Beyond Good and Evil 2 : un développement chaotique, des burn out, Michel Ancel et des membres d'Ubisoft se livrent
par Amaury M.Libération enquêtait sur Ubisoft Montpellier avant le départ surprise de Michel Ancel, qui était déjà loin du projet depuis un moment.
Chez Ubisoft, l'ambiance n'est pas au beau fixe. Le studio d'Yves Guillemot a vu le départ de ses responsables éditoriaux et du directeur créatif Serge Hascoët suite à la révélation de nombreuses affaires de harcèlements et agressions sexuelles. Le PDG s'est exprimé récemment, mais juste après, c'est Nadeo (Trackmania) qui était pointé du doigt, et surtout son directeur Florent Castelnérac. Mais la semaine dernière, coup de théâtre, c'est Michel Ancel qui annonçait son départ d'Ubisoft.
Créateur de Rayman et des Lapins Crétins, Michel Ancel planchait depuis maintenant plus de sept ans sur Beyond Good and Evil 2, un jeu officialisé à l'E3 2017 et d'une envergure folle. Trop folle d'ailleurs, comme l'ont avoué plusieurs développeurs à Libération dans une enquête publiée aujourd'hui. Dans ce long papier, Michel Ancel revient lui-même sur ce développement chaotique, qui a changé plusieurs fois de direction, au grand dam des développeurs qui ont vu leur travail effacé après une simple décision. Comme ils l'expliquent, Ubisoft Montpellier tournait autour de Michel Ancel, qui avait la bénédiction d'Yves Guillemot pour mener à bien son jeu, et qui commandait absolument tout. Ce qui posait évidemment des soucis, les développeurs parlent d'ambiance froide, de colères de la part de Michel Ancel, de dépressions ou encore de burn out, pour un projet dingue, bien plus important que les autres réalisations du studio. Et rien n'était prêt à temps, même pour l'E3 2017 :
Les vidéos ont été faites à la main, en rush, sous le contrôle de Michel. Tout a évidemment été jeté depuis. La ville de Ganesha City, qu’Ancel voulait absolument qu’on fasse avec un niveau de détail complètement débile, on vient à peine d’en sortir trois ans après, et on l’a refaite déjà quatre ou cinq fois. Sachant qu’il faut faire plusieurs planètes, vous imaginez l’absurdité de ce type de raisonnement.
D'ailleurs, le développement de Beyond Good and Evil 2 a failli être annulé, tant rien n'avançait, Michel Ancel changeant d'idées régulièrement, mettant à la poubelle des mois de travail. Sauf qu'à l'été 2017, Jean-Marc Geffroy, alors directeur créatif des Ghost Recon, est arrivé sur le projet, cassant la manière de faire de Michel Ancel, ce qui ne lui a évidemment pas plu, et un troisième chef de projet s'est même vu greffer au développement après coup. Michel Ancel, qui avait pourtant réussi à décrocher un mi-temps pour travailler sur BGE2 et sur WiLD chez Wild Sheep Studio en même temps, a décidé de lui-même de s'éloigner d'Ubisoft, en expliquant à Yves Guillemot que « ce n’est plus mon jeu ». Coup de massue pour le PDG, qui s'est alors rendu à Montpellier début 2019 avec Serge Hascoët pour arrêter le projet, mais l'équipe a réussi à négocier un sursis d'un an, promettant de livrer une démo jouable d'ici là. Cette démo est arrivée au printemps dernier, ce qui a permis au jeu d'enfin entrer en phase de production, sauf que pour Michel Ancel, c'est terminé, lui qui a pris de longues vacances loin de Beyond Good and Evil 2 depuis.
Libération publie également en parallèle un entretien avec Michel Ancel, qui revient sur son départ du monde du jeu vidéo. Très lucide sur la situation d'Ubisoft ces derniers mois, il revient sur les enquêtes internes :
Yves m’a appelé début août pour me prévenir. C’était mieux qu’un mail. Je savais que ça allait arriver, je lui ai répondu : « OK, je vais dire tout ce qui me semble possible de dire, si je ne peux plus bosser parce que j’ai fait ci ou j’ai fait ça et que c’est répréhensible, in fine, la boîte en sortira meilleure. » Et aujourd’hui, à peine rentré de vacances, j’ai répondu aux questions pendant deux heures.
Pour autant, il admet avoir vu de lui-même des burn out à Ubisoft Montpellier, mentionnant un concept artist qui a craqué devant lui, mais sans lui donner de réelles explications, laissant Michel Ancel dans le flou :
Je n’ai pas compris si son burn out était lié à la personne qui travaillait avec lui directement ou si c’était moi, ou l’interaction de cette personne avec moi. Est-ce qu’il avait trop de responsabilités ? J’aurais aimé avoir l’explication, il aurait fallu que je la cherche. Par pudeur, je n’ai pas osé. Ça aurait été bien qu’on vienne m’en parler. Je n’ai jamais su si c’était une maladresse de ma part, ou une sollicitation trop importante.
Michel Ancel et le jeu vidéo, c'est donc de l'histoire ancienne, et Beyond Good and Evil 2 ne lui appartient en effet plus. Visiblement, il faudra encore attendre de très longues années avant de pouvoir découvrir ce gros jeu d'Ubisoft Montpellier, qui vient tout juste d'entrer en production. Pour les plus motivés, vous pouvez déjà précommander le jeu à 69,99 € sur Amazon.fr.
Clint008 Rédacteur - Testeur |