Watch Dogs Legion : Voici la troisième mouture de la franchise Watch Dogs, et Ubisoft n'arrive pas à la faire évoluer.
Voyage en perfide Albion
Watch Dogs est désormais une licence connue de tous, Ubisoft l'a lancé en 2014 avec un opus à Chicago avec Aiden Pearce, puis nous a emmenés à San Francisco aux côtés de Marcus Holloway. Désormais, direction le Vieux Continent et le Royaume-Uni, d'ailleurs parfois surnommé la perfide Albion. Le studio a-t-il enfin ajusté sa recette pour nous proposer un vrai nouvel épisode ? Les défauts des deux précédents volets ont-ils été corrigés ? Réponse dans ce test.
Une recette typique des jeux Ubisoft, monotone et peu passionnante.
« Mon nom est Légion, car nous sommes nombreux ». Voilà ce qu'écrivait St Marc dans son évangile, et c'est sans doute de là que vient le sous-titre de ce troisième épisode, Watch Dogs Legion. Après un attentat attribué à tort à DedSec et orchestré par Zero-Day, le collectif de hackers implose, une cinématique nous explique que le Royaume-Uni a décidé de confier la gestion de la sécurité à Albion, une entreprise privée gérée par Nigel Cass. La criminalité baisse, mais DedSec veut laver son honneur en prouvant que les vrais terroristes sont Zero-Day, un mystérieux groupuscule voulant « rebooter » le monde, même si cela doit passer par des milliers de morts. Des gars pas vraiment sympas, donc... Sauf que cette fois, pas de beau héros ou belle héroïne charismatique pour mener DedSec dans son projet, le joueur ne contrôle pas de personnage principal, mais des Agents, recrutés n'importe où en ville, avec des capacités uniques. Nous reviendrons sur ce que cela implique en termes de gameplay, mais pour ce qui est du scénario, cette idée est quand même un demi-échec.
Watch Dogs Legion, c'est donc le réel sentiment de lever une armée de révolutionnaire, de lancer un soulèvement dans le Royaume-Uni, de s'allier à n'importe qui pour contrer Albion et Zero-Day. N'importe qui croisé dans la rue, du sportif musclé à l'intello en passant par la dame âgée, peut être recruté par le joueur pour devenir un Agent et rejoindre DedSec, à condition tout de même d'effectuer une courte mission pour les aider avant cela. Problème, il n'y a pas de vrai personnage principal, le joueur ne peut pas vraiment s'identifier à qui que ce soit et se rattache aux personnages secondaires, qui sont soit plats, soit ennuyants. Et nous ne parlons même pas de la voix insupportable de Bagley, l'IA très bavarde qui accompagne le joueur tout au long de l'aventure... L'histoire principale, qui ne réserve d'ailleurs que peu de surprises, se divise en quatre gros chapitres, DedSec devant à chaque fois enquêter et affronter une faction ou un groupuscule ennemi, jusqu'à une sorte de boss final. Une recette typique des jeux Ubisoft, monotone et peu passionnante, qui met ici en avant des révolutionnaires punks aux motivations parfois purement anarchistes, mais façon lycéen rebelle.
Bu(g)ckingham Palace
Watch Dogs Legion compense cette absence d'histoire intéressante par une vraie ambiance, celle d'un Londres légèrement futuriste, avec une technologie de pointe omniprésente, des écrans d'affichage lumineux partout, des voitures autonomes ou encore des drones militaires et civils, le tout mêlé avec les monuments et places célèbres de la capitale anglais, à l'instar de King Cross, Buckingham Palace, Piccadilly Circus et Trafalgar Square.
Watch Dogs Legion propose des décors riches.
