Dans un univers DC Comics qui peine à trouver son rythme chez Warner, Shazam!, le nouveau film du studio, semble marquer un nouveau départ. Un film réussi, mais qui pose néanmoins question.
D’ado à héros
Le saviez-vous : le premier nom de Shazam était Captain Marvel. Initialement créé par la maison d’édition Fawcett Comics en 1940, le personnage était mal vu de DC, qui y voyait un concurrent à Superman, et a donc mis la pression sur l’éditeur pour qu’il arrête d’utiliser le personnage. Marvel a alors récupéré les droits du nom, pour lancer son propre Captain Marvel à la fin des années 60. Par la suite, DC Comics a récupéré les droits de Fawcett Comics, mais a dû renommer le personnage en Shazam pour pouvoir le relancer...Ce n’est qu’en 2011 que ce changement de nom a été définitivement acté.
Captain Marvel et Shazam! n’ont strictement rien à voir l’un avec l’autre.
Une histoire bien compliquée qui met cependant en lumière le timing ironique, qui fait sortir le film Shazam! de DC/Warner quelques semaines seulement après le Captain Marvel de Marvel/Disney. Néanmoins, au-delà de cette anecdote et du fait que les deux films sont des origin stories, Captain Marvel et Shazam! n’ont strictement rien à voir l’un avec l’autre.
Shazam! raconte comment le jeune Billy Batson (Asher Angel), 15 ans et balloté de famille d’accueil en famille d’accueil, récupère les pouvoirs d’un sorcier mourant, dans l’urgence de trouver son nouveau champion magique. En criant « Shazam! », Billy se transforme en surhomme adulte (Zachary Levi), capable de lancer des éclairs, courir très vite, voler, résister aux balles, et bien d’autres choses. Mais sans mentor pour le former, Billy transforme ces pouvoirs sans limites en une source d’amusement, au grand dam de son ami Freddy, qui voit immédiatement en lui un super héros capable de rivaliser avec Superman. Mais l’insouciance de Billy est rapidement mise à mal par Thaddeus Sivana (Mark Strong), un sinistre individu qui, à force d’acharnement, est parvenu à récupérer l’équivalent maléfique des pouvoirs de Billy...
Avec Shazam!, Warner propose donc une nouvelle histoire d’origines en présentant un personnage finalement assez peu connu du grand public. Si Shazam a eu ses moments de gloire - notamment dans le magnifique comics Kingdom Come, illustré par Alex Ross - à moins d’être lecteur de DC Comics, il est facile d’être jusque-là passé à côté. Aux USA, c’est un peu différent, notamment parce que deux séries télévisées ont mis le personnage en lumière, dans les années 70 et 80.
Un héros pas DC
Le personnage étant une toile blanche pour une grande partie du public, il est évident que Warner a cherché à faire table rase de ses tentatives passées avec les films de super héros : Shazam!, c’est un peu le DC du renouveau, d’une certaine manière.
Le film mise à fond sur la dérision.
Si Aquaman avait déjà réussi à glisser plus d’humour dans ses dialogues que la totalité des films DC auparavant (Justice League étant probablement la quintessence des plaisanteries qui tombent à plat), Shazam! en fait tout simplement son fer-de-lance. Que ce soit au niveau des situations, des dialogues et de la mise en scène, le film mise à fond sur la dérision, et force est de constater que cela fonctionne plutôt bien. Les occasions de rire ne manquent pas, et l’ensemble s’avère franchement divertissant.
Avoir choisi l’acteur Zachary Levi pour incarner Shazam se révèle être payant, et ce même si ce dernier, en grave déficit de muscles, a dû se glisser dans un costume sévèrement rembourré pour afficher un minimum de crédibilité dans le rôle. Expert dans les rôles de « héros malgré lui » (il jouait un geek au cerveau parasité par une base de données de la CIA dans la série Chuck), le comédien s’en sort bien et parvient même à faire oublier qu’il n’a, à la base, pas trop la tête de l’emploi. Dans le camp adverse, Mark Strong, habitué à jouer les méchants, fait le boulot, mais cabotine quand même un peu. Qu’importe, la recette fonctionne, le film est cool et réserve même quelques surprises inattendues jusqu’à sa toute fin.
Une recette loin d’être nouvelle
Si Warner semble être parvenu à trouver une manière de rendre l’univers cinématographique de DC Comics attractif avec Aquaman, puis maintenant avec Shazam!, c’est probablement parce que le studio applique une recette bien connue... et largement récupérée chez Marvel Studios. En laissant de côté la noirceur pourtant bien présente dans Man of Steel, Batman vs Superman et même Wonder Woman, Warner élimine toute prise de risque pour entrer dans un moule qui a fait ses preuves, mais qui ne réserve finalement rien de nouveau.
Si Shazam! plaît, c’est parce qu’il rappelle des codes bien connus, satisfaisants chez le concurrent qui, ironiquement, flirte actuellement avec davantage de noirceur chez les Avengers. La stratégie de Warner est finalement payante, puisque Shazam! est clairement son film le plus sympathique jusque-là. Dommage que cela se fasse au détriment de la cohérence de l’univers DC Comics, qui va désormais devoir revoir sa copie pour ajuster sa course : c’est peut-être là que se situe le véritable enjeu du métrage de David F. Sandberg, qui n’hésite pas à multiplier les références aux autres super héros DC, jusqu’à balancer un troll magistral à tous ceux qui s’interrogent sur l’avenir de la franchise et sur les acteurs toujours impliqués. Enfin, notons que le film possède deux scènes post-générique, l’une au milieu, l’autre à la fin. Vous savez ce qu’il vous reste à faire si vous ne désirez rien manquer.
S’il est globalement réussi et divertissant, Shazam! n’en reste pas moins plutôt paresseux et préfère adopter un cahier des charges qui balaie toute audace pour se concentrer sur des codes connus. Un tel film proposé par Marvel Studios aurait sans doute été pris comme un retour en arrière, mais chez Warner, qui peine à rendre ses personnages réellement sympathiques, c’est une petite bouffée d’oxygène. Ça passe pour cette fois, mais ça ne fera sans doute pas illusion bien longtemps.
Note : 4 étoiles sur 5