Quentin De Beuk et Atelier QDB livrent un premier jeu réussi de bout en bout, une vraie expérience d’horreur psychologique !
Espoir
Le jeune studio français Atelier QDB a un CV pour l’instant complètement vierge, mais il développe depuis un moment Decarnation, un jeu d’aventure et d’horreur psychologique à l’esthétique rétro, qui s’est payé le luxe de faire appel à Akira Yamaoka pour composer certaines musiques. Un projet qui attise la curiosité des amateurs de jeux narratifs, et nous avons pu y jouer avant sa sortie. Un titre français déjà incontournable ?
Le joueur est souvent mal à l’aise face aux horreurs qu’affronte Gloria.
Decarnation nous ramène dans le Paris de 1990, aux côtés de Gloria. La danseuse de cabaret est en proie à de nombreux doutes, sa carrière ne décolle pas vraiment alors qu’elle approche des 30 ans, ses relations avec sa mère et sa petite amie ne sont pas idéales, mais elle tente de garder la tête hors de l’eau, notamment en posant nue pour un sculpteur. L’œuvre est exposée dans une galerie de la capitale, mais alors que Gloria emmène son amie Joy pour l’admirer, elle fait une rencontre qui va la terrifier. Ce n’est que le début d’une véritable descente aux Enfers, la jeune femme va se reconstruire pour échapper à ses démons (mais pas seulement) au fil des chapitres qui composent le jeu.
Trop en dire sur le scénario de Decarnation desservirait le jeu, tant l’aspect narratif est au cœur de ce titre. Sachez simplement que le carton d’avertissement au lancement de la partie n’est pas là par hasard, le jeu arrive avec brio à instaurer en quelques minutes une atmosphère lourde et pesante, abordant des sujets réalistes et graves tout en nous plongeant petit à petit dans un univers bien plus horrifique, le joueur évoluant aussi bien dans le vrai monde que dans les cauchemars de Gloria, la frontière entre les deux est d’ailleurs souvent bien fine. De l’horreur psychologique parfaitement maîtrisée, Atelier QDB connaît son sujet, le scénario s’inspire partiellement de La Bête Aveugle, mais le studio français va aussi piocher du côté de Perfect Blue et Mulholland Drive, le joueur est souvent mal à l’aise face aux horreurs qu’affronte Gloria, grâce à des dialogues bien écrits (même la traduction aura droit à un patch au lancement pour corriger quelques coquilles) et surtout la direction artistique très bien pensée.
Intuition
Les développeurs ont opté pour des graphismes 2D en pixel art, et le rendu est magnifiquement dérangeant. Les environnements sont remplis de détails, l’œil du joueur se balade pour les admirer jusqu’à souvent remarquer de nombreuses symboliques, et Atelier QDB s’amuse parfois à les déformer pour nous faire douter de la réalité, renforçant cette ambiance étouffante.
Une direction artistique réussie, avec de bonnes idées.
Mais c’est surtout sur les personnages que les développeurs se sont lâchés, avec ici un vrai hommage au body horror. Les corps sont déformés, torturés, exagérés, à la fois fascinants et dérangeants, les visages passent de l’innocence à l’horreur en une fraction de seconde dans le pur esprit des dessins de Junji Ito, le jeu nous laisse rarement souffler. Une direction artistique réussie, avec de bonnes idées, même si parfois, nous ne savions pas trop s’il s’agissait de vrais petits bugs visuels ou d’effets volontaires un peu étranges.
Et pour nous laisser admirer ces décors, nous avons droit à quelques énigmes, qui ne sont pas trop prises de tête, mais qui s’inscrivent parfaitement dans l’histoire. Cela demande un peu de jugeote et de réflexion, parfois quelques essais infructueux, mais Atelier QDB utilise ces séquences d’énigmes pour caler des moments terrifiants, lorsque le joueur s’y attend le moins. Oui, il y a de rares effets réellement horrifiques dans Decarnation, c’est subtilement bien amené et ce ne sont pas de vulgaires jump scares, mais bien des choses dérangeantes, mettant encore un peu plus mal à l’aise le joueur pendant sa partie. Le titre réussit l’exploit d’être parfois assez éprouvant, mais le joueur a quand même bien du mal à lâcher le clavier ou la manette.
Courage
Le clavier, justement (nous avons testé le jeu sur PC), sera mine de rien un peu mis à l’épreuve, car Decarnation n’est pas qu’un simple jeu d’exploration avec des bulles de texte, les développeurs ont voulu retranscrire la plongée en Enfer de Gloria grâce à un gameplay varié.
Des nappes atmosphériques dérangeantes, mais aussi envoûtantes.
Une excellente idée pour casser la monotonie du gameplay, avec des séquences de jeu de rythme, du matraquage de boutons, de l’adresse, etc. Le studio ne réinvente pas la roue, tout cela a déjà été vu et revu ailleurs, mais c’est suffisamment bien intégré à l’ensemble pour rendre tout cela cohérent et rafraîchissant.
Enfin, un petit mot sur la bande originale de Decarnation, qui est souvent au cœur du jeu et qui a mis un peu plus en lumière le titre récemment. Car oui, Akira Yamaoka a composé certaines pistes pour le jeu, le légendaire musicien japonais connu pour son travail sur la saga Silent Hill livre ici des musiques comme il sait si bien le faire, ce sont des nappes atmosphériques dérangeantes, mais aussi envoûtantes, sublimant des séquences majeures de l’aventure. Son style est parfaitement reconnaissable, mais les autres musiques n’ont rien à lui envier. Les compositeurs français Corentin Brasart (Night Call), Alt 236 et AL9000 (Leviathan, Anemoia) ont créé d’autres musiques pour accompagner les moments plus classiques, avec des boucles discrètes qui arrivent encore une fois à nous maintenir dans cette ambiance glauque. En total contrepoint et de manière intradiégétique, nous avons enfin des chansons pop du groupe fleur et bleue, des musiques complètement différentes, enjouées et entêtantes qui ponctuent certains passages de l’aventure, et qui offrent un petit vent de fraîcheur dans cette atmosphère étouffante.
Pour sa première réalisation, Atelier QDB frappe fort avec Decarnation. L’intelligence de son scénario est parfaitement mise en lumière par une direction artistique soignée, pour un jeu d’horreur psychologique à l’esprit rétro qui ravit les amateurs du genre. Le titre nous happe par son ambiance dérangeante, le joueur suit avec horreur et passion les aventures de Gloria au fil des chapitres, espérant tout comme elle une issue positive à cette descente aux Enfers. Decarnation est une vraie réussite, le joueur est captivé tout au long des six heures de jeu, cela peut sembler court, mais vu l'atmosphère qui s’en dégage, le titre est déjà suffisamment riche comme cela.
- Une direction artistique magnifiquement dérangeante
- Un scénario bien inspiré, horrible et prenant à la fois
- Un gameplay simple, mais varié avec de bonnes idées
- Une bande originale en totale adéquation avec le reste
- De petits soucis dans la traduction
- De petits bugs visuels (rien qu’un patch day one ne saurait pas corriger)
Clint008 Rédacteur - Testeur |