Un melting pot vraiment réussi, les amoureux de l'Angleterre ont de quoi être ravis. Londres est vivante, l'accent britannique, qu'il soit chic (celui de la Reine) ou campagnard (Brad Pitt dans Snatch) renforce l'immersion, de même que la présence de voitures qui, si elles ne sont pas nommées, ressemblent fortement à des Mini Cooper, Aston Martin, Jaguar... Cerise sur le gâteau, les musiques qui passent à la radio dans les véhicules nous transportent avec des titres d'Architects, Steven Wilson, Alt-J ou encore Gorillaz, le voyage est total.
Graphiquement parlant, le jeu d'Ubisoft se place dans le haut du panier des titres en monde ouvert. Passons sur le léger aliasing qui se fait sentir sur certaines textures, c'est du détail, mais Watch Dogs Legion propose des décors riches, avec des effets de fumée et des reflets nombreux (merci la pluie anglaise), des visages crédibles, mais génériques, et de la végétation dans les parcs propres, sans plus. Techniquement, c'est un peu plus compliqué... le clipping est quasiment absent, il faut dire que les rues étroites de Londres laissent peu de place aux vastes étendues, mais nous avons tout de même rencontré deux gros bugs lors de notre partie, nous obligeant à chaque fois à quitter la partie, voire l'application.
La première fois, ce fut lors d'une cinématique où notre Agent discutait avec un PNJ, il s'est retrouvé dans le mur, c'est rigolo, le personnage coupé en deux et sortant des briques façon fantôme. Beaucoup moins amusant, lorsqu'à la reprise de la partie, notre Agent est passé au travers du sol, avec une magnifique vue sous la carte. Obligation de revenir au menu du jeu... Pire encore, vers la fin de l'aventure, en lançant une cinématique, l'écran est devenu noir, avec cette fois l'obligation de quitter le jeu puis de le relancer complètement. Ubisoft et les bugs, une grande histoire d'amour, c'en serait presque beau si cela n'était pas aussi agaçant. Malheureusement, le doublage français est à télécharger à part du jeu, et n'était pas disponible lors de notre test, impossible donc de le juger, même si l'aventure est évidemment plus crédible en anglais. Les Agents bénéficient de lignes de dialogues doublées, avec de nombreuses voix, c'est plutôt bien fait, mais aucune ne se démarque vraiment. Cependant, les sous-titres français sont bien là, l'occasion d'admirer une sorte de censure, remplaçant les « fucking » (ou « focking », avec l'accent de pilier de comptoir) par des termes plus corrects, comme « franchement ». Ubisoft... franchement ?
Agents Double Zéro
Du côté du gameplay, Watch Dogs Legion n'innove pas vraiment. Le jeu est orienté vers l'infiltration, demandant de pirater les caméras pour repérer les lieux de l'action, voire carrément effectuer des objectifs à distance, les Agents étant équipés d'un Arachnobot, un petit robot à huit pattes pouvant se faufiler dans les conduits et hacker certains éléments de lui-même, sans intervention humaine physique.
Les gunfights ne sont pas très passionnants, la faute surtout à une absence totale de feeling des armes.
Pour le coup, ça ne change pas des précédents opus, mais heureusement, il y a quelques nouveautés, comme la possibilité de contrôler des drones de cargaison, de larges robots volants qui peuvent donc être enfourchés pour élever l'Agent dans les airs et ainsi atteindre des endroits normalement impossibles, ou du moins difficiles d'accès. Car oui, il faut tout de même régulièrement effectuer les objectifs soi-même, en intervenant manuellement sur des ordinateurs ou serveurs, et les drones de cargaison sont ici bien pratiques. Toujours pour rester discret, les Agents disposent d'armes à impulsion électrique non létale, c'est silencieux et efficace avec un tir dans la tête, mais quand les choses dégénèrent, mieux vaut avoir une seconde arme plus efficace sous la main, à équiper avant d'entrer dans une zone interdite via le menu, car une fois en mission, impossible de piquer celles des ennemis abattus.
