Bethesda nous emmène faire un voyage dans l'espace, avec de belles promesses pas toujours tenues.
À la conquête d'un nouveau monde
The Elder Scrolls V: Skyrim et Fallout 4. À la simple évocation de ces deux noms, les fans de jeux de rôle occidentaux ont des étoiles dans les yeux. Les deux titres de Bethesda Softworks brillent par leurs univers atypiques, leur contenu monstrueux, leurs mécaniques de gameplay et leurs quêtes bien écrites. Bon, nous restons positifs et n’évoquons pas Fallout 76, tout le monde fait des erreurs. Avec Starfield, Bethesda voulait entrer dans une autre dimension, celle de l’exploration spatiale, en reprenant la formule qu’il connaît si bien pour l’appliquer à l’espace : des planètes à explorer, des vaisseaux à piloter, des quêtes à accomplir, le programme s’annonçait fabuleux. Mieux réalisé que No Man’s Sky, plus accessible que Star Citizen et plus frais que Mass Effect, Starfield faisait rêver tous les amateurs de science-fiction. Mais Starfield, c’est beaucoup de bonnes idées recyclées, et autant de mauvaises mécaniques qui ne fonctionnent pas. Explications dans notre test, toujours sans spoiler.
« Fallout 4 dans l’espace ».
L’aventure de Starfield débute alors que nous incarnons un simple mineur sur une planète extraterrestre, il faut dire que notre bonne vieille Terre n’est plus habitée depuis un moment. La mission est simple : descendre dans les profondeurs et récolter des minerais, jusqu’à tomber sur un étrange artefact qui résonne curieusement en nous, déclenchant une vision énigmatique. C’est le début d’une aventure qui nous emmènera aux quatre coins de la galaxie, une quête centrée sur les artefacts et sur Constellation, un organisme privé qui vise à explorer les confins de l’espace, avec ses membres hauts en couleur. Des personnages qui finalement donnent vie à la mission principale, grâce à leur tempérament, leurs doutes et leurs questionnements, c’est toujours un régal d’échanger avec eux, même si la VF est assez inégale (et la synchronisation labiale aux fraises). Car la quête principale est totalement en demi-teinte, d’abord très obscure, puis ennuyeuse, jusqu’à un dernier arc plus palpitant mais au final.. qui laisse les joueurs sur leur faim. Nous n’en dirons évidemment pas davantage, mais la conclusion de Starfield fascine autant qu’elle divise, tout le monde ne sera pas sur la même longueur d’onde. D’ailleurs, Bethesda a vu les choses en grand, comptez plus de 20 heures en vous focalisant sur la quête principale, ce qu’absolument personne ne fait, tant il est tentant de papillonner à gauche à droite, de faire des missions secondaires ou même d’entretenir des relations plus qu’amicales avec nos compagnons de Constellation. La présence à nos côtés d’un de ces compagnons est totalement optionnelle, mais elle apporte de nombreux avantages. Déjà, cela évite la solitude dans l’espace, il participe aux combats, peut déclencher des dialogues alternatifs, porter quelques objets pour nous et même nous ouvrir son cœur, à condition de faire des choix qui vont dans leur sens.
Si Starfield a souvent été comparé à un « Skyrim dans l’espace », c’est faux. Le dernier né de Bethesda emprunte bien plus à son dernier jeu solo, nous avons là un « Fallout 4 dans l’espace », et le gameplay ne devrait pas perturber les habitués du RPG post-apocalyptique, à tel point que nous avons tenté d’activer le V.A.T.S. pendant la partie. Si vous débarquez dans le monde de Bethesda, il convient quand même de revoir les bases. Starfield est un jeu de rôle à la première personne, qui peut aussi se jouer à la troisième personne, avec un personnage à créer en début de partie à l’aide d’un outil très complet, et une fiche de renseignement débloquant certaines compétences. Un jeu de rôle, dans le sens où le joueur choisit comment faire évoluer son personnage : spécialiste des armes à feu ou laser, diplomate charismatique, voleur discret, pro du pilotage, les possibilités sont nombreuses, et mieux vaut se spécialiser rapidement dans certaines branches pour profiter pleinement des options de gameplay. Par exemple, pour devenir un as du pilotage et ainsi avoir la possibilité de grimper à bord d'énormes vaisseaux, il faut d’abord déverrouiller les précédents paliers et détruire plusieurs vaisseaux ennemis. C’est le cas pour toutes les compétences, Starfield vous demande de les appliquer pour avoir la possibilité de les améliorer avec un point de compétence, et ceux-ci ne sont pas si nombreux, se débloquant au passage d’un niveau.
