TEST de Daemon X Machina : Mecha X Frustration, une recette qui prend difficilement
par Alexandre S.Daemon X Machina : Après des heures passées dans le cockpit de notre Arsenal, il est temps d'en tirer des conclusions.
Une toile difficile à démêler
Dès son annonce, Daemon X Machina a suscité un certain intérêt de la part des fans de jeux d'action intenses à base de mechas, un genre de niche peu représenté en Occident, surtout lorsqu'il s'agit de real robot à la Gundam. Avec Kenichiro Tsukuda (Armored Core 2 et 3) comme producteur, le grand Shōji Kawamori (Macross) au design des robots et Yūsuke Kozaki en tant que chara designer, l'équipe réunie par le First Studio de Marvelous était sur le papier un gage de qualité apparent pour cette exclusivité Switch. Suite à notre première prise en mains, nous partions avec un bon capital sympathie envers cette production, malgré les défauts relevés. Comme vous allez le constater, cela ne la sauve pas entièrement, notre avis étant au final mitigé.
Enchaîner les missions les unes après les autres, sans véritable but.
Scénaristiquement, Daemon X Machina échoue à raconter une histoire qui tienne la route dans son ensemble, la faute à une narration vraiment brouillonne. Le contexte de départ est pourtant simple et attractif, prenant place dans un futur où une partie de la Lune s'est brisée, les débris venant alors s'écraser à la surface de la planète en libérant au passage une ressource baptisée femto. Pour couronner le tout, des IA se sont alors mises à attaquer l'humanité en prenant le contrôle de machines, comme si un malheur ne suffisait pas. Nous incarnons ainsi un Outer bien longtemps après le début de cette guerre, devant affronter les Immortals à bord de mechas au sein d'une immense zone de conflit, l'Oval Link.
Différents groupes de mercenaires, les Reclaimers, y effectuent des missions sous le contrôle d'Orbital. Il s'agit d'une instance qui fixe les règles et distribue les objectifs selon les demandes de plusieurs consortiums peu amicaux les uns envers les autres à travers Four, une IA amicale omniprésente. En résulte un schéma narratif consistant à enchaîner les missions les unes après les autres, sans véritable but, notre avatar surnommé Rookie (même à la fin, cherchez la logique) faisant surtout office de spectateur et subissant les évènements. Bien entendu, il se trame des choses dans l'ombre, comme tentent de nous le faire comprendre certaines discussions et de rares cinématiques faisant office de teasers cryptiques. D'autres séquences sont, elles, intégrées aux missions et se révèlent peu mémorables sauf exception, avec notamment quelques passes d'armes entre Arsenaux. Le reste de la narration passe exclusivement par les trop nombreux dialogues entre les personnages, que ce soit au cours des briefings ou en pleine action. Oui, le jeu est vraiment très bavard, nos coéquipiers et adversaires ayant la fâcheuse habitude de discuter à tout moment, même si cela sonne souvent creux et ne fait pas avancer le schmilblick. N'espérez donc pas suivre tout ce qui se dit à moins de négliger vos objectifs. C'est seulement vers la fin de l'aventure que certains points commencent à s'éclaircir, mais ça ne vole pas haut.
Au sein des multiples factions, nous retrouvons le vaste panel de clichés de l'animation japonaise, qui ici a plus tendance à taper sur les nerfs qu'autre chose. Entre Grief et ses sophismes, Klondike qui se la joue mastermind ou encore la sadique Nemesis, il est difficile d'apprécier ces personnalités (nous passerons sur les pseudonymes...), ce que n'arrange pas les situations absurdes ou nous devons affronter certains d'entre eux alors qu'ils combattaient à nos côtés lors d'une précédente mission. Clairement, il aurait fallu nous faire intégrer un groupe si le but était que nous nous intéressions à eux. Pour autant, le casting vocal japonais est de très bonne facture et s'offre même les services de deux seiyū légendaires, à savoir Shūichi Ikeda et Tōru Furuya, que les fans connaissent surtout pour leurs interprétations de Char Aznable et Amuro Ray dans Gundam. Ici, ils prêtent leur talent à Crimson Lord et Diablo, à classer dans le haut du panier des protagonistes.