Et là, eh bien, Watch Dogs Legion devient un shooter à la troisième personne classique, le joueur se cachant derrière des obstacles pour éviter les tirs ennemis, vise et vide son chargeur sur ses opposants, et ainsi de suite au fil des salles. Le smartphone, évidemment toujours de la partie, permet quant à lui d'une simple pression de distraire les ennemis, bloquer quelques secondes les drones ou encore activer des pièges, qui exploseront dès qu'un ennemi passera à côté. Si vous avez déjà joué à un Watch Dogs, pas de surprise en vue de ce côté-là, les gunfights ne sont pas très passionnants, la faute surtout à une absence totale de feeling des armes, qui manquent de punch. Et la rigidité du personnage dans les endroits confinés n'aide pas non plus. Cependant, là où le titre innove, c'est avec son système de combat au corps à corps, ici plus dynamique grâce à des coups classiques, des brise-gardes, des esquives et des contre-attaques qui demandent un peu de réflexes. Dans tous les cas, la santé de l'Agent n'est pas bien grande, quelques balles suffisent à le rendre indisponible pendant une heure (réelle), sauf si le mode Mort Permanente est activé. Là, comme dans la vraie vie, la mort est définitive, vous n'avez plus qu'à recruter un Agent similaire pour compenser.
Et ces Agents, ils peuvent précieux, car chacun a ses atouts, permettant par exemple de mieux résister aux balles, de ne pas avoir de cooldown pour pirater des objets, de pouvoir appeler quand bon lui semble un drone de cargaison, voire de s'infiltrer dans les endroits surveillés par Albion sans éveiller les soupçons. Les armes ont elles aussi leur importance, cela va du fusil silencieux à la grosse mitrailleuse en passant par le pistolet à clou ou la grosse clé à molette pour le corps à corps, c'est vraiment au joueur de trouver l'Agent qui correspond au mieux à son style de jeu, et bien sûr d'en recruter plusieurs pour varier les plaisirs dans Watch Dogs Legion. En réussissant certaines missions, principales ou secondaires, il est même possible de recruter des Agents d'Élite, avec des capacités et armes un peu plus atypiques, à l'instar d'une agent secret équipée d'une montre brouillant les armes ennemies, d'un pistolet silencieux bien puissant et pouvant demander une voiture équipée de lance-roquettes et d'un camouflage optique. Ce qui change du touriste avec son pistolet paralysant qui doit voler un véhicule à chaque début de mission, mais le joueur peut aussi utiliser des Tech Points pour acheter et améliorer des armes et capacités, à attribuer à n'importe quel Agent.
Aquaplaning à Londres
Les véhicules, justement, parlons-en, car c'est encore une fois une catastrophe. Même au bout du troisième épisode, Ubisoft n'arrive toujours pas à rendre la conduite fluide et agréable, les voitures sont lourdes, tournent mal pour la plupart, dérape pour un rien, les sensations de vitesse sont rarement là, il y a une vraie lourdeur dans le gameplay en véhicule qui rend la conduite vraiment insupportable tout au long de l'aventure, et pourtant, des kilomètres de route, le joueur en avale tant les missions aiment le balader aux quatre coins de Londres tel un taxi pour touristes. Et en plus, ils roulent du mauvais côté de la route...
Ubisoft n'arrive toujours pas à rendre la conduite fluide et agréable.
Blague à part, il est possible d'activer un autopilotage en voiture, le véhicule respecte alors le trajet du GPS, mais aussi le code de la route, idéal pour... rien, en fait, tant c'est long et ennuyeux, totalement à l'opposé de ce qu'essaye d'être le jeu (fun), mais au moins, vous pouvez lire vos SMS dans la vraie vie pendant ce temps. Et bien évidemment, avec une conduite désastreuse, les courses-poursuites le sont tout autant, le joueur se cogne n'importe où, pas simple de semer la police d'Albion en pilotant un 3,5 tonnes, rajoutez à cela le piratage des barrières pour tenter de barrer la route de vos poursuivant, et c'est l'accident assuré.
