Senua’s Saga: Hellblade II : La guerrière psychotique est de retour, mais elle traine toujours ses démons du passé.
Aller simple pour l'Islande
Ninja Theory est enfin de retour. Réputé pour ses jeux d’action et d’aventure (Heavenly Sword, Enslaved: Odyssey to the West, DmC: Devil May Cry), le studio avait brillé en 2017 avec Hellblade: Senua’s Sacrifice. Un titre nous rammenant au IX siècle auprès de Senua, une guerrière picte atteinte de psychose et qui voulait à l’époque s'aventurer à Helheim pour sauver l'âme de Dillion, son amant décédé. Un jeu développé en totale indépendance, qui brillait par son atmosphère, sa mise en scène, sa bande originale, la prestation de Melina Juergens et son traitement très crédible de la psychose. Ninja Theory appartient désormais à Microsoft, il s’est un peu perdu avec Bleeding Edge, mais il est de retour en 2024 avec Senua’s Saga: Hellblade II, premier jeu de la Xbox Series X|S annoncé dès 2019. Autant dire que les attentes étaient grandes, mais l’aventure de Senua souffre encore de nombreuses imperfections…
Il suffit de pousser le joystick vers l’avant sans réfléchir.
Le deuil de Dillion est désormais fait, Senua cherche désormais à se venger et compte bien retrouver l’assassin de son compagnon, un esclavagiste résidant en Islande. Quelle meilleure idée pour l’atteindre que de volontairement se faire capturer et emmener en bâteau jusqu’à lui ? C’est le plan initial de l’héroïne dans Senua’s Saga: Hellblade II, qui se déroulait très bien jusqu’à un naufrage. Échouée sur les côtes islandaises, Senua est totalement seule… du moins physiquement. Dans sa tête, les Furies sont toujours là, ces voix qui lui parlent, la conseillent, commentent ses actions, la jeune guerrière souffre évidemment encore de psychose, mais ce ne sera pas le thème principal de cette suite. Rapidement, le côté claustrophobique, quasiment intime, du premier opus est effacé, Senua rencontrant de vraies personnes pour l’accompagner dans sa quête. Le scénario de cette suite devient tout de suite bien plus classique, avec de nombreux dialogues entre les personnages, un objectif clair et des péripéties parfois téléphonées, même si Senua’s Saga: Hellblade II conserve une bonne dose de fantastique, avec de nombreuses références à la mythologie islandaise.
Une mythologie qui se développe dans l’histoire principale, mais également au travers de stèles à découvrir dans l’environnement, sorte de collectibles pour les joueurs qui aiment un peu explorer. Pour les atteindre, il convient cependant d’utiliser la Concentration, une capacité de Senua qui lui permet de voir des choses que les autres personnages ne perçoivent pas. En plus de ces stèles, la Concentration sert également aux quelques énigmes qui ponctuent l’aventure dans Senua’s Saga: Hellblade II. Bon, Ninja Theory n’est pas allé bien loin, il reprend les mécaniques des formes à aligner pour former un symbole en se plaçant au bon endroit, avec le bon angle de vue, c’est très inintéressant et ultra simple, tant tous les environnements sont linéaires. La route à suivre tout au long du jeu se dessine devant Senua, il suffit de pousser le joystick vers l’avant sans réfléchir. D’autres types d’énigmes font leur apparition, demandant de rapporter des orbes sur un pilier central en modifiant l’environnement, toujours grâce à la Concentration, ça ne va pas chercher bien loin, mais c’est au moins suffisamment basique pour ne pas trop casser le rythme du jeu, particulièrement lent.
La vraie next-gen, enfin !
Car oui, pendant la majorité du temps, les joueurs de Senua’s Saga: Hellblade II vont marcher, parfois courir, toujours tout droit. Un véritable walking simulator linéaire qui ne propose quasiment aucune exploration, seulement un dépaysement total en Islande du IX siècle. C’est chiant ? Oui. C’est beau ? Oh que oui !
Le plus beau jeu actuellement sur le marché.
Senua’s Saga: Hellblade II peut être qualifié du plus beau jeu actuellement sur le marché, c’est de la folie tant Ninja Theory nous propose là des graphismes photoréalistes qui en mettent plein la vue. Les paysages, d’abord, sont sublimes, plutôt variés et sont une invitation à tout plaquer pour aller élever des moutons dans la campagne de Reykjavik. Les développeurs ne s’y sont pas trompés en ajoutant un mode Photo (day one, sans mise à jour post-lancement, merci !) accessible d’une pression de la touche Haut de la croix directionnelle tant Senua’s Saga: Hellblade II est un jeu à screenshot. Les visages, ensuite, sont sans doute les modèles les plus détaillés et crédibles jamais proposés dans un jeu vidéo, la mise en scène use et abuse de gros plans sans trembler, s'attardant sur les pores de la peau, les yeux (surtout ceux de Melina Juergens), les barbes ou encore les joues sur lesquelles coulent la pluie. C’est une véritable claque visuelle, que ce soit du côté de la technique ou de la direction artistique.
Ninja Theory arrive à sublimer tout cela grâce à sa mise en scène, très soignée et dynamique, avec une vraie volonté de ne laisser aucun temps mort dans l’aventure. Bon, il y a quand même pas mal de phases de gameplay où il faut se contenter de marcher droit devant soi, mais la caméra accélère parfois pour réaliser les ellipses bienvenues, s’envole dans les airs pour tourner autour des personnages, etc. Les développeurs se sont lâchés et c’est un véritable régal, surtout accompagné d’effets visuels fantastiques, dépeignant la psychose de Senua ou simplement son angoisse. Les couleurs osent ne pas être réalistes, avec notamment un personnage énigmatique apparaissant régulièrement en contre-jour derrière un halo rouge vif, nous rappelant Alan Wake 2. Une autre (longue) séquence s’inspire d’une œuvre totalement différente, à savoir le film The Descent de Neil Marshall. Ninja Theory ne cache pas son amour pour le cinéma, le format 2:39 avec ses grosses bandes noires en haut et en bas de l’écran nous rappelle que Senua’s Saga: Hellblade II est avant tout un jeu narratif et cinématographique, qui se vit comme un film, sans rejouabilité et avec une durée de vie assez faible, le titre se terminant en sept à huit heures environ (Harry Roselmack non inclus).
