Konami et HexaDrive livrent une courte expérience en vue à la première personne qui arrive à faire mouche.
Stiller Hügel
Lors du dernier PlayStation State of Play, Konami a publié une bande-annonce pour les combats du remake de Silent Hill 2, décevant au passage tous les fans de l’opus original, mais il a surtout lancé directement sur le PS Store Silent Hill: The Short Message, une aventure free-to-play exclusive à la PS5 qui fait parler d’elle depuis quelques années déjà. C’est le premier projet réellement jouable depuis P.T., le teaser du Silent Hills de Hideo Kojima annulé en 2015. Nous avons donc rallumé notre PS5 pour découvrir ce nouveau titre gratuit, une expérience courte mais éprouvante, qui aurait pu être bien meilleure.
Silent Hill: The Short Message rappelle P.T., mais il est loin d’en avoir son génie.
Silent Hill: The Short Message prend étonnamment place en Allemagne, en 2022, bien loin de la ville originale (et fictive) située aux États-Unis. Une adolescente, Anita, se réveille dans un immeuble en ruines, réputé pour ses nombreux suicides d’étudiants et laissé à l’abandon suite à la crise du COVID-19. Anita est à la recherche de son amie Maya, une jeune artiste et camarade de classe, tout en échangeant des textos avec Amélie, une autre amie, mais se retrouve visiblement coincée dans cet immeuble désert et lugubre. Équipée de son smartphone pour s'éclairer, Anita s’aventure dans ce lieu, mais elle n’est clairement pas seule et va surtout devoir faire face à des horreurs bien plus psychologiques.
Avec sa caméra à la première personne et son gameplay plutôt lent, Silent Hill: The Short Message rappelle évidemment P.T., mais il est loin d’en avoir son génie pour la mise en scène et les énigmes. Très simpliste dans son déroulé, le jeu est ici un titre axé sur la narration, il n’y a qu’une seule petite énigme pendant la partie, qui se plie en deux à trois heures sans trop de rejouabilité. Un walking simulator comme il en existe tant, tout le gameplay passe dans l’exploration des couloirs et appartements de l’immeuble, avec des notes à lire pour connaître le contexte. Côté gameplay, c'est une vraie déception, car il y avait mieux à faire : une DualSense dans les mains du joueur, un smartphone dans celui de l'héroïne, mais rien d'intelligent pour utiliser tout cela, les mécaniques utilisant la manette de la PS5 sont ici totalement absente, c'est très dommage. Deux ou trois petites idées auraient transformé Silent Hill: The Short Message en vrai jeu d'horreur moderne, faisant un peu plus rager les fans de P.T..
Il reste donc la narration par l’écrit, au travers de cinématique ou encore via des séquences en live-action sous forme de flashbacks, tout le scénario tournant autour d’Anita, Maya, Amélie et leur relation. Là, c'est un autre soucis qui se pose : le début de l'aventure est raté, les dialogues sont mal écrits et font très clichés, Anita n'arrête pas de parler seule à haute voix, le rythme s'en retrouve cassé (en plus d'être interrompu par les cinématiques). Et pourtant... la suite du jeu se révèle bien meilleure en terme d'écriture, en abordant des sujets lourds comme la dépression, l’automutilation, le suicide ou encore le harcèlement scolaire, des thèmes clairement dans l’air du temps, avec des séquences parfois très visuelles et une vraie justesse dans son propos, qui fait surtout effet en fin de partie. Une aventure courte donc, mais éprouvante pour certains joueurs, rappelant que la franchise donne avant dans l’horreur psychologique, et non dans l’action. En deux heures, le jeu arrive à aborder ces sujets difficiles, avec tout de même parfois l'impression de les survoler. La faute sans doute à la faible durée de vie, mais également à une certaine pudeur. Au final, il vaut mieux ça plutôt que de mettre les pieds dans le plat sans subtilité, ce qu’ont évité de faire les développeurs ici. Car après tout, l’horreur psychologique, c’est le joueur lui-même qui la crée.
