Petit tour d’horizon de la réalité virtuelle en forme de bilan.
La réalité virtuelle est un concept qui captive le monde entier depuis des années : cinéastes et développeurs de jeux vidéo sont fascinés par l'idée de plonger le public dans cet univers. Parce qu'il a brillamment démontré qu'il existe un véritable intérêt pour la réalité virtuelle, le lancement du projet Oculus Rift sur la plateforme de financement participatif Kickstarter en 2012 a fait exploser le secteur, avec l'apparition de plusieurs produits concurrents. Les formidables progrès technologiques aidant, le grand public serait-il enfin prêt à adopter la réalité virtuelle ? Il semble malheureusement qu'il reste encore bien du chemin à faire.
Même si la technologie s'est énormément améliorée depuis qu'Oculus a décidé de réinventer la réalité virtuelle, un certain nombre de problèmes continuent à peser sur la VR et l'empêchent de devenir le « produit grand public » attendu par beaucoup.
Avant d'explorer la problématique de la réalité virtuelle dans son ensemble, il faut bien faire la distinction entre les deux types de technologie disponibles : la réalité virtuelle mobile, ou « mobile VR » en anglais, et la réalité virtuelle connectée, ou « Tethered VR ». Les dispositifs de réalité virtuelle mobile utilisent un smartphone pour afficher un contenu VR. C'est notamment le cas du casque de réalité virtuelle Samsung Gear VR, dans lequel il faut insérer un smartphone Samsung compatible. Les casques de réalité virtuelle connectée, quant à eux, sont conçus pour fonctionner avec un autre appareil, comme un PC haut de gamme ou une console de jeux vidéo, afin de produire de la réalité virtuelle. Pour ne citer que les trois plus connus, il y a le casque Oculus Rift (PC), le HTC Vive (PC) et le PS VR, le casque de réalité virtuelle de Sony pour la PlayStation 4. Cela nous amène tout naturellement au premier obstacle à la démocratisation de la réalité virtuelle : son prix.
Même si la réalité virtuelle est encore loin de tenir toutes ses promesses, les appareils de réalité virtuelle connectée permettent d'obtenir une expérience plus fluide et plus immersive que la réalité virtuelle mobile, car ils proposent du personal tracking, c'est à dire qu'ils permettent au joueur de se déplacer librement dans une aire de jeu de quelques mètres carrés et de se servir de ses mains pour interagir avec le monde virtuel. Toutefois, pour en profiter, les consommateurs doivent payer le prix fort. Les appareils connectés coûtent cher : le Vive d'HTC affiche un prix de 699 €, tandis que l'Oculus Rift coûte 589 €. Les utilisateurs devront également disposer d'une console ou d'un ordinateur compatible, ce qui représente une dépense supplémentaire d'au moins 799 € pour un PC et de 300 € pour une console.
Cependant, en excluant les casques VR bas de gamme (Google Cardboard compatibles) qui ne sont pas connectés au téléphone et offrent une très mauvaise expérience en terme d'immersion, la VR mobile n'est pas en reste en terme de qualité graphique et d'immersion avec les casques Samsung Gear VR et le casque Daydream View de Google. Si le prix de ces deux casques est relativement raisonnable (env. 115 euros), il n'en reste pas moins qu'il faut posséder, pour le premier, un smartphone de la gamme des Galaxy S6, S7, S8, Note 4 ou Note 8, tandis que pour le second, un Google Pixel, certains modèles de Motorola ou encore un Galaxy S8, S8+ ou Note 8. Ceci augmente le prix de plusieurs centaines d'euros (entre 400 et 1000 euros selon le modèle de téléphone). Tout cela signifie que pour pouvoir profiter des plaisirs de la réalité virtuelle, que ce soit en mobile ou en fixe, il faut pouvoir y consacrer un budget loin d'être à la portée de tous.
Le principal obstacle à la démocratisation de la réalité virtuelle n'est cependant pas le prix mais plutôt le fait que, de part le concept même de l'utilisation d'un casque, il faut l'essayer pour la comprendre. De fait, là où, par exemple, un téléviseur 4K QLED de 50 pouces Samsung exposé dans une grande surface saura séduire plusieurs centaines de personnes dans une seule journée, juste en étant allumé, un casque VR, lui, devra être essayé pour être apprécié. Cela prend du temps, cela demande une démarche de la part du client, c'est donc un énorme frein à la démocratisation rapide.