Des compétences qui sont bien utiles pour accomplir à votre manière les différentes missions du jeu, même si là, le côté RPG en prend un coup. Le joueur peut totalement résoudre la plupart des conflits en discutant, et en persuadant des PNJ d’aller dans son sens, mais ces dialogues résultent d’une logique étrange, qui fait plutôt penser à une roulette russe. Dès lors que vous avez votre spécialité (bourrin, beau parleur, furtif, etc), il est bien difficile de s’en détacher et d’accomplir la mission d’une autre manière. Une dimension de jeu de rôle trop limitée et frustrante, à l’exemple des PNJ majeurs : impossible de les tuer, ils tomberont seulement à terre pour se relever, le jeu ayant trop peur de vous bloquer définitivement une mission, même si elle ne concerne qu’une faction secondaire que vous n’aimez pas. Une formule déjà vue chez Bethesda qu’il aurait été bon de faire évoluer une bonne fois pour toute et ainsi faire de Starfield un vrai RPG où les choix et les actions comptent vraiment pour le joueur et la suite de l’aventure. Cela concerne également la quête principale : oui, des choix sont à faire, mais le dénouement reste quand même sensiblement le même au final. Là où Starfield arrive quand même à être un jeu de rôle très sympathique, c’est dans la variété (et la richesse) des missions secondaires. Globalement, nous pouvons à-peu-près tout faire. Des assassinats, des vols, du recouvrement de dettes, des livraisons, les missions liées aux factions sont d’ailleurs assez passionnantes, davantage parfois que la quête principale, donnant envie au joueur de tout faire, de tout explorer, mais rapidement, Starfield montre ses limites, qu’elles soient virtuelles ou bien réelles.
♫ Là bas, dans les étoiles ♫
Avec son RPG dans l’espace, la promesse de Bethesda était de nous permettre d’explorer les galaxies et les planètes, il y a 1 000 au total, même si seulement 10 % d’entre elles abritent de la vie. Mais rapidement, le joueur découvre que tout cela n’est que de la poudre aux yeux, et ce dès le premier décollage.
Bethesda a vu les choses en grand, en trop grand.
Car contrairement à No Man’s Sky, la navigation spatiale ne se fait pas en temps réel dans Starfield, c’est une succession de petits écrans de chargement. Une fois assis dans votre vaisseau, il faut décoller, ce qui lance une vidéo, puis nous arrivons enfin dans l’espace pour naviguer librement sur quelques kilomètres, se rendre à une station en orbite de notre planète de départ, rencontrer des PNJ ou affronter les pirates de l’espace. Pour aller plus loin, il faut rouvrir sa carte, sélectionner une galaxie, une planète et enfin un point d’atterrissage, afin de se poser. L’immersion en prend un coup, il est dommage de ne pas pouvoir se déplacer dans l’infinité de l’espace plus facilement, le joueur en a vite marre de s’astroporter toutes les cinq minutes, et même une fois sur la planète… eh bien gare à ne pas trop vous éloigner de la zone, sous peine de vous manger un joli message d’avertissement, aussi appelé « mur invisible » dans le jargon, tout cela rappelle le premier Mass Effect. Là, l’immersion est définitivement enterrée, même s’il faut reconnaître que la plupart des zones sont grandes, et l’atterrissage se fait proche du lieu d’intérêt, il n’y a pas grand chose à faire à côté. Et là aussi, Bethesda a vu les choses en grand, en trop grand. Les planètes sont nombreuses, les lieux à explorer le sont tout autant, mais ils tournent en rond, avec les mêmes centres de recherches, les mêmes mines abandonnées, etc. Après plusieurs dizaines d’heures, le joueur est parfois réticent à explorer, car il se doute de ce sur quoi il va tomber au loin. Un comble, même s’il a toujours cette petite voix qui nous invite à marcher un long moment, « au cas où un loot épique ou légendaire s’y cacherait ».