Adopte un mec(ha)
Le gros point fort de Daemon X Machina, que nous avions déjà relevé, c'est la personnalisation poussée de notre Arsenal et de notre pilote, qui embrasse au passage le thème du transhumanisme.
L'amélioration est constante et permet de créer le mecha de nos rêves.
En premier lieu, choix du sexe, couleur de peau et des yeux, coiffure, cicatrice ou tatouage, maquillage... tout est là pour donner une apparence attirante à notre avatar. Sauf que celle-ci ne va pas durer si vous souhaitez obtenir certains avantages. En effet, trois arbres de compétences sont présents, servant à débloquer des améliorations au Labo moyennant les crédits glanés en missions. Si certaines n'ont aucune contrepartie visuelle, d'autres transforment petit à petit notre pilote en une machine, au sens propre du terme. Ce choix artistique est intéressant, faisant passer comme message qu'il faut sacrifier son humanité pour devenir plus fort. Pas de panique toutefois, rien n'est définitif tant que vous en avez les moyens, l'apparence initiale pouvant être restaurée. Cette bonne idée est malheureusement entachée par un inconvénient de taille, il faut tout racheter à chaque reset et donc farmer quelques missions pour renflouer notre solde en amont... Il vaut donc mieux bien réfléchir avant toute opération.
Certaines aptitudes influent sur la capacité de notre pilote à se mouvoir aisément en dehors de l'Arsenal, chose qui arrive au final plutôt rarement de façon volontaire, seules deux ou trois missions mettant cela à profit. Dommage. Alors oui, cela peut se révéler utile lorsque notre mecha est détruit - nous avons achevé l'un des derniers boss ainsi -, mais il est plus souvent préférable de recommencer la mission dans ce genre de cas désespéré.
L'Arsenal dispose lui de pièces interchangeables pour son armure (tête, corps, processeur, bras gauche, bras droit et jambes), servant à renforcer divers paramètres comme la défense, la résistance aux brûlures ou à booster sa vitesse... Il en va de même pour les armes (droite et gauche avec une deuxième pour chaque main sur les pylônes, épaule et module auxiliaire) qui permettent différentes approches. Corps à corps en maniant épée et bouclier, longue distance avec un fusil de sniper, mode gros bourrin avec des canons et pluies de missiles, tout est possible même s'il vaut mieux privilégier une certaine synergie entre l'ensemble de l'équipement. Quant à l'impressionnante flopée de statistiques, seuls les plus passionnés s'y intéresseront de très près, les autres feront comme nous et garderont de vue les plus importantes comme la santé ou les dégâts effectués. Au total, 10 panoplies peuvent être enregistrées et chargées avant une mission pour gagner du temps et s'adapter à toute situation, bien que la majorité du jeu soit assez simple sans grande optimisation de notre appareil.
Mais avant de pouvoir changer les parties de notre mecha, encore faut-il en récupérer ! Outre une boutique qui permet au passage de vendre les éléments indésirables, la première option est d'en récupérer sur les ennemis vaincus, mais attention, seuls les Arsenaux le permettent et ce ne sont pas les unités les plus nombreuses. L'autre moyen est d'en développer à l'Usine à partir de pièces de notre inventaire. L'amélioration est ainsi constante et permet de créer le mecha de nos rêves sur la durée, une véritable machine de guerre à l'apparence bien inspirée. Bien entendu, il est aussi possible de tuner les différentes parties de l'Arsenal avec minutie, mais aussi de lui ajouter des décalcos et revêtements. Ces derniers s'obtiennent en réalisant certains défis ou bien en scannant des tags à travers les différents niveaux, ajoutant une touche de collectibles plutôt sympathique.
