Age of Empires IV : L’héritier canadien perpétue la tradition avec la ferveur d’antan.
Relic vénéré
Clairement, la sortie d’Age of Empires IV ne nous rajeunit pas. Ça fait quand même depuis plus de 16 ans que le troisième opus est disponible. Les Definitive Edition ont occupé le terrain bien sûr, mais la question de savoir ce que vaut la licence de nos jours est restée en suspens pendant si longtemps. Et c’est sans compter la passation de pouvoir de feu Ensemble Studios aux Canadiens de Relic Entertainment qui donne à ce nouvel épisode une dimension encore plus historique. Ce qui se joue là est le retour d’une licence culte de la stratégie. Un projet qui a été couvé de longue date et qui a visiblement fait preuve d’un grand respect vis-à-vis de l’œuvre originale à en voir le traditionalisme qui se dégage d’Age of Empires IV.
Il capitalise sur la profondeur des précédents épisodes qu’il compile de manière plus harmonieuse.
Dans sa façon même de penser le STR moderne, Age of Empires IV est ultra old-school. À croire que rien n’a changé depuis l’époque des grandes campagnes solo et des LAN. Est-ce un effort de préservation ou la conviction qu’un bon jeu de stratégie n’a besoin de rien de plus ? Le mystère demeure tout comme la structure d’Age of Empires III que nous retrouvons presque intacte. Ce quatrième opus a conservé toutes les mécaniques importantes de développement, le passage à travers les âges, mais aussi la notion de dégâts de siège et pas mal d’unités pour ne citer que cela. Fatalement, cette approche nous renvoie à son prédécesseur dont Age of Empires IV n’est qu’une évolution en douceur. Ses batailles à grande échelle et ses mégalopoles fortifiées ne devraient perdre personne qui a touché au dernier volet de la saga. Le fait de devoir construire de puissants monuments pour passer aux âges supérieurs n’y a rien changé. Pas plus que la nouvelle condition de victoire en online ou contre l’IA qui consiste à capturer plusieurs sites sacrés.
C’est à se demander où Relic a investi tout son travail. Certainement pas dans la construction des quatre campagnes du jeu. Là encore, Age of Empires IV veut nous faire vibrer avec de vieux concepts qui ne font plus tinter la corde du plaisir depuis des lustres. Nous envahissons des villages et détruisons des forteresses à tour de bras quand nous ne défendons pas notre propre bastion. Les développeurs se sont arrangés pour que ces scénarios soient de parfaits tutoriels, mais pour ce qui est des objectifs, c’est du vu et revu qui s’avère vite répétitif comme la plupart des campagnes de son espèce. Il faut avouer que nous avons été surpris par l’intelligence artificielle qui offre une résistance plutôt agréable, en particulier dans les niveaux de difficulté plus élevés. C’est même un peu interloqué que nous l’avons vu nous troller en faisant du hit & run avec ses unités à distance. L’IA ne s’est pas non plus gênée pour multiplier les fronts et elle nous a même bluffés en fauchant certaines unités clés en priorité (villageois, unités de soutien, unités de siège).
Nous n’attendions pas Relic sur la programmation de son IA, pas plus que sur la qualité narrative de ses campagnes. Pourtant tout est là, servi dans un écrin plutôt unique en son genre. Nous connaissions les STR qui font évoluer leur univers au rythme des missions, façon Starcraft et Warcraft, mais c’est bien le premier jeu de stratégie historique qui propose un mini-documentaire en guise de briefing. Mélange subtil d’infographie et d’images réelles, ces courtes cinématiques fonctionnent à merveille. Instructif sans pour autant nuire au rythme, nous n’aurions pas cru que Relic parvienne à nous captiver par ce biais. Une idée brillante qui permet au passage au studio de nous faire jouer les héros et rois de l’époque à la tête de gigantesques armées. Consciencieux quant à la réalité historique, Age of Empires IV s’avère même être un outil pédagogique assez pertinent pour les jeunes et tous ceux qui s’intéresseraient à l’histoire des empires britanniques, français, mongols et russes. Des qualités suffisantes pour sauver un mode solo autrement en manque d’imagination.
