à espérer que ses autres licences historiques en bénéficieront bientôt.
- Un scénario prenant
- Des personnages remarquables
- Le hack 'n' slash à son meilleur depuis 1997
- Un monde ouvert qui ne demande qu'à être exploré
- Un gameplay qui va à l'essentiel
- Cinq classes avec une forte identité
- Plus de styles de jeu
- Une expérience ultra rythmée
- Nous n'aurions pas dit non à plus de cinq classes
- Le charme du monde ouvert n'est pas pour tout le monde
- Fondamentalement répétitif
- L'éditeur de personnage un poil décevant