Valorant : Nous avons passé de (trop) longues heures sur la bêta fermée de Valorant, qui est loin de nous avoir convaincus.
Quand les développeurs de LoL s'attaquent aux FPS
Riot Games est connu depuis maintenant une décennie pour League of Legends (LoL), MOBA free-to-play à succès fortement conçu par les créateurs du mod Defense of the Ancient de Warcraft III, ayant par la suite donné naissance à Dota 2 chez Valve. Mais le studio propose désormais d'autres jeux, avec d'abord Legends of Runeterra (LoR), un jeu de cartes à la Hearthstone puis Teamfight Tactics (TFT), basé sur Dota Auto Chess. Bref, rien d'original, mais les développeurs poussent le sens du détail au maximum, et maintenant, ils s'attaquent à Counter-Strike en sortant Valorant (aucun acronyme), actuellement en bêta fermée.
Valorant, c'est Counter-Strike, mais en moins bien.
Valorant est donc un FPS, d'abord connu sous le nom de Projet A, qui n'a cette fois aucun lien avec l'univers de League of Legends. Personnages inédits (appelés Agents), lieux totalement nouveaux, les développeurs sont partis de rien pour créer le lore de leur jeu de tir compétitif. Il faut bien avouer que l'ensemble manque cruellement de charme, il n'y a pas grand-chose pour aguicher l'oeil des joueurs ou faire fantasmer les cosplayeurs. La dizaine de personnages jouables est très classique, et hormis quelques exceptions (Sage et Cypher notamment), ce sont des héros standards de jeux de tir ou d'action. Idem pour les cartes, actuellement au nombre de trois et qui sont visuellement très pauvres, aucun détail n'est là pour titiller le regard des joueurs.
Même constat concernant les armes, car même si les noms sont fictifs, elles sont bien basées sur des pistolets et fusils bien réels, à l'image de la Vandal qui est clairement un AK-47, dans son apparence comme son sound design. La direction artistique de Valorant est pauvre, le titre aura bien du mal à se démarquer par ses graphismes, c'est dommage, car Riot Games nous avait habitués à bien mieux avec le lore de League of Legends, en espérant que celui de Valorant évolue au fil des années. Mais il est clair que l'objectif de Riot Games est de tout miser sur le gameplay.
Car oui, Valorant est un FPS pointilleux, comme le rappellent souvent les développeurs. Optimisé pour tourner à au moins 30 images par secondes sur des PC vieux de 10 ans, du 144 fps sur les machines plus récentes, des serveurs 128 ticks (envoyant 128 fois l'information, contre 64 généralement), un taux de latence inférieur à 35 ms « dans les plus grandes villes du monde », Riot Games a soigné son netcode pour proposer un jeu de tir compétitif qui tient la route, sans que les joueurs ne puissent se plaindre du lag ou du tickrate. Bon, si vous habitez au fond de la campagne avec une connexion à 2 Mb/s, ce sera compliqué de jouer correctement, mais concernant l'ordinateur, eh bien, pas besoin d'avoir une machine de guerre pour profiter de Valorant. Nous avons passé plusieurs après-midi sur le jeu avec un Acer Swift 3 - équipé d'un processeur Ryzen 5 3500U, d'une carte graphique AMD Radeon RX Vega 8 et de 6 Go de RAM utilisables, soit un PC davantage pensé pour la bureautique que le gaming hardcore -, et pourtant, Valorant tourne parfaitement à 60 fps (le maximum de l'écran) en 1080p avec les graphismes au maximum (réglage Élevé). Alors sur une machine taillée pour le jeu vidéo avec une RTX, un Intel i9 et un écran à 144 Hz, c'est la fête. Tout ça pour dire qu'à moins d'avoir un PC vraiment vieux, Valorant devrait tourner sur votre ordinateur sans souci.