Un affinage de plusieurs siècles
Il n’en reste pas moins un passage obligé. Ce n’est qu’à cette condition que vous pourrez faire plus amples connaissances avec les factions nommées plus haut. Pour les quatre autres que compte le jeu, il faut faire les présentations à la dure en vous battant contre l’IA filoute ou d’autres joueurs. Nous ne vous cachons pas que la démarche vaut amplement l’investissement puisque ce n’est que comme ça qu’Age of Empires IV dévoile tout son potentiel stratégique. Étant donné qu’il reprend les mécaniques de l’opus précédent dans les grandes lignes, ce n’est guère étonnant. Relic a néanmoins affiné l’ensemble. Age of Empires IV est plus simple que son ainé, mais pas plus simpliste. Le titre cherche à aller à l’essentiel, n’hésitant pas à supprimer l’idée d’une assistance de l’empire ou limitant la question commerciale à sa définition la plus simple. Des sacrifices nécessaires quand il s’agit de la prise en main, forcément plus naturelle sur ce nouveau volet.
Age of Empires IV est un peu chiche en belligérants.
Nous ne prenons toutefois la mesure du jeu qu’en voyant les huit nations à l’œuvre. Des civilisations qui ont toutes été designées avec talent. Sans être totalement asymétrique, Age of Empires IV arrive à insuffler à chacune d’entre elles une personnalité et une façon de jouer plus ou moins originale. Dans le lot, les Français et les Anglais sont sans doute les plus communs. Loin d’être inintéressantes, ces deux factions se jouent simplement de manière très classique, préférant miser sur des bonus économiques et un accès plus rapide à certaines unités lourdes. Penchez-vous en revanche sur les Mongols, le Sultanat de Delhi, les Rus’ ou la dynastie abbasside et vous toucherez du doigt des mécaniques vraiment bien pensées. Les Mongols placent par exemple un bâtiment unique sur les gisements de pierre pour les exploiter. Toutes les infrastructures autour de celui-ci possèdent des capacités supplémentaires ainsi que des améliorations plus puissantes.
La feature phare de cette civilisation reste cependant ses bâtiments nomades capables de se démonter et de se remonter à l’infini. L’outil parfait pour replacer vos bâtiments économiques ou pour mettre vos structures militaires aux portes de l’ennemi. Les Rus’ pour leur part sont particulièrement dépendants des primes accordées à chaque fois que vous tuez un animal. Un bonus en or non négligeable qui s’accompagne de bonus de production primordiaux. Voilà une nation de chasseur qui vous oblige à traquer des bêtes, parfois très loin de votre territoire. Il y aurait bien d’autres exemples de concepts intelligents à lister. Plutôt bon signe quand nous abordons un STR compétitif comme celui que Relic est sur le point de lâcher. Nous aurions aimé pouvoir en dire autant pour ce qui est des unités, mais même avec les soldats uniques de chaque faction, Age of Empires IV est un peu chiche en belligérants.
Ça empire vers la fin
La question de l’enrobage est bien secondaire dans toute cette histoire, mais fait naître en nous des sentiments mitigés qu’il nous faut partager. Pas de quoi cracher dans la soupe non plus, le jeu se tient techniquement et il est même plutôt généreux en effets visuels. Comment ne pas apprécier les détails qui enjolivent vos constructions. Ces enclos qui sortent de nulle part en même temps que vos maisons et ces fioritures qui décorent vos monastères viennent donner vie à votre empire. Relic n’a pas rechigné sur les finitions, mais à côté de ça, nous nous retrouvons avec certaines animations parfois vilaines, comme pour les tirs de flèches, de loin celles qui ont l’air le plus artificielles. Le niveau de chipotage n’a jamais été aussi élevé. Cependant, à l’instar de ce niveau de zoom un peu trop faible, nous nous disons que les développeurs auraient pu encore améliorer leur mouture. Au point où nous en sommes, autant signaler que les modèles d’unités à pied sont assez microscopiques. Tant pis si nous frôlons la mauvaise foi en disant que cela s’avère un peu compliqué au moment de la microgestion pour sauver vos bonshommes qui ont la fâcheuse tendance à se perdre au milieu de la foule.
L’expérience Age of Empires IV n’en reste pas moins excellente dans l’absolu. Avec ce quatrième opus, la série n’a rien perdu de son charme. Bien au contraire, il capitalise sur la profondeur des précédents épisodes qu’il compile de manière plus harmonieuse. Le contrecoup, c’est cette impression d’avoir un jeu vieillot sur les bras. Un titre dont la structure camoufle les innovations dont Relic nous gratifie.
Age of Empires IV est disponible sur Amazon à 59,99 €.
- Des campagnes/tutos complets
- Affinages des mécaniques des précédents opus appréciés
- Bataille à grande échelle
- 8 civilisations profondes et originales
- Campagne didactique
- Effets visuels en pagaille
- L’IA on fire
- Intérêt des campagnes limité
- Structure trop calquée sur les anciens volets
- Certaines nations plus classiques que d’autres
- Les unités manquent de diversité
- Des animations mitigées
- Modèles d’unité un peu petits