Un peu de poésie

Cinq ans après le musical Entwined, PixelOpus revient avec une nouvelle aventure où l'art a encore une place importante. Concrete Genie nous met dans les baskets d'Ash, un jeune garçon qui va devoir redonner vie à la ville étrangement vide de Denska, en proie à l'apparition d'une matière ténébreuse qui la neutralise, tout en tentant d'éviter de croiser la route des brutes qui le maltraitent depuis toujours pour sa passion du dessin. Et dans cette quête, il aura un allié puissant, une créature en deux dimensions appelée Luna, qui va lui offrir un pinceau magique aux pouvoirs incroyables.

Ces sujets en toucheront forcément certains plus que d'autres, mais ils ne laisseront personne insensible.

Concrete Genie
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Cette fable adolescente, qui joue en permanence avec les limites de l'aventure métaphorique et du conte fantastique, aborde en filigrane des thèmes universels, de la perte de proches à l'acceptation de soi, en passant par le harcèlement ou encore l'écologie. Ces sujets en toucheront forcément certains plus que d'autres, mais ils ne laisseront personne insensible, tant ils sont évoqués avec finesse et justesse. La libre interprétation laissée sur quelques problématiques secondaires permet même de se projeter davantage dans cet univers, sans pour autant laisser les grands mystères irrésolus.

Le monde de Concrete Genie nous immerge de toute manière très vite dans son ambiance lugubre et mélancolique, où l'espoir d'un avenir meilleur subsiste dans les souvenirs apparents d'une vie passée florissante. La direction artistique ne cherche pas le photoréalisme, mais lorgne plus vers le dessin animé ou le stop-motion, notamment pour les personnages aux animations limitées, aux voix aiguës rappelant les séries d'animation de notre enfance. Le style graphique général et la patte unique des dessins sont d'ailleurs magnifiés par de jolis effets de lumière, qui créent des plans très agréables à l'œil. Ce petit village de pêcheur laissé à l'abandon, que nous ne voyons que de nuit, possède une atmosphère unique, clairement triste au premier abord, et malgré la répétitivité des décors et le manque de structures vraiment reconnaissables ou marquantes, s'y balader devient vite plaisant.

Arts Plastiques

Et après tout, c'est logique : plus nous visitons Denska, plus elle reprend de ses couleurs. Armés de notre pinceau magique, mais déchus de notre carnet de croquis, que nous allons reformer au fur et à mesure des pages retrouvées, nous pouvons dessiner sur tous les murs de la ville ou presque. Présentez-vous face à la paroi, choisissez votre motif, et définissez sa trajectoire ou son diamètre, pour créer votre propre œuvre d'art. Pour progresser, il faut trouver les murs ornés d'ampoules éteintes, qui se rallumeront à l'apparition de nos dessins.

Le jeu n'a rien de complexe.

Le concept est novateur, voir un peu casse-gueule, et il faut avouer qu'après quelques minutes passées à essayer de donner la bonne allure à nos créations, avec la fonction gyroscopique de la DualShock 4 pour de piètres résultats, nous n'étions pas rassurés pour la suite. C'est seulement après avoir associé le joystick droit au dessin que le fun et le plaisir de gribouiller sont arrivés, cette maniabilité étant à notre goût bien plus appropriée. S'il est possible de tout faire en peignant comme un patachon et en mettant les motifs n'importe où, l'âme d'artiste qui sommeille en chacun de nous incite à réaliser des tableaux qui nous plaisent, et que nous revoyons avec plaisir lors de nos détours dans la ville.

Le dessin et le monde réel ne sont en revanche pas deux expériences séparées, alors que nous avons vite le pouvoir de donner vie à des Génies, de gentils monstres dont nous pouvons définir les grandes lignes de l'apparence. Une fois dessinés, ceux-ci peuvent se balader sur tous les murs de Denska, nous aidant à débloquer des situations par leurs pouvoirs respectifs quand ils ne doivent pas eux être aidés pour aller de mur en mur. Le petit plus, c'est que les Génies interagissent avec nos motifs, pour des moments de drôlerie et de mignonnerie qui transcendent l'expérience. Ces assistants mutiques deviennent rapidement des camarades puis des amis, dont nous pouvons réaliser les idées affichées dans des bulles, pour gagner de la Super-Peinture, utile dans certaines phases, ou tout simplement pour continuer à solidifier cette relation virtuelle au travers de beaux moments.