Une autre problématique, plus subtil, est aussi la peur de l'isolement généré par l'utilisation d'un casque. En effet, même si le joueur, lui, n'est pas forcément seul et isolé dans son expérience (bon nombre de jeux VR sont maintenant jouables en mode multijoueur), il n'en reste pas moins que les membres de son foyer en sont exclus. Certes, c'est déjà le cas de certains joueurs de MMO qui restent vissés sur leur siège, le casque sur les oreilles, les mains sur la souris et le clavier, et les yeux rivés sur l'écran, mais nous sommes ici un cran au dessus, avec, en plus, l'immersion totale dans un autre univers. Cela peut faire peur, et c'est compréhensible.
Reste les préjugés qui datent des débuts de la VR : « Cela rend malade ! ». C'était vrai, cela ne l'est plus totalement. Si certains d'entre nous sont sensibles au mal des transports à cause d'une oreille interne défectueuse, les développeurs ont maintenant trouvés des paramètres qui permettent à la majorité d'entre nous de profiter des expériences sans conséquence désagréables. A titre d'exemple, sur une année de salons divers et variés - soit sur un échantillon de plus de trois mille personnes -, nous n'avons eu que deux personnes ayant ressenti un réel problème du genre.
Enfin, le dernier argument qui peine à motiver les acheteurs, c'est l'impression qu'il n'y a pas de contenu. Si au début, il y avait plus « d'expériences » que de vrais jeux ou d'applications, il existe aujourd'hui bien davantage de contenus VR qu'au moment où l'Oculus est sorti. A ce jour, ce sont plus de 700 jeux/expériences qui sont disponibles, multi ou solo, sans oublier les nombreuses autres applications sérieuses de toutes sortes, dont des modules de formations médicales, des applications thérapeutiques contre les phobies, sans oublier le divertissement pur tels que des films complètement immersifs ou des jeux de casino en argent réel proposés par des développeurs comme NetEnt. Toutefois, la gamme d'applications proposée n'a pas encore été capable de garantir le succès de la réalité virtuelle tant elle peine à se faire connaître.
Ceci explique que de nombreux utilisateurs hésitent encore à passer le cap de l'achat d'un casque de réalité virtuelle. Les développeurs spécialisés dans les applications de « véritable réalité virtuelle » pour PC et console ont donc assez peu de raisons de consacrer du temps et de l'argent à la création d'applications VR. Selon le cabinet Digi-Capital, en 2016, les ventes de casques et de logiciels de VR ont été inférieures de 29 % aux prévisions, ce qui a forcé les développeurs à repenser leur stratégie.
En mai dernier, la société Oculus, qui est une filiale de Facebook, a annoncé la fermeture de Story Studio, son studio dédié à la VR. Cette nouvelle étonnante a été précédée, en février, par l'annonce de la fermeture de près de la moitié des stations de démonstration de réalité virtuelle d'Oculus situées dans les magasins d'électronique Best Buy du Canada et des États-Unis, à cause du manque d'intérêt des clients. La société a depuis révélé qu'elle avait l'intention de se tourner davantage vers les technologies de réalité augmentée (AR). De même pour HTC qui a revendu son département R&D à Google et qui semble donc aussi mettre un genou à terre dans ce domaine.
De ce fait, si les plus grands acteurs du secteur de la réalité virtuelle sont d'ores et déjà obligés de changer de stratégie, quelles sont les implications pour les consommateurs ? Sur le court terme, cela veut dire que, même si la VR est une technologie fantastique, elle reste aujourd'hui aussi inaccessible au grand public qu'en 2012, date à laquelle Oculus a dévoilé son projet de casque à 300 $ (et qui finalement est sorti à plus de 700 $ !). Pour autant, avec la baisse récente des prix de leurs modèles, et surtout l'arrivée d'une nouvelle génération de casques mixant la réalité virtuelle et la réalité augmentée supportés par d'autres constructeurs (Acer, HP, Asus...), il se pourrait bien que l'aventure des mondes virtuels soit loin d'avoir dit son dernier mot.