L'Esprit Silent Hill
Silent Hill: The Short Message propose quand même quelques rares séquences un peu dynamiques, Anita devant échapper à une créature (designée par Masahiro Ito) dans des couloirs labyrinthiques, qui deviennent de plus en plus effrayants au fil du jeu. Des phases pas forcément exceptionnelles, elles restent trop classiques pour du survival-horror, même une certaine tension arrive à s'installer grâce à ces couloirs lugubres, métalliques, aux textures parfois effrayantes. L’esthétique des environnements sales et rouillés est toujours bien présente, dommage qu’il faille courir, impossible de les admirer dans le feu de l’action. Reste des décors plus originaux, avec des murs recouverts de notes du des morceaux de papier, l’effet est impressionnant, bien que différent de l’esprit Silent Hill.
Silent Hill: The Short Message montre que la franchise peut encore exister en 2024.
De manière générale, la réalisation technique de Silent Hill: The Short Message est soignée. Le titre est plutôt impressionnant, sauf pour les visages qui auraient mérité une meilleure animation. Pour le reste, c'est beau les environnements sont truffés de détails, les textures sont sales, la mise en scène arrive à nous faire sursauter avec des effets simples mais jamais criards et le sound design nous met totalement dans l’ambiance, à l’instar du smartphone qui crépite lorsque la créature se rapproche, comme la radio dans les précédents opus. Malgré son atmosphère différente, le titre est bien ancré dans la franchise, une note d’un journal évoque un syndrome tiré de la ville Silent Hill, réputée pour ses disparitions, syndrome qui s’étend désormais partout dans le monde, surtout après la pandémie.
Une note des plus intéressantes, sans doute pilier de ce que sera la franchise à l'avenir. La ville de Silent Hill appartient au passé, les vieux joueurs ont fait le deuil de la licence depuis SH 4: The Room (voire SH 3), les jeunes joueurs ne la connaissent pas encore, le free-to-play Silent Hill: The Short Message sera sans doute une porte d'entrée pour beaucoup. Silent Hill n'est plus qu'une ville, c'est un syndrome brumeux, obscur et rouillé, touchant des personnes en proie au mal-être qui doivent faire face à leurs démons, qu'ils habitent aux États-Unis, en Allemagne ou au Japon. L'anthologie a toujours fait partie de la licence, les premiers opus de la saga ont marqué toute une génération de joueurs, place à l'ère des Silent Hill modernes. Les nostalgiques peuvent quand même se délecter de la bande originale composée par Akira Yamaoka, qui propose des thèmes oscillant toujours entre la mélancolie et l'horreur, mais également une chanson en guise de générique de fin chantée par Esther Ortega Canto, remplaçante de Mary Elizabeth McGlynn sur les récentes tournées du compositeur japonais.
Silent Hill: The Short Message n’est pas P.T., et c'est dommage, car le gameplay et les énigmes auraient mérités une bien meilleure place dans ce jeu. Il n’est pas non un réel nouvel épisode à la troisième personne, qui sait d'ailleurs si cette caméra fera son retour en dehors de remakes, mais il montre que la franchise peut encore exister en 2024. L’horreur psychologique, avec des thèmes sérieux et graves, est au cœur de cette expérience narrative et l’ambiance arrive à être oppressante, voire parfois stressante pendant les séquences de fuite. Un lieu inquiétant, des personnages torturés, c'est ce qui a fait la renommée de la licence. Masahiro Ito et Akira Yamaoka sont encore de la partie, de quoi ravir les fans qui attendaient depuis des années de les revoir à l’œuvre, les monstres et musiques ne dépayseront pas les nostalgiques.
Silent Hill: The Short Message est au final un titre intéressant, pas toujours bien écrit, qui aurait mérité un meilleur gameplay, mais qui arrive à trouver une vraie justesse dans son propos, avec de bonne idée de mise en scène et des décors lugubres à souhait, posant sans doute les bases de ce que seront les prochains jeux inédits de la franchise Silent Hill. Après Silent Hill: Ascension et la campagne promotionnelle du remake du second volet orienté sur l'action, Silent Hill: The Short Message a quand même quelque chose de rassurant. Et puis, c'est gratuit (si vous avez une PlayStation 5), difficile de faire la fine bouche pour une grosse publicité jouable offerte par Konami.
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- Des thèmes graves et sérieux abordés
- L’horreur psychologique, la vraie
- Une mise en scène soignée
- Techniquement plutôt beau
- Malgré la caméra et le lieu, l'esprit Silent Hill est bien là
- Le début de l'aventure poussif dans son écriture
- Les séquences de fuite trop classiques
- Le gameplay sous-exploité
- Un sentiment de trop peu (mais le jeu est gratuit, rappelons-le)
Clint008 Rédacteur - Testeur |