Tout se fait naturellement après quelques ouvrages, alors que des indicateurs visuels sont là pour nous donner nos objectifs et éviter l'afflux de textes explicatifs, tout de même présents quand il le faut. Il en va de même pour le côté aventure de Concrete Genie, tout étant fait pour nous inciter à nous balader tout en barbouillant à droite à gauche, quand cela est nécessaire ou juste par envie de colorer un peu plus la ville. Il n'y a pas vraiment de danger dans la majorité de cette histoire, si ce n'est les chutes qui nous feront réapparaître là où nous étions avant de tomber, et la présence des quelques brutes dans certains coins de la ville, qu'il n'est pas si difficile de contourner ou de semer, et que même s'ils nous attrapent ne feront que nous voler temporairement notre pinceau. En ce sens, le jeu n'a rien de complexe, et se veut de toute manière très accessible et aucunement punitif, n'hésitant pas à afficher les ampoules à allumer et les collectibles sur la carte du menu principal, au cas où nous en aurions manqué.

Douce mélancolie

Les possibilités de gameplay évoluant graduellement au fil des deux premiers tiers de l'expérience, la répétitivité des phases d'exploration et de dessin n'a pas le temps de s'installer. Et, quand le titre aurait pu commencer à tirer sur la corde, les motifs et le cadre changeant, mais pas le fond, la jouabilité vrille dans une direction inattendue que nous vous laisserons découvrir, et qui permet de renouveler complètement les codes et les sensations, tout en donnant une dimension supplémentaire à tout ce qui avait été installé auparavant. C'est très malin, et les deux dernières heures de cette aventure qui doit en durer environ six sont d'une fraîcheur rare. Après cela, si vous avez manqué quelques opportunités de créer des pages à collecter, vous avez tout le loisir de continuer à explorer Denska pour viser le 100 %, mais il vous faudra entre huit et dix heures pour tout voir. Mais, clairement, Concrete Genie est le genre d'expérience courte et intense que beaucoup de joueurs aimeront refaire d'ici quelques années.

Il est d'ailleurs possible de prolonger le plaisir avec un mode Peinture Libre, qui nous invite à peindre des décors vierges sans les « contraintes » de l'histoire, mais qui n'apporte pas grand-chose de plus. Ce dernier est compatible avec le PlayStation VR, tandis qu'un mode Expérience exclusivement compatible avec le casque nous invite à vivre une petite quête avec un Génie.

Avec son univers à la fois un peu vide et triste, mais tout de même accueillant et chaleureux, qui fonctionne comme un petit monde ouvert s'étendant au fil des chapitres, et ses thématiques universelles autour de la jeunesse, Concrete Genie se destine à tous les publics. Il rappelle à beaucoup d'égards les jeux d'aventure et de plateformes des décennies passées, avec un monde sans trop de dangers, une bonhomie générale qui donne du baume au cœur, et un ton à la fois léger et inquiétant. Les quelques défauts, de légers soucis de caméra à la maniabilité à la DualShock 4 oubliable, en passant par la ville qui manque de diversité, restent finalement assez anecdotiques face à la bonne volonté qui transparait dans tous les aspects du projet. Nous ressortons de cette aventure les pensées pleines de souvenirs de Génies, d'espoir pour la ville de Denska et de compassion pour les personnages du titre, nous aurions aimé pouvoir côtoyer cet univers davantage. Tant pis, Concrete Genie en restera d'autant plus un plaisir court et rare, doté d'un gameplay sans pareil, qui nous rappelle qu'il est toujours possible de faire du neuf dans le milieu du jeu vidéo.

Auxance M. (White Cloud) Rédacteur - Testeur
Doté d'une culture pop à toute épreuve, passionné de musique qui fait boom boom, adepte de séries comiques en tout genre, étudiant à mes heures perdues, joueur régulier de Pokémon et de FIFA.
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