Duels aux sommets de l'Eyjafjallajökull
Bon, ne soyons pas mauvaise langue, le jeu propose quand même autre chose que des énigmes chiantes et des phases de marche chiantes (mais attention, c’est beau !). L’aventure est ponctuée de combats pour le moins originaux dans leur approche. Senua se bat, armée d’une épée, contre un seul ennemi à la fois.
La véritable impression d’être sur un champ de bataille.
Le gameplay est simple, avec un coup rapide, une attaque lourde, la possibilité de parer (avec un avantage en parant au bon timing) et une esquive, pas question de réinventer la roue de ce côté là.Cependant, la mise en scène est particulièrement réussie et rend chaque affrontement dynamique, unique et ultra violent. Lorsque Senua élimine un adversaire, un autre apparaît non loin, souvent en lui sautant dessus, ne laissant aucun répit au joueur qui doit brandir son épée de nouveau, jusqu’à avoir vaincu tout le monde. Tout cela sans aucune coupure, en temps réel, avec la véritable impression d’être sur un champ de bataille, surtout lorsque Senua est accompagné d’autres personnages à ses côtés. Le jeu propose quatre modes de difficulté, les incontournables Facile, Moyen et Difficile, mais également un mode qui s’adapte en fonction du niveau du joueur, rendant les combats plus facile si vous galérez, ou plus simple si vous êtes bon. C’est avec ce mode que nous avons parcouru la majorité de l’aventure, sans mourir trop souvent et avec la satisfaction de batailler contre certains ennemis. Si jamais les combats sont trop difficiles, Senua a la possibilité d’utiliser sa Concentration pour ralentir le temps et enchaîner les attaques, sinon, eh bien un tas d’options d'accessibilité sont présents, et pas seulement pour les batailles.
Des combats cinématographiques, comme le reste de l’aventure, qui sont intensifiés par les chants diphoniques du groupe Heilung qui résonnent pendant la bataille. Du grand art ! Et comme dans le premier volet, c’est une chanson dans une toute autre ambiance qui clôture cette aventure, cette fois signée par la Norvégienne Aurora. Les autres musiques tout au long du jeu se font discrètes, c’est bien dommage tant elles sont envoûtantes quand elles se font entendre. Toutefois, le sound design se démarque, avec un mixage pensé pour les casques audio pour retranscrire au mieux la psychose et les voix des Furies. Enfin, évoquons le doublage, car les personnages sont plus nombreux dans Senua’s Saga: Hellblade II que dans le premier volet, mais absolument tout le monde ici est parfait dans son rôle, avec évidemment Melina Juergens au centre, mais elle est entourée de PNJ à l’accent islandais prononcé, l’immersion est réussie. Dommage tout de même que le titre ne soit proposé qu’avec des voix anglaises, car il est particulièrement loquace, même pendant les combats, Senua discutant avec des personnages tout en entendant les voix des Furies dans sa tête, il ne faut pas loucher pour lire les sous-titres (en français, ouf), une VF aurait peut-être été appréciable.
Soyons honnête, le titre de ce test peut faire sourire, mais il résume parfaitement ce qu’est Senua's Saga: Hellblade II. Ninja Theory a mis du temps pour accoucher de cette suite, conservant tout ce qui avait fait la réussite du premier opus, poussant les potards à fond dans certains domaines, mais en oubliant de corriger certains soucis. Les énigmes sont vraiment bâteau, le gameplay se résume à marcher ou à se lancer dans des combats qui n’évoluent pas au fil du jeu, l’exploration est inexistante et la rejouabilité est absente. Cependant, Senua’s Saga: Hellblade II propose une direction artistique magnifique, des paysages sublimes, une réalisation technique folle et des combats originaux dans leur mise en scène. Le jeu est souvent chiant comme un documentaire Arte, mais il arrive quand même à capter notre attention grâce à ses qualités, pour au final nous faire passer un moment loin d’être désagréable. Et pour mettre cette pauvre chaîne de télévision qui n’a rien demandé de côté, concluons pour dire que Senua’s Saga: Hellblade II est un jeu fait pour le PC/Xbox Game Pass. Qui va payer 49,99 € pour un jeu narratif exclusivement numérique, pauvre en gameplay, qui se termine en moins de huit heures et sans rejouabilité ? Pas grand monde. Mais si vous avez un abonnement au Game Pass, Senua’s Saga: Hellblade II vous occupera le temps de quelques soirées, un jeu linéaire à savourer lumières éteintes et casque sur la tête pour en profiter au mieux. Senua’s Saga: Hellblade II, c’est un jeu vidéo à la limite d'être moyen, mais une expérience intense qu’il serait dommage de bouder.
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- C'est magnifique !
- Les paysages islandais
- La mise en scène originale
- Les combats intenses et violents
- La psychose toujours aussi bien traitée
- La prestation de Melina Juergens, parfaite
- Le sound design immersif
- Encore une fois, c'est beau hein !
- Le gameplay redondant et souvent chiant
- Les énigmes toujours peu passionnantes
- La durée de vie trop courte, sans rejouabilité
- Ça cause beaucoup, parfois difficile de tout suivre en VO
Clint008 Rédacteur - Testeur |