Le phénomène Squid Game est mondial, malgré une violence brutale. Mais la série Netflix a bien mieux à offrir.
Depuis un mois, une série coréenne cartonne partout dans le monde sur Netflix : Squid Game. Née du créateur Hwang Dong-hyeok, la série passionne les spectateurs et est rapidement devenue l'œuvre la plus regardée sur la plateforme de SvoD avec plus de 110 millions de visionnages (regarder deux minutes d'un seul épisode comptant comme un visionnage sur Netflix). Mais la raison autour de cette hype a de quoi surprendre...
La série n'avait pas besoin de lorgner la violence gratuite, car elle est portée par d'excellents acteurs.
Squid Game se déroule donc à notre époque, dépeignant une société coréenne gangrenée par les jeux d'argent rendant addicts, appauvris et endettés les joueurs. C'est le cas de Seong Gi-hun, quarantenaire un peu loser vivant chez sa mère et lui volant de l'argent pour offrir un cadeau d'anniversaire douteux à sa fille, gardée par son ex-femme. Seong a une grosse dette à rembourser, il n'en voit pas le bout et perd le peu qu'il a lors des paris sur des courses hippiques... avant de croiser un mystérieux homme l'invitant à jouer au ddakji. Un jeu simple, le joueur devant retourner le bloc en papier de son adversaire avec son propre bloc. Seong n'hésite pas à donner de son corps et à se prendre des baffes pour gagner quelques wons. Et surtout, il obtient une carte d'invitation avec d'étranges symboles (Carré, Triangle et Rond, aucun lien avec PlayStation) pour participer à un mystérieux jeu. Ce jeu, c'est le Squid Game, une série d'épreuves basées sur des jeux enfantins, mais à l'issue fatale. Littéralement, les perdants sont exécutés par des hommes masqués en tenue rose, mais à la fin, le gagnant remportera 45,6 milliards de wons, soit 32 millions d'euros, de quoi rembourser n'importe quelle dette.
Tout au long des neuf épisodes que compte cette saison de Squid Game, le spectateur assiste donc à six jeux aussi innocents que sadiques, ce qui n'est pas sans rappeler le manga Jeux d'enfants de Muneyuki Kaneshiro et Akeji Fujimura (ou son adaptation cinématographique par le sulfureux Takashi Miike), des œuvres japonaises pas forcément populaires. Au contraire de Battle Royale de Koshun Takami (ou Kinji Fukasaku au cinéma), voire de Hunger Games, sorte d'adaptation occidentale bancale à l'américaine de cette œuvre. Car finalement, malgré les nombreuses différences (adolescents envoyés mourir sur une île dans l'un, adultes participant volontairement à des jeux pour l'autre), la recette reste la même : plonger des personnages à première vue très banals dans un monde décalé basé sur le jeu, mais à l'issue bien différente d'un Fortnite ou de Call of Duty: Warzone, car ici, la défaite signifie la mort, la vraie. Celle qui vient d'une balle de pistolet percutant violemment le crâne de sa victime pour étaler sa cervelle sur le sol jusqu'ici immaculé. Et si vous trouvez cette image un peu trop choquante, vous n'êtes pas prêt pour Squid Game, car c'est bien de ça dont il s'agit : jouer à 1, 2, 3, Soleil ou le tir à la corde, et mourir de manière sanglante. La série ne fait pas dans la finesse, elle n'est pas déconseillée aux moins de 16 ans pour rien, les exécutions sont brutales, montrant la mort de manière frontale. Une mise en scène qui dérange et qui fonctionne dans certaines œuvres, mais pas vraiment dans Squid Game.
La série se veut une critique de la société. Non pas en pointant du doigt les accros aux jeux d'argent prêts à tout pour rembourser leurs dettes et éviter de se faire tuer par leurs créanciers, mais bien en dénonçant une Corée capitaliste, abandonnant les nantis à leurs problèmes. Une terrible réalité en Corée du Sud et le parallèle avec nos sociétés occidentales est vite fait, c'est sans doute pour cela que Squid Game a cartonné à l'international, mais la série critique un monde violent et brutal... en montrant frontalement de la violence et de la brutalité. Un choix discutable, d'autant que l'univers du « jeu » est singulier. Sur une île abandonnée, les mystérieux organisateurs ont bâti des environnements colorés, en écho aux jeux d'enfants auxquels participent les inscrits, mais grandiloquents et encadrés par des gardes en tenues fluo. Un monde surréaliste loin du quotidien coréen qui pourrait rappeler des jeux vidéo comme Fall Guys: Ultimate Knockout, et qui contraste totalement avec les épreuves sanglantes, un mélange des genres qui dérange autant qu'il fascine. Squid Game a un certain côté pervers, le spectateur sait qu'évidemment, certains participants vont mourir, il attend patiemment de découvrir lesquels sans quitter l'écran des yeux, puis patiente jusqu'à connaître le prochain jeu, et les prochaines victimes. Une recette malsaine, qui pourtant fonctionne depuis quelques années, que ce soit avec la chair putréfiée des zombies de The Walking Dead ou les morts violentes dans Game of Thrones, tout le monde se souvenant des mains de Gregor « La Montagne » Clegane sur le crâne d'une de ses victimes. Le gore, jusqu'ici réservé aux fans de séries B, fait son effet même dans les séries populaires, et ça, Squid Game l'a parfaitement bien compris, même s'il ne l'utilise pas toujours de la meilleure des manières.
