14 ans après Dead Space, Glen Schofield revient au survival-horror spatial avec un nouveau titre, et c'est plutôt réussi.
Jacob Lee, fils d'Isaac Clarke ?
Glen Schofield a déjà une carrière impressionnante, son nom est surtout connu depuis 2008 alors qu'il produisait Dead Space en compagnie de son ami Michael Condrey. Un survival-horror à la troisième personne dans un vaisseau spatial qui a terrorisé des millions de joueurs, et qui a eu droit à des suites un peu moins bonnes. Schofield et Condrey ont alors fondé Sledgehammer Games pour développer Call of Duty: World War II, puis Glen a pris une nouvelle route en solitaire avec Striking Distance Studios, appartenant à Krafton. Et qu'a fait Glen Schofield ? Un jeu d'horreur et de tir à la troisième personne dans l'espace. Mais The Callisto Protocol n'est pas Dead Space, ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose.
Il manque vraiment quelque chose pour prendre le joueur aux tripes.
D'abord pensé comme un spin-off de la franchise PUBG, The Callisto Protocol est finalement bien un titre totalement indépendant, avec son propre univers qui nous emmène dans le futur en 2320. Jacob Lee est un simple pilote transportant des marchandises d'Europe, la lune de Jupiter, à Callisto, une lune morte qui abrite une prison de haute sécurité. Une énième livraison qui tourne cette fois mal, après un abordage dans l'espace, un atterrissage musclé et une incarcération dans la prison de Black Iron. Mais pas le temps de se prendre pour Michael Schofield et songer à s'évader, voilà qu'une épidémie transforme tous les détenus en mutants, Jacob va devoir survivre, s'enfuir et découvrir ce qui se trame à Black Iron et sur Callisto.
Difficile d'en dire davantage sur le scénario de The Callisto Protocol sans risquer de spoiler son histoire, dont les grandes lignes se devinent en fait très vite. Au travers de quelques rencontres avec les PNJ lors de cinématiques et de messages audio à dénicher dans les décors, le joueur en apprend davantage sur cette lune morte et son histoire, un récit très axé sur la science-fiction futuriste, mais qui fait écho à des évènements qui ne surprendront pas les habitués du genre. Pas de grosses révélations dans ce scénario, mais quelques moments intéressants et une mise en scène plutôt soignée. Il y a cependant deux petits soucis : les messages audio sont à écouter dans l'inventaire, impossible d'avancer dans le pénitencier en écoutant ces récits parfois glaçants et ouvrir cet inventaire ne met pas le jeu en pause, ce qui n'invite pas vraiment les joueurs à se poser pour les écouter. Mais surtout, le jeu est assez court (nous y reviendrons plus bas), ne laissant pas vraiment le temps aux personnages d'avoir une réelle épaisseur, malgré de bonnes idées et un bon casting porté par Josh Duhamel, Karen Fukuhara ou encore Sam Witwer. Jacob (fils d'Isaac dans la Bible d'ailleurs), n'arrive pas vraiment à être le héros torturé qu'il voudrait être et Dani Nakamura est plutôt sous-exploitée. Par ailleurs, le rythme de la narration est assez saccadé, avec de longs moments dédiés au gameplay et quelques passages faisant enfin avancer l'histoire, qui se termine de manière assez... étonnante, mais un peu frustrante. Il manque vraiment quelque chose pour prendre le joueur aux tripes et le plonger dans une prison réellement horrifique avec un récit innovant et des personnages intéressants.
Monstres de Mahler
Entre deux cinématiques de scénario, il y a heureusement pas mal de gameplay, et là, la comparaison avec Dead Space est évidente, mais The Callisto Protocol introduit quelques éléments nouveaux fort appréciables. Évidemment, Jacob peut se battre avec des armes à feu, mais le cœur des combats réside dans les affrontements au contact, avec une matraque électrique et des esquives.
Un gameplay ultra intense et violent pendant les combats.
Un système de combat assez rebutant au départ, le joueur doit en effet bouger le joystick gauche (qui sert à se déplacer) à gauche ou à droite pour éviter les coups des mutants, avant de contre-attaquer avec des combos en martelant une touche (R2/RT sur consoles). C'est violent, intense, plutôt gore et surtout très stressant lorsqu'il y a plus d'un ennemi à affronter. Mais le gameplay gagne en profondeur en combinant la matraque et les armes à feu, grâce aux combos affichant un réticule de visée après quelques coups. Il faut ici brandir l'arme, qui vise alors automatiquement, puis tirer rapidement sur le mutant pour lui infliger un maximum de dégâts, et le rouer de coups de matraque pour en finir si besoin. Une fois le monstre au sol, il est essentiel de lui asséner un gros coup de pied, d'abord pour le simple plaisir de se défouler après un duel intense, mais surtout pour l'exploser de manière sanglante et récupérer des ressources. Pas de membres à découper ici, mais le côté gore de Dead Space est bien présent dans The Callisto Protocol.