Watch Dogs Legion reste avant tout un jeu en monde ouvert, et son intérêt ne se limite heureusement pas au scénario principal, qui se plie d'ailleurs en une petite quinzaine d'heures, une durée de vie assez respectable (et vu sa médiocrité, point trop n'en faut). Ainsi, les Agents ont accès à tout un tas d'activités secondaires pour s'amuser à Londres, que ce soit des missions de recrutement, des quêtes pour aider d'autres Agents (et parfois même les sauver de kidnapping et d'une mort certaine, très agaçant, car aléatoire...), sans oublier une multitude de petites missions afin d'étendre la propagande de DedSec et contrer celle d'Albion, en sabotant des panneaux d'affichage ou des serveurs par exemple. Ces derniers défis aident à libérer les différents quartiers de la capitale, la population se soulève et le joueur a ainsi accès à des Agents d'Elite. Et à défaut d'avoir un vrai héros, Watch Dogs Legion propose de personnaliser ses Agents de la tête aux pieds dans les nombreuses boutiques de la ville, il y en a pour tous les goûts avec des styles punk, sportif, décontracté ou BCBG, à condition d'avoir un paquet d'ETO en poche, la monnaie in-game.
Sinon, des packs de cosmétiques ou des boosters d'expérience sont à acheter dans la boutique contre de l'argent bien réel, le principe est quand même un peu douteux pour un AAA vendu plein pot, mais cela reste très optionnel heureusement. Ubisoft met également en avant les masques, qui sont revêtus lorsque le joueur entre en combat ou dans une zone interdite, avec le fameux cochon et son cigare évidemment, mais il y a surtout des masques à gaz pas franchement inspirés. Enfin, et allez savoir si cela était prévu depuis le début, un tas de masques sont disponibles pour les Agents en civil, pour se cacher le visage et nous rappeler que dans « le vrai monde réel de la réalité véritable », un virus traîne dehors. Les Agents peuvent se regrouper dans leur base secrète, dans une station de métro fermée, afin de se changer et accéder à une cabine photo pour prendre la pose, avec ou sans marque, devant une statue saccagée, façon punk. Sans oublier l'inévitable mode Photo, à activer n'importe quand pour immortaliser vos plus beaux moments avec de nombreux réglages et effets.
Watch Dogs Legion essaye d'être punk, mais il a bien du mal à se dépêtrer des clichés. Le gameplay n'évolue pas ou peu à pied, l'infiltration se base toujours sur les mêmes principes de pirater des caméras et robots, les gunfights manquent d'intensité, la conduite est une horreur, et le titre d'Ubisoft n'arrive pas à être aussi fun qu'il le voudrait. Avec son scénario pas franchement inspiré ni passionnant, la faute à l'absence de personnages principaux forts, difficile de se plonger dans l'histoire. Reste le système des Agents à recruter, malgré des archétypes vite redondants, le joueur peut se créer une petite équipe de révolutionnaire à son image, en fonction de son style de jeu, mais cela en pâtit tellement sur la campagne que, finalement, ce n'est sans doute pas une idée si géniale. Heureusement que le contenu est au rendez-vous, que les graphismes sont à la hauteur et que l'ambiance anglaise est palpable, ne prenant que les bons points (musiques, voitures, monuments) sans nous imposer les pires (la pluie et la nourriture), pour un voyage au pays de la Reine sympathique, mais pour un troisième volet développé par un studio si majeur, nous en attendions bien plus.
- L'ambiance anglaise
- Recruter et personnaliser des Agents
- Globalement très beau (mais bugué)
- Beaucoup de contenu
- Le scénario morne
- Gameplay rigide dans l'ensemble
- La conduite horrible
- Ni punk ni fun
- Sensation d'un Watch Dogs 1.5.5
Clint008 Rédacteur - Testeur |