Scorn : Voilà un jeu d'aventure pas très terrifiant, mais dégoutant, qui ne laisse pas indifférent et va jusqu'au bout des choses.
Alien, le passager inconnu
Après des années d'attente, Ebb Software livre enfin Scorn, un jeu d'horreur atmosphérique à la première personne qui s'était fait remarquer lors de son annonce grâce à ses environnements inspirés des œuvres de Hans Ruedi Giger, artiste suisse célèbre pour son style « biomécanique » et créateur du Xénomorphe dans les films Alien. Autant dire que le voyage promettait des sensations dantesques, mais Scorn est très imparfait.
Scorn dégoûte et c'est là une très bonne chose.
Le joueur incarne ici un homme, ou du moins un être humanoïde qui se réveille dans un lieu totalement inconnu, à l'ambiance de science-fiction horrifique. Les murs ne ressemblent à rien de connu sur Terre, amas d'éléments organiques et mécaniques, de la chair est disséminée un peu partout et il règne une atmosphère oppressante, le joueur pouvant presque sentir l'odeur de sang derrière son écran. Tout au long de son aventure, Scorn dégoûte et c'est là une très bonne chose. Ebb Software ne s'est pas retenu et propose ici un véritable hommage aux créations de H.R. Giger, avec des décors horriblement fascinants, nous emmenant dans un monde inconnu dans la pure lignée d'Alien, le huitième passager de Ridley Scott.
L'environnement biomécanique est un plaisir à explorer, à la fois angoissant, troublant et captivant, les textures suintent, un voile brumeux envahit parfois la pièce, le sang maquille les recoins et les corps décharnés viennent rajouter une touche encore plus horrifique. Il faut cependant reconnaître que l'inspiration de l'artiste suisse est un peu trop présente, au point que Scorn pourrait être un jeu officiel de la licence Alien/Prometheus, les clins d'œil sont d'ailleurs nombreux à ces films, sans que les artistes du jeu aient rajouté leur propre patte à l'ensemble. Les seuls autres éléments qui ne rappellent pas H.R. Giger font écho à d'autres œuvres, comme le body horror typique de David Cronenberg, avec des armes organiques dans le pur esprit d'eXistenZ ou des corps ensanglantés et joufflus rappelant les films de Peter Jackson (époque Bad Taste et Brain Dead). Un mélange d'influences logique, qui fonctionne terriblement bien et qui hante les joueurs au fil de l'aventure, le poussant à avancer dans le jeu pour découvrir de nouvelles folies visuelles. Dommage que l'ambiance sonore soit si en retrait, ne proposant que de légères nappes atmosphériques sans réel impact.
Scorn est donc un jeu qui fait la part belle à l'exploration, avec des zones assez labyrinthiques et quelques éléments interactifs pour résoudre des énigmes. Des casse-têtes qui peuvent rappeler Myst, dans une tout autre ambiance évidemment, même si les habitués du genre n'auront pas bien de mal à en venir à bout. La plupart des puzzles demandent simplement d'explorer ces couloirs oppressants pour trouver des objets, les modifier de façon grotesque et sanglante et les utiliser à un autre endroit pour avancer dans le niveau. Quelques énigmes sont quand même un peu plus complexes, posant le joueur devant un puzzle fixe, mais en tâtonnant plus ou moins longtemps, la solution finit par apparaître (parfois un peu au hasard). Le principal intérêt est de découvrir quelles idées horribles ont eu les développeurs pour mettre en scène ces casse-têtes, demandant souvent d'effectuer des actions sanglantes sur des êtres déformés, mais visiblement encore vivants et en pleine souffrance. Oui, même pour terminer un simple puzzle, il faut avoir le cœur bien accroché en jouant à Scorn, le titre n'est pas à mettre dans toutes les mains, les non-initiés aux œuvres horrifiques et gore vont vite être choqués.
Esprit ouvert, les tripes à terre
Malheureusement, entre deux énigmes, les développeurs ont eu la mauvaise idée de mettre des ennemis, à l'apparence bien moins inspirée que les environnements (ce qui a un sens dans le lore, nous y reviendrons). Des monstres purement organiques, ne ressemblant pas à grand-chose et qui tournent vite en rond. Une créature rampante crachant du poison, une autre plus petite capable de tirer des boules de sang (et qui ressemble à un mix entre un poulet et le SCP-173) et un colosse ultra résistant capable de charger le joueur, vous avez là la quasi-intégralité du bestiaire de Scorn.
Scorn ne tente pas de raconter une histoire un peu bateau, ce sont les décors qui parlent ici.