« C'est très CS quand même » (©AlphaCast)
Et si Riot Games a pensé à tout cela au développement de Valorant, c'est parce que son titre est un FPS ultra exigeant et précis. Lors de son annonce, et à la vue des pouvoirs des personnages, les joueurs ont rapidement comparé le titre à Overwatch. Ce n'est absolument pas le cas. À Rainbow Six Siege ? Un peu plus, car si ces capacités spéciales sont souvent utiles en combat, ce qui prime, c'est le talent, le skill, la précision, le positionnement, la prise de ligne, le bon décalage au bon moment pour abattre l'ennemi d'une balle en pleine tête. Cela ne vous rappelle rien ? Eh si, c'est évidemment calqué sur le gameplay de Counter-Strike, période 1.6 davantage que Global Offensive d'ailleurs, à tel point que la phrase « c'est très CS quand même » prononcée par AlphaCast après avoir essayé le jeu en avant-première est déjà devenue un meme dans la communauté francophone de Valorant.
Calqué sur le gameplay de Counter-Strike.
Le FPS de Riot Games a de nombreux points communs avec celui de Valve, à commencer par son principe même : cinq attaquants doivent planter une bombe (appelée Spike, mais c'est pareil) sur un point A ou B, tandis que cinq défenseurs doivent abattre les adversaires avant le posage de bombe, ou la désamorcer pour remporter le round. Une partie dure 24 rounds, avec un changement de côté après 12 manches, la première équipe remportant 13 rounds gagnant le match. En roulant sur l'adversaire, il est donc tout à fait possible de commencer en Attaque et de ne faire qu'une manche en Défense pour gagner 13-0 et bien faire rager l'équipe adverse, même si cela est très rare.
Autre similitude avec Counter-Strike, au début de chaque manche, les joueurs ont accès à une boutique pour acheter de l'équipement, avec des pistolets, des pistolets-mitrailleurs, des fusils d'assaut, des fusils de précision, des fusils à pompe et du bouclier. C'est également ici qu'il faut acheter certains pouvoirs d'Agents, et bien évidemment, l'argent récolté correspond aux performances de la précédente manche, il vaut donc mieux parfois faire un round d'éco (oui, c'est le terme utilisé dans Valorant, le même que dans CS) et ainsi grappiller quelques deniers qui seront fort utiles au prochain affrontement. Un petit côté stratégique que les joueurs de Counter-Strike connaissent bien, avec le même fonctionnement du côté de l'équipement : si un joueur meurt, il perd ses armes (mais pas ses capacités), même si son équipe remporte la victoire du round. Il est donc parfois utile de risquer gros pour faire tomber des armes adverses et ainsi chambouler leur économie pour la prochaine manche. Encore un élément propre aux bons jeux de tir compétitifs, chaque arme a son propre son, les joueurs peuvent ainsi reconnaître très rapidement l'arme de l'adversaire et juger si le duel est prenable (fusil d'assaut contre fusil-mitraillette, par exemple), ou s'il vaut mieux trouver un autre chemin (fusil à pompe contre sniper).
Si Valorant reprend donc quand même les grandes (et petites) lignes de CS, Riot Games a tenté l'originalité avec des Agents disposant de certaines capacités parfois bien pratiques en combat. C'est assez classique, avec des personnages orientés vers les duels ayant des pouvoirs offensifs comme des boules de feu, des Agents plus tournés vers le soutien comme Cyber et ses caméras ou Sage pour soigner ses alliers, et des personnages contrôlant les zones en obstruant des passages avec des murs de poison comme Viper par exemple. Rien de bien impressionnant sur le papier, certains pouvoirs rappellent évidemment d'autres jeux du même genre (les caméras de Valkyrie dans Rainbow Six Siege ou la Flèche sonique de Hanzo d'Overwatch reprise à l'identique avec Sova), et en combat. Eh bien, il est parfois plus efficace de se passer de ces capacités, leur temps d'activation est en effet très long, si bien qu'un ennemi peut facilement arriver et vous tuer avant même la fin de l'animation, le TTK de Valorant étant évidemment très faible (comme dans CS). De manière générale, rares sont les pouvoirs indispensables dans Valorant, les experts en FPS n'auront pas besoin de radar pour caler un headshot à l'adversaire, même si celui-ci est à moitié protégé par un mur de poison avec du bouclier pour augmenter sa santé. Et, lors des duels, les mouvements des personnages sont ultra réduits lorsqu'ils se font tirer dessus, il est quasiment impossible de se retourner pour contre-attaquer, ou même de tenter de fuir derrière un obstacle. Comme dans CS.