Pourtant, Starfield a quand même de nombreuses qualités, les mêmes que nous retrouvions déjà dans Fallout 4, à commencer par les compositions d’Inon Zur (Syberia, Prince of Persia, Dragon Age, Fallout), une bande originale épique qui nous invite au voyage dans les étoiles, tout en ponctuant les séquences d’action et les moments forts de l’histoire. Le contenu est monstrueux, il y a toujours quelque chose à faire, les missions sont variées et très bien écrites, avec un tas de rencontre de PNJ amusants, le joueur peut aussi construire des avants-postes plutôt complets sur les planètes pour personnaliser son petit chez-soi et miner les ressources locales (dommage que l’interface soit aussi austère et le placement des éléments si imprécis), ou encore modifier ses armes. Pour le coup, la direction artistique de Starfield est un régal pour les fans de science-fiction, nous avons là des armes, balistiques ou à laser, à l’esthétique variée, et personnalisable à souhait, à condition d’avoir la bonne compétence et les ressources adéquates. Idem pour les combinaisons spatiales, c’est ultra crédible, avec un côté rétrofuturiste, et le joueur se prend à l’envie de jouer à la troisième personne pour admirer sa tenue, même si, comme toujours dans les jeux Bethesda, dès que l’environnement est un peu restreint, le passage en vue FPS est obligatoire pour s’y retrouver. Une vue bien plus pratique pour les gunfights également, et pour le coup, les développeurs ont fait des efforts, la sensation de tir est bien plus plaisante que dans Fallout 4, les animations sont fluides et uniques pour chaque type d’armes, le joueur s’amuse à en changer régulièrement pour changer de style de gameplay régulièrement, c’est vraiment fun… malheureusement, l’IA des ennemis est loin de permettre des combats vraiment grisants et dynamiques, se contentant de se cacher derrière des abris ou de nous foncer dessus s’ils ne sont équipés que d’une arme au corps-à-corps. De toute façon, le jeu n’est pas bien difficile, les munitions et kits de soin sont légion, il suffit d’équiper sa meilleure combinaison et sa meilleure arme du moment pour faire un ravage.
La guerre ne change jamais, même dans l'espace
Autre fonctionnalité, propre à Starfield cette fois : la personnalisation de vaisseaux. Le joueur peut améliorer son navire spatial et rajouter des modules pour créer le vaisseau de ses rêves, une fonctionnalité intéressante, mais l’interface est une véritable catastrophe, c’est compliqué et frustrant pour pas grand chose, et lorsqu’il y a une erreur dans la construction, le jeu nous le dit… mais n’indique pas où elle se situe.
Une galère pour les cleptomanes et les accumulateurs compulsifs.
Un autre point qui a de quoi agacer, c’est l’encombrement. Dans Starfield (et dans la vraie vie), tout a une masse, le joueur a donc un inventaire limité, il faut alors vendre certains objets ou les stocker dans sa base. Problème, les coffres à construire ont un espace très limité, et après quelques heures de jeu, le joueur se retrouve avec des ressources, combinaisons et objets à ne plus savoir quoi en faire, si ce n’est à les déposer au sol dans un avant-poste au cas où ils serviraient plus tard. Chose impressionnante, quasiment tout peut être ramassé ou déplacé, alors bien sûr, c’est tentant de se remplir les poches pour se faire des crédits faciles ! Une galère pour les cleptomanes et les accumulateurs compulsifs, qui font régulièrement des aller-retour pour vendre à des marchands (aux crédits limités chaque jour) ou balancer dans sa base ces items, tout étant persistant. Car lorsque l’inventaire est plein, impossible de se téléporter à pied, et se déplacer consomme de l’O2, qui est en fait une barre d’endurance. Une fois vide, le CO2 grimpe, et si la jauge est pleine, c’est la barre de points de vie qui commence à diminuer, autant dire qu’il faut faire de petits sprints pour marcher lentement pour éviter les dégâts inutiles.
Nous parlions juste au-dessus des vaisseaux, car même si l’exploration dans l’espace est très limitée, eh bien nous avons quand même droit à des combats en orbite des planètes, avec un gameplay accessible mais quand même assez intelligent. Rassurez-vous, c’est très simple, le joueur doit d’abord attaquer le bouclier ennemi, puis la coque du vaisseau ennemi pour le détruire, à l’aide de différentes armes, tout en gérant son propre navire. Ce dernier a un réacteur principal, avec un certain nombre de points de ressources, à attribuer aux armes, au moteur, au bouclier et à l’astromoteur. Ce dernier sert uniquement pour les voyages entre les planètes, il est donc possible de le « couper » en lui retirant ses points de ressources temporairement, et les attribuer aux armes pour faire davantage de dégâts, au bouclier pour avoir une meilleure protection ou au moteur pour foncer sur de courtes distances à vive allure. Et mine de rien, entre cette gestion, la visée et la touche pour réparer son vaisseau au cas où, le joueur a pas mal de choses à faire pendant les combats dans l’espace, c’est dynamique, nerveux et intense, avec un vrai sentiment de satisfaction à la destruction du dernier vaisseau d’une bande de pillards, alors que le nôtre fume et sonne dans tous les sens, au bord de l’explosion.
