TEST Ghosts ‘n Goblins Resurrection : le die & retry d’antan est-il au goût du jour ?
par Christophe ÖttlPour un remake, Capcom a plus joué la carte de la restauration que de la refonte.
Le dernier roi des gosses
Le récit d’Arthur, paisiblement allongé dans l’herbe au côté de sa dulcinée et arborant son plus beau caleçon, n’est pas le plus chevaleresque qui soit. C’est pourtant celui que Capcom nous racontait il y a 36 ans. Une vieille histoire de plateforme 2D que nous avons appris à aimer malgré sa tendance à jouer avec nos nerfs. Pour cet anniversaire un peu spécial, l’éditeur nippon a remis le couvert avec l’une de ses plus vieilles licences. Le RE Engine en guise d’antiride fait son petit effet, Ghosts ‘n Goblins Resurrection nous donne envie d’aimer les jeux rétro. Les artistes qui ont bossé sur ce remake se sont d’ailleurs montrés très respectueux du produit d’origine. Les yeux d’experts reconnaissent les mêmes mimiques, certaines animations identiques, et très souvent les mêmes morceaux de niveau, à la plateforme près. Nous savons dès les premiers instants que ce remake est sous le signe de l’hommage. Un statu quo au goût doux-amer qui rappelle probablement à certains des souvenirs, mais sont-ce les meilleurs ?
S’il ne fallait juger que le travail de conservation de Capcom, alors probablement que Ghosts ‘n Goblins Resurrection serait un chef-d’œuvre.
Disons-nous le franchement avant d’aller plus loin : pas sûr que Ghosts ‘n Goblins Resurrection soit à mettre entre toutes les mains, encore moins celles des jeunes joueurs d’aujourd’hui. Évidemment, ces derniers ne partagent pas les mêmes réminiscences que les quadras ou quinquagénaires, mais il serait surtout compliqué de leur faire comprendre pourquoi un titre de 2021 a l’air d’être bloqué en 1985. Si la direction artistique a une douce odeur de rétro, la prise en main sent quant à elle la poussière avec un zeste de rouille. Arthur se contrôle avec la même lourdeur d’antan. Sa course est relativement lente, mais ce n’est rien comparé à ses sauts faiblards qui sont, en plus du reste, impossibles à doser en plein vol. Ajoutons à ses tares son incapacité à lancer ses projectiles en diagonales et nous avons là un jeu qui est parfaitement dans la norme de ce que nous pouvions attendre dans les années 80. C’est précisément notre propos, Capcom a choisi de rester fidèle jusqu’au bout au Ghosts ‘n Goblins d’antan, quitte à se tirer une balle dans le pied à cause de sa maniabilité d’un autre âge. Un gameplay qui pourrait faire fuir les curieux ou ceux qui auraient gardé un souvenir enjolivé par les années.
Ce n’est pas le seul qui n’a pas changé, pour le meilleur et pour le pire. Prenez le level design. Capcom a gardé les mêmes valeurs pour ce qui est des niveaux piégeux et des plateformes improbables. Il en va de même pour les spots d’apparitions des ennemis, volontairement vicieux et exploitant parfaitement toutes les limitations du pauvre Arthur. Tous les détails sont là pour nous faire revivre une authentique expérience de die & retry à l’ancienne. Là encore, nous ne pouvons nous empêcher de relever l’évidence : Ghosts ‘n Goblins Resurrection est daté dans sa manière de penser la plateforme 2D et à vrai dire assez punitif dans son genre. Notre chevalier passe son temps à se faire agresser par une multitude d’ennemis qu’il n’arrive pas toujours à toucher.
Et quand ça n’est pas le cas, il y a toujours cette bonne vieille plateforme. Celle qui est juste assez éloignée pour nous faire tomber si notre saut n’est pas sur le dernier pixel de la plateforme précédente. Il est compliqué de critiquer la difficulté nécessaire pour ce genre de titre. En revanche, cette prise de position fait une nouvelle fois passer le titre de Capcom pour un jeu de niche destiné uniquement à ceux qui ont joué à l’original de 1985. Sa volonté de rester accroché aux valeurs du passé nous donne surtout l’impression que ce remake n’est qu’une simple refonte graphique. Vous nous direz, le public concerné n’en attend certainement pas moins, mais il est tout de même bien dommage que Capcom n’ait pas tenté de faire autre chose avec son monument vidéoludique qu’une simple madeleine de Proust.
Capcom, ait pitié de nous
Nous sommes légèrement injustes, car ce remake tente quand même des choses. Rien qui ne nous fasse oublier les impressions mentionnées plus haut, mais nous apprécions les quelques tentatives pour essayer de nous ménager un peu. Arthur qui ne meurt pas en deux coups, c’est déjà un net progrès. Il en faut désormais le double pour venir à bout du chevalier, mais ne vous inquiétez pas, cela arrive plus souvent que nous le voudrions. Heureusement pour vous, les vies sont illimitées et les checkpoints assez fréquents contrairement à avant. C’était notre principale inquiétude en voyant ce titre aussi conservateur. Il faut croire que les développeurs ont quand même essayé de rendre la notion de die & retry plus abordable que par le passé. Autant vous dire que la découverte des drapeaux qui ponctuent les niveaux est aussi forte émotionnellement que celle des feux de camp dans Dark Souls.
Nous ne sommes pas mécontents de découvrir aussi de nouvelles armes ou encore deux nouveaux niveaux. Pas de quoi allonger énormément la durée de vie de Ghosts ‘n Goblins Resurrection qui plafonne comme son ancêtre entre cinq et dix heures de jeu selon votre succès. Néanmoins ce genre d’ajouts correspond à ce que nous attendions d’un tel remake. L’intégration de compétences magiques à débloquer ne dénature en rien l’expérience, mais vient au contraire enrichir ce personnage aux capacités habituellement lamentables. Nous pouvons dire la même chose de la coop ou des quatre niveaux de challenge qui nous confortent dans l’idée que la difficulté, aussi frustrante soit-elle par moment, est mieux dosée que nous voulons bien l’admettre. Le titre propose d’ailleurs de lui-même d’abaisser le niveau d’exigence du jeu en cas de morts répétées, chose qui nous est arrivée très souvent.
S’il ne fallait juger que le travail de conservation de Capcom, alors probablement que Ghosts ‘n Goblins Resurrection serait un chef-d’œuvre. Mais si comme nous vous vous demandez ce qu’apporte ce titre en 2021, la réponse est sans appel. Ce remake volontairement daté a renoncé d’entrée de jeu à séduire les joueurs d’aujourd’hui en refusant la modernité. Il se coupe ainsi de sa principale cible, les adeptes du rétro, pour se concentrer uniquement sur les joueurs de 1985 qui aimeraient éventuellement retrouver la torture psychologique d’antan. Nous regrettons ce traditionalisme excessif, car les quelques tentatives de modernisation sont pourtant les bienvenues.
- De la magie, des armes, des niveaux… ce qui est vraiment attendu d’un remake
- Difficulté punitive, mais mieux dosée
- Plusieurs niveaux de difficulté
- L’expérience Ghosts ‘n Goblins parfaitement retranscrite
- Un gameplay beaucoup trop daté
- Un platformer un peu trop sadique par moment
- Un remake qui ressemble surtout à une refonte graphique