Rocksteady accusé de laxisme sur le sexisme interne, le studio réagit et est défendu par ses employées
par Auxance M.Le développeur britannique derrière les Batman Arkham et le prochain jeu Suicide Squad a été accusé de mauvaise gestion de problèmes internes par ses employés.
Les affaires d'agressions sexuelles, de harcèlement ou de sexisme sont malheureusement légion dans encore beaucoup trop de sociétés privées, y compris dans le domaine du jeu. Ces dernières semaines, plusieurs employés d'Ubisoft ont été accusés de faits graves ayant conduit à leur renvoi, alors que la gestion même de l'affaire par Yves Guillemot a été pointée du doigt.
Hier, The Guardian a publié un article dédié à une autre histoire qui se déroule cette fois dans les locaux britanniques de Rocksteady, créateur des Batman Arkham. 10 des 16 femmes du studio ont en effet envoyé une lettre à leur directoire en novembre 2018 pour se plaindre du comportement sexiste de plusieurs employés de l'entreprise, et surtout de l'inactivité des cadres suite à plusieurs signalements. Elles y faisaient mention de propos injurieux envers la communauté transgenre, de l'utilisation de termes à caractère sexuel pour désigner certaines femmes, d'avances non désirées, de regards soutenus sur le corps des collaboratrices ou de commentaires inappropriés.
L'histoire ressurgit aujourd'hui, car selon l'une des plaignantes, la situation n'aurait pas évolué depuis, et seul un inefficace séminaire sur le sujet de la condition des femmes au travail aurait été organisé. Elle a donc décidé de diffuser cette lettre au Guardian pour rendre ces faits et agissements publics et enfin faire bouger les choses.
J'ai tout entendu, des réclamations tâtonnantes aux incidents impliquant [des cadres supérieurs], qui sont tous des hommes. Pourtant, la seule chose que nous avons eue suite à cela était un séminaire à l'échelle de l'entreprise qui a duré une heure. Tous les participants ont été invités à signer une déclaration confirmant qu'ils avaient reçu la formation. C'était juste un moyen pour eux de se couvrir le c*l.
[...] Rocksteady n'a pas la meilleure réputation pour ce qui est de représenter les femmes. Parfois, vous pouviez voir la surprise sur leur visage lorsque vous disiez que ce n'était pas comme ça que les femmes s'habillaient.
[...] Je pense que la bonne issue [de la publication de la lettre] est essentiellement de montrer à l'industrie du jeu en général [que] quelle que soit la taille de votre entreprise, à quel point vous la promouvez comme un soutien à la diversité, si vous continuez à mettre la tête dans le sable vous finirez par être démasqué. Je dirais que 97 % à 98 % des développeurs sont des gens incroyables, et c'est tellement injuste que cela leur retombe dessus parce que quelques personnes n'étaient pas gérées correctement.
Contacté par The Guardian la semaine dernière, avant la publication de l'article, Rocksteady a répondu par le biais d'un communiqué assez laconique dans un premier temps, indiquant que le studio pense avoir réagi correctement face à ces dérives sexistes.
Dès le premier jour chez Rocksteady Studios, nous avons décidé de créer un lieu où les gens sont pris en charge, un lieu fondamentalement fondé sur le respect et l'inclusion. En 2018, nous avons reçu une lettre de certaines de nos employées exprimant leurs inquiétudes à l'époque, et nous avons immédiatement pris des mesures fermes pour résoudre les problèmes soulevés. Au cours des deux années suivantes, nous avons écouté attentivement et appris de nos employés, en veillant à ce que chaque personne de l'équipe se sente soutenue. En 2020, nous sommes plus que jamais passionnés de continuer à développer notre culture inclusive et nous sommes déterminés à défendre l'ensemble de notre personnel.