Si le contact n'est pas votre fort, plusieurs armes à feu sont à débloquer au fil de l'aventure, avec essentiellement des pistolets et des fusils à pompe, elles sont soit données pendant l'histoire, soit à obtenir au travers de plans qu'il faut activer à la Forge. Cette dernière, c'est le moment de souffler pour le joueur, une borne physique située (souvent, mais pas toujours) dans un lieu sans danger pour fabriquer des armes, des munitions ou une seringue de soin, mais aussi améliorer son arsenal, à condition d'avoir assez de crédits, une monnaie plutôt rare. Dans notre partie, nous étions loin d'avoir amélioré tout l'équipement à la fin du jeu, des choix sont à faire en fonction de vos préférences, mais les armes à feu sont surtout ici secondaires, le titre vous invite beaucoup à tabasser les mutants avec la matraque, la faute à des munitions plutôt rares et qui partent vite, mais aussi grâce au G.R.P..
Le G.R.P., en voilà un nom compliqué pour ne pas parler de stase comme dans Dead Space. Rapidement, Jacob met la main sur un gant capable de modifier la gravité des objets, et surtout des ennemis. Il est alors possible d'attirer les mutants vers soi pour les isoler et les matraquer, mais également de les repousser pour mettre de la distance et leur tirer dessus ou de les balancer dans certains éléments du décor pour les éliminer de manière sanglante et rapide. Mélangez ainsi la matraque, les combos, les armes et le G.R.P., et vous avez là un gameplay ultra intense et violent pendant les combats, qui demandent une attention de tous les instants et quelques réflexes. Autant dire que la mort arrive régulièrement, et elle est toujours violente. Les développeurs se sont amusés à créer de nombreuses animations sanglantes lors du décès de Jacob, en fonction de l'ennemi, mais aussi de l'environnement. C'est amusant au début, surtout pour les amateurs de gore, mais un peu moins lorsque les exécutions s'enchaînent lors de passages un peu corsés, notamment contre des boss qui auraient mérité quelques animations supplémentaires. Par ailleurs, la transition entre la séquence de gameplay et la cinématique de mort fait parfois tache, avec un faux raccord qui casse l'immersion, une animation 100 % in-game aurait sans doute été meilleure. Au final, le sujet des animations de mort a beaucoup fait parler de lui, mais il reste très anecdotique dans The Callisto Protocol.
Battre le fer tant qu'il est noir
Notons également tout un chapitre dédié à l'infiltration, avec des monstres aveugles, il est facile de les contourner et de les éliminer discrètement, l'intelligence artificielle est très permissive, mais cela reste logique dans le lore du jeu. Là encore, dommage que les animations pour suriner ces créatures soient au nombre de deux, lorsqu'il faut enchaîner parfois une dizaine d'exécutions discrètes, le spectacle est vite rébarbatif.
Le titre mise tout sur son ambiance sanglante et poisseuse, et sur ses combats stressants.
Entre les combats, le joueur peut prendre le temps d'explorer l'environnement, mais ce point est très limité, nous sommes là sur un survival-horror plutôt linéaire, avec quelques chemins alternatifs pour trouver des ressources, à condition souvent d'affronter des ennemis supplémentaires. Une exploration très limitée, mais comme la santé et les munitions baissent vite, c'est souvent nécessaire de prendre des risques, et c'est surtout l'occasion d'admirer la direction artistique de The Callisto Protocol, très sympathique, mais pas vraiment novatrice. Black Iron est une prison futuriste très classique, avec quand même beaucoup de béton pour l'an 2320, même si dans la seconde moitié du jeu, nous avons droit à des murs plus viscéraux pour une atmosphère moins froide et plus angoissante, sans oublier un trop court passage glacial. De manière générale, les environnements sont oppressants, les couloirs sont étriqués, les monstres peuvent sortir de n'importe où (notamment de trappes aux murs et aux plafonds) et les traces de sang sont nombreuses. Même hors des combats, le joueur ne fait pas le fier, il ne passe pas trop de temps dans l'inventaire pour vérifier ses munitions au risque de se faire surprendre. Petite mécanique intéressante, le soin se fait avec une injection très longue, impossible de se soigner en plein combat, et même après avoir vaincu un ennemi redoutable, l'action de se soigner demande du courage. Clairement, The Callisto Protocol ne laisse pas le temps de souffler, la mort peut venir de n'importe où, c'est du pur survival-horror spatial, à savourer dans le noir. Cela passe aussi par une interface totalement in-game, dont une barre de santé affichée dans le cou de Jacob, comme dans Dead Space.