Pourtant, la série n'avait pas besoin de lorgner cette violence gratuite, car elle est portée par d'excellents acteurs. Les amateurs de films de zombies auront reconnus Gong Yoo du Dernier Train pour Busan, mais c'est surtout la prestation de Lee Jung-jae qui marque le spectateur. Habitué aux rôles de vrais héros propres sur eux, l'acteur coréen incarne ici avec brio un loser prêt à tout pour remporter ce jeu malsain, pour l'argent évidemment, mais surtout pour sauver sa relation avec sa fille. Le casting est royal, avec un Park Hae-soo aux multiples facettes, un Heo Sung-tae terrifiant et un O Yeong-su en vieillard malade déconnecté de la réalité, mais toujours touchant, et un Anupam Tripathi qui, comme dans la vraie vie, joue un expatrié pas très à l'aise avec les coutumes locales, mais sincère. Reste Jung Ho-yeon, jeune femme réservée, voire très froide, jouant au Squid Game pour de louables raisons, mais dont le personnage reste sous-exploité dans la série. Au moins, l'actrice est désormais connue à l'international, tant mieux pour elle, et il s'agissait ici de sa première expérience dans une fiction. Ces personnages et bien d'autres sont sublimés dans un épisode géré de manière magistrale, avec encore une fois un jeu innocent, mais à l'issue tragique sous bien des aspects. Rien qu'avec cet épisode, Squid Game prouve qu'il avait bien mieux à proposer que des exécutions brutales, préférant ici mettre ses personnages et leurs relations au cœur du drame pour une violence purement psychologique, de quoi faire monter les larmes chez tous les spectateurs.
Squid Game sait être touchant, tout autant qu'il est violent, mais il reste une série moderne taillée pour le binge watching, avec tout ce qui a fait le succès des précédentes séries Netflix. Si les deux premiers épisodes traînent un peu en longueur, laissant le spectateur suivre un homme sans réel but, le rythme s'accélère dès le troisième épisode pour trouver son allure de croisière et enchaîner les cliffhangers, obligeant presque le spectateur à lancer l'épisode suivant pour découvrir la suite tant le suspense est haletant. Les personnages sont attachants, les enjeux sont grands et leurs relations évoluent au fil des épisodes, avec des dangers pas uniquement lors des épreuves officielles. Pas de quoi révolutionner le genre de la série, surtout sur une telle plateforme de SVoD qui connaît bien cette recette, mais au moins, le spectateur ne voit pas le temps défiler. Et si vous aviez peur d'être perdus dans ce monde coréen, pas de panique, la plupart des jeux sont connus par chez nous, et ils sont de toute façon parfaitement expliqués au début de chaque épreuve, avec des règles simples, rendant le défi encore plus intense. Pour une série avant tout pensée pour le marché coréen, c'est quand même gentil de penser à l'Occident, qui ne connaît en effet pas forcément le jeu du calamar (oublié même des jeunes Coréens).
Squid Game a déjà marqué l'industrie de la vidéo à la demande et des séries de manière générale, d'un point de vue commercial du moins. Le succès pour Netflix est indéniable, mais artistiquement, eh bien, Squid Game reste un dérivé de Jeux d'enfants et Battle Royale avec moult cliffhangers et scènes-chocs, ce n'est évidemment pas à mettre devant tous les yeux. Pourtant, une fois la violence brutale mise de côté, ce sont bien les acteurs qui vont marquer les spectateurs. Squid Game est surtout la preuve que les œuvres coréennes et asiatiques peuvent rencontrer un énorme succès à l'international. Certes, les drama coréens ont la cote chez un public un peu de niche, et Bong Joon-ho a remporté l'Oscar du Meilleur film en 2020 avec Parasite, mais les entrées n'étaient pas faramineuses. Peut-être que grâce à Squid Game, les spectateurs se pencheront sur les œuvres de ce Bong Joon-ho (The Host, Okja), d'Im Kwon-taek, de Kim Jee-woon (A Bittersweet Life, J'ai rencontré le Diable, Deux Sœurs), de Park Chan-wook (Sympathy for Mister Vengeance, Old Boy, Lady Vengeance), voire même sur le cinéma japonais avec notamment Battle Royale à voir absolument si vous avez apprécié cette série, ainsi que les films de Takeshi Kitano et Takashi Miike si vous voulez encore plus de violence, savamment mise en scène cette fois. Si Squid Game arrive à populariser encore davantage le cinéma et les séries asiatiques, eh bien, merci Squid Game.
Note : 3,5 étoiles sur 5
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Clint008 Rédacteur - Testeur |