Tous ces changements s'effectuent depuis un hub rien qu'à nous, mais tout de même capable d'accueillir les mechas de trois autres joueurs lors de sessions en coopération. Pas grand-chose à dire à leur sujet, vu qu'elles reprennent les missions libres, mais ça reste une possibilité agréable pour s'amuser avec des amis. Ce hub est assez vide en cela que les quelques PNJ mécaniciens qui y trainent sont aussi muets que notre pilote et ne sert qu'à accéder aux missions, Hangar, Labo et à... un Stand de glaces ! Oui, ça dénote totalement de l'aspect sérieux du reste de l'aventure. Son utilité est d'ailleurs assez anecdotique, se résumant à offrir un léger boost temporaire d'une de nos statistiques en achetant un cornet simple ou double selon les différentes saveurs choisies. Seul détail sympathique de cet espace social, notre collection d'armes y est exposée, prête à servir.
La frustration manette en mains
La majeure partie du temps de jeu se passe donc sur le champ de bataille à remplir des missions dont le rang augmente de E à A au fil du scénario. Les premières servent surtout de gros tutoriels et introduisent assez bien les commandes nécessaires pour prendre en mains l'Arsenal, dont la maniabilité finit par rentrer plutôt bien. Pour autant, les sensations de jeu sont loin d'être optimales...
Il est vraiment difficile de suivre tout ce qui se passe à l'écran.
Dans l'ensemble, se mouvoir sur le terrain se fait aisément même lourdement armé, avec des vitesses de pointe vraiment élevées quand nous optimisons ce paramètre, comme l'a nécessité la poursuite d'un train dans une mission secondaire. Attention tout de même, car l'Arsenal a vite fait de se prendre les obstacles ou les murs à vive allure. Glisser, voler, défourailler à tout va ou créer un clone, rien de bien compliqué, même si jongler entre toutes les commandes peut parfois s'avérer hasardeux quand l'intensité des affrontements est à son comble.
Un premier élément vient toutefois nous agacer, à savoir la lisibilité de l'action. Le HUD n'est pas spécialement en cause ici, car il peut être personnalisé en profondeur pour répondre à nos besoins, comme la réduction de la taille de certains indicateurs, mais il faut bien avouer qu'il occupe pas mal de place à l'écran. Non, c'est surtout qu'il est vraiment difficile de suivre tout ce qui se passe à l'écran dans les grandes zones ouvertes, soit la majorité des environnements de jeu, bien que le framerate arrive à se maintenir à un niveau acceptable. Ce n'est pas pour rien que les niveaux prenant place dans des tunnels nous ont le plus séduit. Autre souci, conserver l'altitude voulue n'es pas aisé et si notre Arsenal se trouve trop haut, il retombe alors au sol, problème que ne semblent pas connaître nos adversaires... Mais le pire, c'est l'absence d'un lock pour verrouiller manuellement les ennemis. Une visée automatique cible ceux à proximité se trouvant dans notre champ de vision, pratique dans la plupart des cas, sauf lorsqu'il s'agit d'Arsenaux, ayant l'incroyable faculté de se déplacer à une vitesse folle que nous ne pouvons pas suivre, surtout dans les cieux. Il faut bien souvent attendre de les confronter au sol pour avoir une chance de leur porter des coups, sans compter leur incroyable résistance.