Des bestioles moches, mais pas dans le bon sens du terme, donnant lieu à des affrontements lourds, mous et poussifs. Scorn est un jeu de survie, le joueur est d'abord équipé d'une arme à piston (comme la bouche du Xénomorphe) frappant violemment au corps-à-corps, mais avec un énorme temps de recharge après deux coups. Il faut ainsi frapper deux fois en croisant les doigts pour éviter le coup ennemi, s’enfuir le temps que l'arme se recharge avec un long cooldown et revenir à l'assaut, parfois plusieurs fois selon l'ennemi. Heureusement, au fil de l'aventure, trois autres armes se débloquent, dont un pistolet et une sorte de fusil à pompe, des armes organiques au design particulièrement soigné et réussi, mais les munitions sont tellement rares que le joueur évite de les utiliser trop souvent. D'ailleurs, pour récupérer des balles et de la santé, il faut trouver des distributeurs dans les niveaux, des objets là encore ultra soignés avec un design collant parfaitement à l'ambiance globale, fascinant et rebutant à la fois. Scorn est divisé en grandes zones, comptez environ cinq heures pour arriver à la fin du jeu, si vous arrivez à ne pas craquer devant l'avant-dernière zone bourrée d'ennemis et pas bien passionnante, mais la fin de l'aventure vaut clairement le détour pour son côté artistique fou... un peu moins pour son histoire.
Eh oui, abordons le scénario de Scorn, ou plutôt l'absence de scénario. Le jeu d'Ebb Software plonge le joueur dans ce monde inconnu sans aucune indication et, tout au long de l'aventure, aucun texte ni aucune réplique ne se fait entendre. Libre aux joueurs d'explorer les environnements et de faire attention aux détails pour essayer de comprendre où ils sont et ce qu'il se passe (ou ce qu'il s'est passé) ici. Bon, il faut quand même avoir pas mal d'imagination, mais au moins, Scorn ne tente pas de raconter une histoire un peu bateau, ce sont les décors qui parlent ici, il faut être sensible à la science-fiction et accepter de ne pas tout comprendre vraiment ce qui se teint sous vos yeux, sous peine d'être frustré. Il y a tout de même un fil rouge tout au long de l'aventure, difficile de parler de scénario, mais au moins, il s'inscrit parfaitement dans le lore et le gameplay pour ne pas choquer, tout en créant de l'empathie pour le personnage contrôlé par le joueur.
À première vue, avec sa direction artistique fantastique et horrifique jusqu’au-boutiste, Scorn avait de quoi rappeler Agony, titre de Madmind Studio qui nous emmenait littéralement en Enfer et qui s'est avéré être plutôt mauvais. Rassurez-vous, Scorn est bien mieux. Techniquement déjà, le titre d'Ebb Software est très joli sur un PC gamer Cybertek Level 9, avec des textures soignées, riches en détails et de jolis effets de fumés. Nous n'avons croisé aucun souci technique, si ce n'est de petites erreurs de collisions, mais dans l'ensemble, le jeu déroule le tapis rouge au joueur, un peu trop peut-être. Les énigmes sont assez abordables pour les habitués du genre et les combats sont rarement punitifs, ramenant le joueur mort à un point de sauvegarde automatique. Parfois un peu loin, mais lorsqu'il sait ce qu'il faut faire, il revient vite là où il était, pour recommencer cet affrontement... lent et peu passionnant. C'est vraiment le gros point noir de Scorn, ses combats sont à oublier et n'arrivent pas à créer de réelle tension (d'ailleurs, le jeu ne fait pas vraiment peur). Un simulateur de marche dans des décors Gigeriens aurait presque été souhaitable, car au final, le jeu vaut le détour essentiellement pour ça. Si vous aimez l'horreur, le gore, le body horror, les créations biomécaniques grotesques, Scorn vaut sacrément le détour tant des jeux allant jusqu'au bout de leurs idées artistiques sont rares. Si vous recherchez seulement des énigmes ardues ou de l'action, passez votre chemin.
Scorn est disponible sur PC et Xbox Series X|S ainsi que dans le Game Pass, vous pouvez le retrouver contre 35,99 € sur GOG.com.
- Une direction artistique totalement réussie
- Une véritable plongée dans le monde de H.R. Giger
- Une mise en scène macabre pour les énigmes
- Les armes dans le pur style de Cronenberg
- Un lore obscure qui laisse place à l'imagination
- Des combats lourds
- Des énigmes assez simples pour les habitués
- Durée de vie très courte (5h)
Clint008 Rédacteur - Testeur |