La SF du passé
Enfin, il est temps d’aborder un point majeur de Starfield : ses environnements, sa direction artistique globale, et sa technique. Car le RPG de Bethesda est exclusif aux PC et Xbox Series X|S, nous étions en droit d’attendre une expérience taillée pour les machines de dernière génération, mais malheureusement, c’est le jour et la nuit, parfois au sein de la même planète.
Starfield est d’un autre âge.
Artistiquement, Starfield est souvent très beau. C’est un plaisir pour les fans de science-fiction, les tenues, armes, vaisseaux et villes majeures sont magnifiques, variées et crédibles, l’émerveillement face à de nouvelles choses est constant tout au fil de l’aventure principale, avec souvent de très beaux effets d’éclairage. Cependant, il faut aussi compter sur des environnements plus austères, comme les mines et les centres de recherches, qui recyclent les mêmes éléments encore et encore, sans arriver à étonner le joueur après quelques heures de jeu, et aux textures très disparates.
Techniquement… c’est compliqué. Starfield est d’un autre âge, et il passe surtout après certains AAA qui ont mis la barre très haut en termes d’animations, de création de ville vivante et de mise en scène des dialogues. Bethesda continue d’utiliser le Creative Engine, évidemment amélioré depuis toutes ces années, mais les vieux défauts sautent aux yeux. Les animations des PNJ sont rigides, les visages sont souvent figés, la synchronisation labiale est ratée en version française, et il n’y aucune mise en scène dans les dialogues. Lorsque le joueur discute avec un personnage, ce dernier se tourne en notre direction pour nous faire face et nous regarder avec des yeux vides, c’est très robotique malgré une modélisation assez bien réalisée. Dès lors, eh bien toute tentative de créer une ville crédible et vivante est loupée, nous naviguons dans des allées et rues très jolies, avec plus ou moins de PNJ qui font leurs vies, mais toujours avec cette sensation de voir des modèles 3D rigides suivre des lignes. Pour des villes présentées comme des hubs intergalactiques, c’est décevant, surtout après avoir passé des heures à Night City dans Cyberpunk 2077 par exemple. Sans parler des inévitables bugs made in Bethesda, nous avons eu droit à la totale sur notre PC Gamer Cybertek Level 9 : des freezes, des crashs, des PNJ volants, des discussions qui ne se lancent pas, nous avons loupé un moment émouvant de la quête principale car il était impossible de lancer le dialogue, nous demandant de choisir la solution alternative à la mission, beaucoup moins intéressante. C’est frustrant, croisons les doigts pour que des patchs corrigent ces soucis. Heureusement, sur PC, il y a déjà une pléthore de mods, notamment pour améliorer les performances et la stabilité, mais les problèmes fondamentaux de conception seront toujours là.
Starfield nous a déçu, car il souffre de la comparaison avec d’autres titres. Le monde est moins vivant que Cyberpunk 2077. La dimension RPG est moindre que dans Baldur's Gate 3. L’exploration est plus limitée que dans No Man's Sky. La quête principale est moins passionnante que celle de Mass Effect. Les PNJ sont moins bien animés que la plupart des AAA du moment, et la quête principale est moins rythmée que certains concurrents. Des bugs, il y en a, c’est rageant mais globalement pas si dérangeant. Mais là où Starfield déçoit, c’est par son exploration très limitée, trop encadrée par ces zones limitées et ses environnements recyclés. Mais Starfield reste un jeu Bethesda, le studio n’a rien perdu de son talent pour contenter les amateurs de jeu de rôle en monde ouvert, il est grisant de créer son personnage et de se lancer dans sa propre aventure en choisissant une faction, en améliorant ses compétences, en croissant des PNJ amusants et en suivant des missions palpitantes, sans oublier d’exploser quelques vaisseaux pirates en chemin. Un pur RPG à la Bethesda, qui ne révolutionne pas grand chose, qui frustre autant qu’il séduit. Fallout 4 dans l’espace, en somme.
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- La direction artistique totalement réussie
- Les missions, surtout de faction, passionnantes
- Le gameplay varié en fonction du style du joueur
- Les combats spatiaux, intenses !
- La bande originale, un régal
- Le contenu monstrueux
- La magie de Bethesda opère toujours
- L’exploration finalement limitée à des zones, frustrants
- Trop de coupures et chargements pour le moindre voyage en s’astroportant
- La quête principale en dents de scie
- L’aspect jeu de rôle souvent trop limité, surtout dans les dialogues et choix
- Techniquement d’un autre âge (animations des PNJ, synchronisation labiale, textures inégales)
- La version française en demi-teinte
- L’ergonomie compliquée (inventaire, construction de vaisseaux)
Clint008 Rédacteur - Testeur |