Et parlons-en des impacts, car les sensations des armes ne sont pas folles non plus et ne donnent pas assez l'impression d'endommager la cible. Tout n'est pas si mal pour autant, même si nous insistons sur ces points. Ainsi, lorsque nous sommes équipés d'une épée et attaquons un ennemi en possédant une, un clash peut survenir où il faut alors marteler A rapidement, rappelant bon nombre de scènes de l'animation japonaise ayant pu nous marquer. Les missions sont elles assez répétitives pour la plupart et sans réel danger, sauf gros élément de surprise non prévu lors du briefing et nécessitant un équipement particulier. Certaines tentatives pour amener un peu de diversité sont à saluer, nous pensons notamment à une mission libre nous mettant aux commandes d'une autre unité que la notre, ou encore à une fuite d'un complexe en temps limité. En revanche, devoir protéger un allié ou une installation d'ennemis en surnombre peut vite se révéler gonflant. Là où Daemon X Machina s'en sort bien, c'est lors des rares affrontements de boss face aux Immortals Colossaux, des sacs à PV qui nécessitent de localiser leur point faible pour ne pas y passer de trop longues minutes, et qui disposent de différents patterns d'attaques. Peut-être aurait-il fallu que le jeu s'oriente plus vers cette approche pour satisfaire, à la manière d'un hunting game ?
Le Daemon de midi
Si côté technique, Daemon X Machina fait ce qu'il peut pour s'en sortir, avec de l'aliasing à tout va que ce soit en mode Portable ou TV, ainsi qu'un effet de flou pour la distance d'affichage, il se rattrape quelque peu avec sa direction artistique à base de cel-shading qui lui créé sa propre identité visuelle. Le rendu global est ainsi assez plaisant à l'œil et les imperfections passent plus facilement. En revanche, le choix des bandes noires lors des cinématiques nous laisse dubitatifs.
Daemon X Machina nous laisse un goût amer en bouche.
La bande-son de Junichi Nakatsuru nous régale avec des morceaux de metal bien puissants, mais aussi un mélange des genres avec du rap - comme Destiny qui rappelle Xenoblade Chronicles X -, de l'electro - Mercenary Life en particulier -, voire des thèmes orchestraux. L'un de nos petits coups de cœur revient à Shell dans sa version chantée. Pour terminer, nous avons eu seulement un gros bug gênant au cours de nos parties, à savoir la perte pure et simple de l'ensemble des bruitages, mais pas des voix, au cours de l'affrontement face à l'Immortal Dreadnought, celui-là même qui nous avait terrassés lors de notre preview et sur lequel nous avons eu notre revanche ! Sinon, comptez bien facilement 25h pour remplir l'ensemble des missions une première fois - bon courage pour le boss final, frustrant au possible -, et bien plus selon votre intérêt à pousser la personnalisation au maximum et récupérer l'ensemble des équipements, collectibles et titres décernés pour certaines actions accomplies.
Au final, Daemon X Machina nous laisse un goût amer en bouche. Malgré ses bonnes intentions, que ce soit dans l'amélioration perpétuelle de notre mecha ou les affrontements d'Immortals Colossaux, il n'est pas parvenu à nous divertir pleinement sur la durée, la frustration prenant bien souvent le pas sur le reste. Pas aidé par son aspect technique, malgré une direction artistique intéressante et rafraichissante, son gameplay n'offre pas suffisamment de bonnes sensations et se révèle bien souvent imprécis dans les espaces trop ouverts. Quant à son intrigue, elle sert surtout de support anecdotique pour justifier l'action. Les amateurs de real robot faisant fi de ses multiples défauts devraient tout de même y trouver leur compte dans une certaine mesure.
- La personnalisation de l'Arsenal très poussée
- La direction artistique, notamment pour les mechas
- La maniabilité satisfaisante dans l'ensemble
- Les Immortals Colossaux
- Le doublage japonais qualitatif
- Une bande-son explosive qui colle à l'action
- Les options d'ergonomie, notamment du HUD
- Une bonne durée de vie si vous accrochez...
- Un scénario anecdotique
- Les personnages trop bavards en mission et aux personnalités clichées
- Action brouillonne à l'écran
- Le système de verrouillage qui manque d'un lock manuel
- Les sensations de tir
- La technique pas au niveau
- Certaines idées de gameplay quasi inexploitées
- ... mais un jeu trop répétitif