Lynn and the Spirits of Inao : stagiaires exploités, Kickstarter trompeur, Bloomylight Studio au cœur d'un scandale
par Amaury M.Depuis quelques heures, des stagiaires commencent à dénoncer les abus du studio français indépendant.
Au début du mois, le studio indépendant français lançait une campagne sur Kickstarter pour financer Lynn and the Spirits of Inao, un jeu en deux dimensions fortement inspiré des œuvres de Hayao Miyazaki. Bloomylight Studio demandait alors 53 000 € pour financer le titre, mais un récent scandale vient d'entacher la réputation du studio, dont voici la description officielle :
Fondé en juin 2013 par David Tollari, Bloomylight Studio est un studio de développement de jeux vidéo indépendant français basé à Aix-en-Provence. L’équipe est composée de joueurs passionnés et de fans de mangas, influencés par les grands noms de l’animation japonaise et des jeux des années 1990. Le studio travaille sans relâche afin d’offrir à ses productions une identité visuelle unique et immersive, et de proposer aux joueurs la meilleure expérience de jeu possible.
Mais depuis quelques heures, d'anciens stagiaires ayant travaillé pour le studio sur des périodes de plusieurs mois ont décidé de dévoiler leurs conditions de stages, qui sont loin de correspondre à l'image que le studio se donne. Ces quelques témoignages, notamment celui de Laureine Sautereau, sont en partie relayés par Sylvain Sarrailh, un concept artist ayant déjà travaillé dans des studios populaires :
Ainsi, l'équipe était presque entièrement composée de stagiaires, qui n'étaient pas rémunérés, même après six mois de travail. Pire, David Tollari aurait même fait signer une fausse déclaration de rémunération afin de toucher une indemnité et même menacer de rendre un rapport négatif à l'établissement scolaire de la stagiaire, mettant ainsi en jeu l'obtention de son diplôme. Par ailleurs, l'expérience en milieu professionnel se faisait dans l'appartement du directeur du studio, un 20m² selon les témoignages alors que lui-même était absent, occupant le poste de surveillant dans un établissement scolaire à mi-temps. Légalement, un stagiaire doit être obligatoirement rémunéré s'il effectue un stage d'une durée supérieure à deux mois et l'entreprise ne doit pas excéder un pourcentage de 20 % de stagiaires par rapport à ses effectifs.
En plus de cela, l'équipe de Bloomylight Studio est, selon la description officielle, composée de cinq personnes passionnées et amateurs du Japon. Problème, les stagiaires n'ont jamais rencontré ces personnes et affirment même que la plupart d'entre eux ont claqué la porte depuis plusieurs années, les premières ébauches de Lynn and the Spirits of Inao datant d'il y a déjà cinq ans. Ainsi, presque toutes les animations présentes dans la bande-annonce sont l'œuvre de stagiaires qui ne sont nullement crédités pour leur dur labeur. Autre souci, il s'agit selon elle de simples animations, et non pas de séquences de gameplay, car le studio n'a jamais embauché le moindre programmeur, seul un stagiaire en programmation comme l'indique un rapport de stage. Le jeu n'aurait donc à l'heure actuelle aucune séquence jouable, alors qu'il est attendu pour avril 2017. Ce document permet par ailleurs de découvrir d'autres conditions de travail assez étonnantes et le caractère intimidant de David Tollari :
Sur Kickstarter, la grogne monte depuis l'annonce de cette affaire, et certains ont même réussi à contacter deux autres stagiaires qui travaillent actuellement sur Lynn and the Spirits of Inao, les tâches de l'un d'entre eux étant réservées à la gestion de la campagne de financement participatif. Ces derniers auraient par ailleurs eu la consigne de ne pas venir travailler ce matin, pour « cause d'évènements tragiques ». Autre point à souligner, la page Facebook de Bloomylight Studio est actuellement indisponible et son directeur, David Tollari, ne semble pas répondre aux nombreuses requêtes des internautes.
Évidemment, ce n'est pas la première fois qu'une entreprise abuse de stagiaires sur un projet, et encore moins qu'une campagne de financement participatif se voit entachée par un scandale, mais il est assez rare de voir des témoignages aussi étonnants pour dénoncer ces abus. En espérant que David Tollari, directeur de Bloomylight Studio, partage rapidement sa version des faits afin de connaître toute la dimension de l'affaire.