Face à l'ampleur qu'a rapidement prise l'affaire, Rocksteady a depuis tenu à réagir sur les réseaux sociaux, non pas avec sa réponse officielle qui arrivera plus tard, mais avec celle de ses employées. 7 des 10 personnes ayant cosigné la lettre de 2018 déclarent ne pas être en accord avec le fait que le débat soit désormais public, et ne soutiennent pas la démarche de leur (ancienne ?) collaboratrice. Elles annoncent aussi être en accord avec les mesures et initiatives prises par Rocksteady depuis leurs plaintes.
Tout en travaillant sur notre réponse aux nouvelles récentes, nous avons reçu la lettre non sollicitée suivante. 8 des 10 personnes qui ont signé la lettre originale de 2018 sont toujours chez Rocksteady. La lettre non éditée ci-dessous provient de 7 de ces personnes. Veuillez noter que toutes les personnes impliquées ne souhaitent en aucun cas que leur identité soit divulguée publiquement :
Cette déclaration est envoyée en représentation des femmes actuelles des studios Rocksteady qui travaillaient au studio en 2018 et qui ont signé une lettre concernant les problèmes rencontrés par les employées.
La déclaration n'a en aucun cas été demandée ou influencée par la direction ou par quiconque. Ce sont uniquement les voix des personnes impliquées qui sont encore actuellement employées par Rocksteady. Nous ressentons tous le besoin de répondre à cela et de refléter ce qui s'est réellement passé à l'époque et comment cela a été géré depuis.
Récemment, un article a été publié dans le Guardian concernant cette lettre qui a été envoyée aux chefs de studio et aux RH en 2018, en plus de multiples autres accusations. Dans cet article, nous pensons que la ou les sources anonymes ont tenté de parler au nom de toutes les femmes de Rocksteady, et nous ne pensons pas que cet article est une représentation fidèle de nous, des événements survenus à l'époque ou depuis la réception de la lettre.
Lorsque la lettre a été reçue par le studio, des mesures immédiates ont été prises, ce qui a abouti à une série de réunions avec les femmes du studio pour nous donner un espace sûr pour parler de tous les problèmes auxquels nous étions confrontés, trouver des stratégies pour résoudre ces problèmes et quoi le studio pourrait faire à l'avenir. Des efforts continus ont été déployés pour nous assurer que nous avons une voix au sein de notre travail et au sein du studio, allant de l'implication spécifique dans la façon dont nos personnages sont représentés aux ateliers pour aider à renforcer la confiance en soi dans des industries dominées par les hommes. Tout au long de tout cela, une promesse ferme a été faite qu'il y a toujours un forum ouvert pour que nous puissions nous exprimer et que les problèmes seraient traités avec sérieux.
Aucune des employées actuelles du studio impliquées dans la lettre n'a été contactée au sujet de la publication de cette lettre aux médias jusqu'à ce que nous en soyons informés par le studio. Au moment de travailler sur la lettre originale avec le studio, nous avons été assurés que cela serait gardé à titre privé, car c'était ce que nous avions collectivement demandé. Nous estimons que notre vie privée et nos souhaits n'ont pas été respectés et qu'une affaire privée a été rendue publique. Cela nous a laissé le sentiment que nous avons été violés par la ou les sources, car cela a été gardé privé pour des raisons personnelles à toutes les personnes impliquées, et non en raison du secret de l'industrie.
Nous voudrions conclure cette déclaration en réaffirmant l'importance de toute minorité au sein de l'industrie du jeu vidéo à prendre la parole et que les studios doivent prendre au sérieux, comme Rocksteady l'a fait à l'époque et continue de le faire, en avançant avec ces allégations prises en compte et en travaillant à la création d'environnements sûrs dans lesquels nous pouvons travailler afin que nous puissions faire de grands jeux.
While working on our response to the recent news, we received the following unsolicited letter. pic.twitter.com/sozmsp6u3C
— Rocksteady Studios (@RocksteadyGames) August 19, 2020
Si l'histoire divise jusqu'aux rangs internes de Rocksteady, elle risque clairement de ne pas être perçue de la même manière par tous les joueurs ou investisseurs. Dans tous les cas, ces accusations de mauvaise gestion tombent mal pour le studio, qui doit révéler son Suicide Squad: Kill the Justice League ce week-end.