Un jeu pas vraiment fait pour durer
Et c'est bien là le gros problème de Valorant à l'heure actuelle : le jeu ressemble beaucoup trop à Counter-Strike, il ne serait pas bien différent à jouer sans les pouvoirs des Agents, et c'est pourtant cela qui est censé être le point innovant du jeu de Riot Games (à défaut d'avoir une vraie direction artistique ou un gameplay novateur). Non, Valorant, c'est CS, et il ne faut pas beaucoup de parties pour se rendre compte que si vous n'êtes pas habitués au jeu de Valve, eh bien, vous aurez bien du mal à vous faire une place dans celui de Riot Games. Les duels perdus s'enchaînent, aucun replay n'est là pour tenter d'apprendre de ses erreurs, le joueur de bas niveau passe davantage de temps à être spectateur que participant actif dans des parties qui durent généralement de 30 et 45 minutes, c'est terriblement frustrant et cela ne donne pas vraiment envie de relancer immédiatement une partie par la suite. L'équilibrage est actuellement un peu aux fraises, le joueur débutant se retrouve contre des adversaires pouvant enchaîner les headshots à la chaîne, impossible de lutter dans ces cas là, il reste à espérer que l'arrivée des parties classées prochainement permette de trouver un bon équilibre dans le matchmaking pour que les joueurs affrontent des adversaires de même niveau, et que tout le monde puisse s'amuser sur Valorant, pas seulement les amateurs du try hard passant leurs journées sur le jeu.
Et tout ça pour quoi ? Valorant sera comme LoL un jeu free-to-play au lancement, les joueurs auront donc des skins d'armes à débloquer dans le jeu en utilisant des Valorant Points, à acheter avec de l'argent réel dans la boutique in-game. Une autre monnaie, les Radianites, permet de faire évoluer les skins et d'autres éléments cosmétiques, à débloquer dans le Battle Pass, car oui, Valorant n'échappe pas à ce système plutôt addictif. En enchaînant les parties (si vous en avez le courage), vous débloquez de l'expérience et des paliers pour obtenir des titres de joueur, des graffitis ou des artworks pour la carte de présentation, tout cela est purement cosmétique et finalement un peu faiblard. Riot Games ne compte pas pour l'instant proposer de skins pour les Agents, cela nuirait à la lisibilité de l'action immédiate, c'est compréhensible, mais cela aurait permis d'avoir du contenu cosmétique un peu plus intéressant.
Nos premières impressions : Peut mieux faire
Valorant, c'est Counter-Strike, mais en moins bien. Ou du moins, sans aucune réelle nouveauté permettant d'oublier le FPS culte de Valve, car ici, la direction artistique n'a rien d'original, les pouvoirs des Agents sont loin d'être très utiles en combat et seul le skill compte pendant les duels. Sauf qu'en l'absence d'un matchmaking équilibré à l'heure actuelle, Valorant s'adresse uniquement aux très bons joueurs de CS qui veulent un peu de changement, ou les curieux souhaitant essayer le dernier jeu à la mode. Valorant tiendra-t-il 10 ans, comme l'a fait League of Legends, voire le double comme Counter-Strike ? Peu probable si Riot Games ne propose pas quelque chose d'un peu plus excitant et équilibré dans la version finale.