Mais s'il y a bien un point qui nous a déçu dans The Callisto Protocol, ce sont les monstres. À l'exception de quelques créatures clairement inspirées des créations de Rob Bottin (The Thing), les ennemis sont ici des humains infectés par un parasite les transformant plus ou moins en monstres tentaculaires, mais jamais assez pour être vraiment lovecraftien, ils ressemblent davantage aux Plagas de Resident Evil 4 et tournent assez vite en rond au fil de l'aventure. Un design un peu plus original ou avec davantage de variété n'aurait pas été du luxe, même si encore une fois, la faible durée de vie empêche de réellement apporter de gros changements au fil des quelques chapitres. Nous avons ainsi terminé le jeu en un peu plus de huit heures, en fouillant de nombreux recoins (mais pas tous) pour dénicher les messages audio. La durée de vie évolue évidemment en fonction du niveau de difficulté (Facile, Normal ou Difficile) et du talent du joueur dans les combats, certains peuvent être recommencés pendant de longues minutes. La rejouabilité n'est cependant pas inexistante, rien que pour refaire l'histoire en augmentant la difficulté ou en cherchant les journaux manquants, mais un ou deux chapitres supplémentaires auraient permis de prolonger l'expérience et de lui donner davantage de saveur. Revenons quand même sur le côté survival-horror de The Callisto Protocol, qui ne fait pas vraiment peur. Comprenez par là que le titre est avare en jump scares, et c'est une bonne chose, il mise tout sur son ambiance sanglante et poisseuse, et sur ses combats stressants, grâce à des ressources limitées. Du pur survival qui arrive quand même à fonctionner, un ennemi attaquant discrètement par surprise et par derrière est toujours plus efficace qu'un monstre sautant devant vous en criant, le joueur est constamment aux aguets, heureusement que le jeu est découpé en chapitres pour faire des pauses.
Enfin, un petit mot sur la partie technique, nous avons testé The Callisto Protocol dans sa version PlayStation 5, avec par défaut le mode Qualité pour de meilleurs graphismes, mais un framerate limité à 30 fps. Et là, c'est vraiment une claque graphique, les développeurs ont visiblement eu toutes les ressources qu'ils voulaient pour proposer un rendu photoréaliste ultra détaillé, participant grandement à l'immersion. Les textures sont soignées et crédibles, l'éclairage est maîtrisé et plonge les joueurs dans une atmosphère lourde, sans oublier les visages des acteurs recréés à la perfection, donnant souvent l'impression d'être face à un film (avec de la CGI autour, évidemment). Les peaux suent, le sang coule, le froid du béton est presque palpable, c'est un régal pour la rétine. Cependant, la limitation des images par seconde peut agacer, il y a heureusement le mode Performances pour améliorer le framerate. Là, c'est plus fluide et plus agréable pendant les combats, et pourtant, la qualité graphique n'est pas si détériorée. Les textures sont un peu moins clinquantes, il y a un peu moins de détails, mais le rendu reste encore ici magnifique. L'environnement sonore est lui aussi réussi, avec des bruits et cris glaçants, des doublages français très convaincants et les messages radio directement diffusés dans le haut-parleur de la DualSense, un régal pour l'immersion (et pour bondir lorsqu'un PNJ vous contacte). C'est cependant sur ce seul point que la manette de la PS5 est utilisée de manière originale, le pavé tactile ne sert à rien et les gâchettes adaptatives comme les vibrations haptiques sont très discrètes.
Alors, The Callisto Protocol, une réussite ? Eh bien oui, force est de constater que Striking Distance Studios connaît déjà parfaitement son sujet, et Krafton a donné les moyens à Glen Schofield et son équipe pour réaliser un survival-horror intense, violent et stressant. Le titre souffre cependant de la comparaison inévitable avec Dead Space, et force est de constater qu'en matière de narration, le titre de Visceral Games maîtrisait mieux ce point pour diluer le mystère et étirer le dénouement. Il n'en reste que The Callisto Protocol propose un gameplay vraiment intense, une atmosphère sombre et sanglante, et une réalisation technique à couper le souffle, il serait dommage de bouder son plaisir face à ses petits défauts qui savent vite se faire oublier. Et ce n'est pas comme si Dead Space allait revenir sur consoles modernes prochainement. Oh...
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- Une ambiance gore et sombre
- Des combats nerveux et violents
- Une tension de tous les instants
- Visuellement très réussi
- Un digne successeur à Dead Space...
- Un poil court
- Des monstres au design peu inspiré
- Le scénario pas si palpitant
- … sans arriver à égaler son génie.
Clint008 Rédacteur - Testeur |